Forte paupérisation des retraités en Allemagne

International par Evelyne Salamero

© Sandra Hoyn/LAIF-REA

Plus d’un retraité allemand sur cinq (21,6 %) pourrait vivre sous le seuil de pauvreté dans vingt ans, et encore dans l’hypothèse où l’économie évoluerait positivement.

L’Allemagne compte déjà 16,8 % de retraités pauvres. Pas moins de 11 % des pensionnés âgés de 65 à 74 ans sont obligés de travailler, soit deux fois plus qu’il y a dix ans. Comment en est-on arrivé là ?

Au tout début des années 2000, alors qu’une politique de modération salariale sévissait déjà depuis plusieurs années outre-Rhin, un train de réformes a profondément précarisé le marché du travail et accentué la baisse du coût du travail. La première loi Hartz (du nom de l’inspirateur de cet arsenal juridique, Peter Hartz, directeur du personnel de Volkswagen) a facilité le recours à l’intérim et contraint les chômeurs à accepter des emplois beaucoup moins bien payés que leur activité précédente. Une deuxième loi Hartz a assoupli les critères requis pour exonérer un contrat à temps partiel de cotisations sociales. Vingt ans plus tard, pas moins de 22,5 % de la population active entre dans la catégorie des bas salaires et donc… des basses cotisations, ce qui débouche sur des droits restreints.

Le système par points, un facteur aggravant

Le système allemand de retraites par points, introduit en 1957, ne permet pas d’amortir les effets de la précarisation des carrières. Il faut avoir travaillé un an, payé au salaire moyen de référence (38 901 euros par an en 2019), pour avoir droit à un point (ceux qui gagnent moins ont droit à une fraction de point). La valeur du point est fixée chaque année par décret du gouvernement fédéral. Depuis 2009, le gouvernement a trouvé un artifice pour éviter de la baisser brutalement : il s’est donné la possibilité de la geler, tout en programmant de soustraire de la revalorisation suivante la baisse qui aurait théoriquement dû avoir lieu.

Selon l’OCDE, le taux de remplacement net de la retraite était de 51,9 % en 2018 (contre 73,6 % en France), sachant qu’il n’y a pas de retraite complémentaire obligatoire en Allemagne. La réforme de 2004 prévoit de la réduire à moins de 45 % d’ici à 2033. Mais la paupérisation des retraités allemands est telle que le gouvernement va instaurer une retraite minimale au 1er janvier 2021, financée par un impôt sur les transactions financières. Le système par points ne permet pas non plus de régler les problèmes de financement. La Bundesbank a donc suggéré de porter l’âge de la retraite à 69 ans, alors qu’une loi de 2012 prévoit déjà de le relever progressivement à 67 ans d’ici à 2031. La confédération syndicale allemande DGB s’est immédiatement opposée à ce nouveau recul.

Evelyne Salamero Ex-Journaliste à L’inFO militante