France Travail : FO tire la sonnette d’alarme pour « maltraitance institutionnelle »

InFO militante par Clarisse Josselin, L’inFO militante

© Hugo AYMAR/HAYTHAM-REA

Une récente étude publiée sur le site de la Dares met en lumière une dégradation des conditions de travail au sein du service public de l’emploi, ainsi qu’une précarisation des agents et une baisse de la qualité du service rendu. Le syndicat FO, qui voit dans ces travaux la qualification scientifique des constats qu’il fait et dénonce de longue date, appelle l’institution à « changer de paradigme ».

Organisation du travail maltraitante pour les agents, injonctions paradoxales permanentes, comme celle de faire de la qualité tout en faisant de la quantité, suivi chiffré permanent et omniprésent qui prend la place de l’activité principale, celle de l’accompagnement… Tels sont quelques-uns des errements pointés par FO en préambule d’un CSE central de France Travail, les 11 et 12 septembre.

Le syndicat a listé une série de dysfonctionnements relevés par trois chercheurs dans le cadre d’une étude menée au sein de Pôle emploi, datée de juillet 2023, et publiée mi-août sur le site de la Dares. L’étude, intitulée Santé mentale et expérience subjective du chômage, dresse un lien entre la mise en place d’une forme d’industrialisation de la relation de service proposée aux demandeurs d’emploi, la dégradation des conditions de travail, la souffrance vécue par les agents et la baisse de la qualité du service rendu.

Ces travaux définissent scientifiquement tout ce que nous dénonçons depuis des années sur le manque d’effectifs, la pression exercée sur les salariés ou les conséquences de l’organisation du travail, souligne Natalia Jourdin, déléguée centrale FO à France Travail.

L’étude, réalisée sur la base d’entretiens avec des conseillers, des psychologues et des agents de contrôle, a été menée du temps de Pôle emploi, avant la création de France Travail au 1er janvier 2024 et l’organisation en réseau du service public de l’emploi. Sa transformation en France Travail n’augure aucunement un changement d’approche voire fait craindre un renforcement des processus cités ci-dessus, a poursuivi le syndicat en CSEC.

Surcharge de travail

En effet, à partir du 1er janvier 2025, en application de la loi Plein Emploi, tous les demandeurs d’emploi, y compris les allocataires du RSA, les jeunes inscrits auprès des missions locales et les travailleurs en situation de handicap, seront automatiquement inscrits à France Travail. Et le versement du RSA sera conditionné à 15 heures d’activité obligatoire, ce qui nécessitera un accompagnement renforcé pour un public particulièrement éloigné de l’emploi.

Pour faire face aux missions assignées sans dotation de moyens suffisants, comme le dénonce FO, l’institution devra notamment rechercher des gains d’efficience par l’automatisation et le développement de l’intelligence artificielle.

L’étude évoquait déjà une organisation du travail de traitement de masse des demandeurs d’emploi, ces derniers étant devenus des clients. Comme dans les banques, les conseillers se retrouvent à devoir gérer des portefeuilles de demandeurs d’emploi ou d’entreprises, toujours plus nombreux. En parallèle, les activités annexes se multiplient : mails, suivis de formations… L’ensemble des activités à réaliser dépasse largement, selon les participants, le temps de travail légal, poursuivent les chercheurs. La pression temporelle liée à la surcharge de travail donne ainsi l’impression de traiter du flux au détriment d’une écoute affinée de la situation du demandeur d’emploi, et de son accompagnement.

Une structure qui crée de la précarité

FO dénonce par ailleurs des méthodes qui visent à manager par le changement permanent, que cela concerne les processus de travail ou l’outil informatique. Cela met, selon le syndicat, les agents en situation d’insécurité face à leurs connaissances, à leur professionnalisme.

Pour les conseillers ayant participé à l’enquête, Pôle emploi est aussi une structure qui crée de la précarité, notamment par le recours aux CDD ou aux contrats civiques en agence. Selon FO, 11% des effectifs sont en CDD. Ces salariés précaires exercent pourtant des missions pérennes, que ce soit l’accueil, le suivi de portefeuille, la plateforme téléphonique… Des collègues en CDD à qui on annonce souvent du jour au lendemain à l’entrebâillement de la porte que leur contrat n’est finalement pas renouvelé, a poursuivi le syndicat en CSEC, dénonçant une violence de la part du service public de l’emploi.

Le syndicat a notamment pris la défense de Julie, une camarade employée en CDD et élue FO sur le site de Béthune, dans le Pas-de-Calais. Cette salariée a découvert son solde de tout compte en consultant sa fiche de paie de juillet, France Travail ayant mis fin à son contrat de travail le 18 juillet pendant qu’elle était en congés. Sans entretien ni coup de fil de la direction encore à ce jour, malgré les engagements pris en ce sens, et sans se soucier de l’être humain derrière le contrat de travail, a souligné FO. La camarade a également reçu le soutien des cinq syndicats des organismes sociaux (OSDD) de la région des Hauts-de-France lors d’un CSE régional le 25 juillet.

FO condamne les agissements de France Travail et dénonce la précarisation de l’emploi par le recrutement de CDD chargés de réaliser des tâches relevant de l’activité pérenne de l’institution, celle d’accompagner et indemniser les demandeurs d’emploi. Le syndicat appelle à changer de paradigme de manière urgente.

Clarisse Josselin Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération

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