France Télécom : l’exemplaire procès d’une « politique de violence sociale »

Revue de presse par Christophe Chiclet

Didier Lombard, P-DG de France Telecom a l’epoque des faits. © Nicolas TAVERNIER/REA

France Télécom, son ancien patron et plusieurs cadres dirigeants comparaissent pour harcèlement moral devant le tribunal correctionnel de Paris, depuis le 6 mai et jusqu’au 12 juillet. Les faits retenus sont particulièrement graves, l’entreprise ayant compté plusieurs dizaines de suicides de 2007 à 2009. Aperçus dans la presse.

Le Parisien
Un procès exceptionnel, où la question de la souffrance au travail sera au cœur des débats. Un procès dont l’issue sera scrutée par les milieux économiques et par les syndicats. Pour la première fois en France, une grande entreprise, France Télécom (devenu Orange), son ancien numéro un, Didier Lombard et six de ses hauts responsables répondent sur le plan pénal du chef de harcèlement moral… Il leur est reproché, comme auteurs ou complices, la mise en place, entre 2007 et 2010, d’une politique d’entreprise visant à déstabiliser les salariés et les agents, à créer un climat professionnel anxiogène. Avec pour conséquence ultime les gestes suicidaires de certains. C’est en cela que pour les syndicats (Sud, CFE-CGC Orange, FO, CGT, CFTC) et les associations de victimes (ASD-Pro, Fnath), qui ont annoncé qu’une centaine de nouvelles parties civiles se constitueront à l’audience, ce procès d’une politique de violence sociale aux effets d’« un gigantesque accident du travail » devra servir d’exemple.

La Croix
En effet, selon l’instruction, le mode de management de France Télécom entre 2007 et 2010 serait à l’origine de ces drames humains. Au total, parmi la soixantaine de suicides recensés entre 2007 et 2009 par l’Observatoire du stress et des mobilités forcées de France Télécom, créé par les syndicats CFE-CGC et FO, dix-neuf cas ont été étudiés avec attention par les juges du fait de leurs liens « avérés » avec les conditions de travail.. Notamment celui-ci : Je me suicide à cause de mon travail à France Télécom (…) C’est bien le travail l’unique cause, avait pris le soin écrire Michel D., un expert en réseau mobile marseillais avant de se donner la mort le 14 juillet 2009.

Libération
Un procès historique également : C’est la première fois que le management d’une entreprise du CAC 40 est si formellement mis en cause. D’autant qu’il s’agit d’un management toxique, celui d’une direction prête à passer ses salariés par la porte ou par la fenêtre pour tenir son cap, d’un harcèlement moral mené à une échelle quasi institutionnelle. Et ayant poussé, in fine, des employés à la dépression, voire au suicide…. Les moyens ? les plans NExT (Nouvelle expérience des télécommunications) et son volet social ACT (anticipations et compétences pour la transformation) visant à obtenir le départ de 22 000 salariés et la mobilité de 10 000 autres en trois ans – ce qui fut fait. Au moyen de réorganisations multiples et désordonnées, incitations répétées au départ, mobilités forcées, surcharge ou absence de travail, attributions de missions dévalorisantes, formations inexistantes ou insuffisantes, isolement des personnels… listent notamment les juges, qui analysent les cas de 39 victimes. Un arsenal meurtrier.

L’Humanité
Exemplaire aussi parce que, comme l’explique Frédéric Benoist, avocat de la CFE-CGC et de parties civiles, il est important de montrer qu’il n’y a pas d’impunité. Les ex-responsables sont toujours dans un processus d’autosatisfaction hallucinant. Ils étaient obnubilés par la réduction de la dette de France Télécom et l’augmentation du chiffre d’affaires. Une obsession dangereuse. Surtout pour les autres.

Christophe Chiclet Journaliste à L’inFO militante

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