Françoise, aux côtés de salariés à l’euro près, mais mobilisés

InFO militante par Clarisse Josselin, L’inFO militante

Françoise Loury, 52 ans, est cheffe d’équipe à l’abattoir de volailles SNV de Laval et trésorière du CSE. Elle se bat pour améliorer les conditions de travail et les salaires sur ce site où le turn-over et l’absentéisme battent des records.

Françoise avait une vingtaine d’années et un CAP dans le médical quand elle a poussé pour la première fois la porte de l’abattoir de volailles de Laval. J’avais déjà occupé quelques emplois précaires, mais je venais d’avoir mon premier enfant et il me fallait une situation sûre, explique-t-elle. Et les abattoirs embauchaient assez facilement en CDI. Elle fêtera cette année ses trente ans d’ancienneté. Je vais bientôt faire partie des dinosaures, s’amuse-t-elle.

Entrée comme ouvrière à la découpe des filets, elle est aujourd’hui cheffe d’équipe et conductrice de ligne, toujours sous statut ouvrier. J’adore mon métier même s’il est difficile, je suis de nature joviale, j’aime les gens, on dit que c’est dur l’agroalimentaire, mais il y a une bonne ambiance, assure-t-elle.

Le site de Laval emploie 336 salariés en CDI, quasiment autant de femmes que d’hommes, et 200 intérimaires. La volaille arrive vivante et repart sous barquette, prête à l’achat. Jusqu’à 100 000 poulets peuvent être abattus par jour.

Pour cette mère de trois enfants qui déteste l’injustice, le syndicalisme est venu comme une évidence, pour améliorer les conditions de travail et les salaires. Avec un collègue, elle a d’abord monté une section syndicale isolée. L’an dernier, toute la section a rejoint FO, deuxième syndicat sur le site, pour être plus fortsEn étant tout seuls on avançait moins bien, avec FO on a le soutien de nos collègues, du syndicat, de l’UD, se félicite-t-elle. Même la direction nous écoute davantage.

Un turn-over énorme

L’amélioration des conditions de travail reste son cheval de bataille. À la production, les salariés se relaient en 2x8, avec des horaires décalés, dès 4h30 le matin et jusqu’à 20h le soir, voire plus tard en cas de problème. On travaille avec du vivant, on ne peut pas faire attendre la volaille toute la nuit, explique Françoise. L’environnement de travail est glacial – autour de 5 degrés – et humide.

Les postes les plus durs sont en début de chaîne. Et les salariés y travaillent dans une lumière bleue pour ne pas effrayer les animaux, raconte la militante. Oui, il faut le bien-être animal, mais le bien-être humain, il est où ? Plus ça va, pire c’est.

Et les salaires ne suivent pas l’inflation galopante. Je vois de plus en plus de gens en difficulté demander des acomptes, c’est inquiétant, explique celle qui est également secrétaire du CSE. Mi-février, les salariés se sont mis en grève, notamment à l’appel de FO, pour exiger une augmentation générale de 8 %. SNV appartient au groupe LDC (Maître CoQ, Le Gaulois) qui a enregistré l’an dernier un bénéfice net en hausse de 17,2 %. Fin février, un accord NAO n’a pas été signé par FO. Il porte sur une augmentation de 3 % et quelques à-côtés, pas de quoi faire un plein de courses, regrette Françoise.

Résultat, le turn-over est énorme et l’absentéisme frôle les 13 %. Les gens ne restent pas, on les forme et au bout de deux mois ils s’en vont, déplore la cheffe d’équipe. On est sur un bassin d’emploi énorme, ils n’hésitent pas à aller travailler ailleurs, ajoute-t-elle. Même si elle se sent bien dans son métier, elle ne se voit pas travailler jusqu’à 64 ans dans ces conditions. Opposée à la réforme des retraites, elle a apprécié de pouvoir manifester samedi 11 février, pour ne pas perdre de salaire. Pour le 7 mars, des débrayages d’une heure étaient envisagés car elle et ses collègues sont à l’euro près.

Clarisse Josselin Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération