G20 : les syndicats veulent une « mondialisation équitable »

International par Evelyne Salamero

Pas moins de 85% des personnes interrogées considèrent qu’il faut changer les règles de l’économie mondiale, selon un sondage mondial commandé par la CSI (Confédération syndicale internationale). Face à ce constat, les syndicats demandent aux dirigeants des pays du G20 de remplacer de toute urgence le modèle actuel de politiques économiques, pour mettre en œuvre une mondialisation équitable.

La date n’était pas choisie au hasard. Le L20 réuni à Berlin les 16 et 17 mai regroupe les syndicats des pays du G20 [1] et avait un message à faire passer aux ministres du Travail des pays en question, eux-mêmes réunis ces 18 et 19 mai à quelques 600 kms de là mais toujours en Allemagne, à Bad Neuenahr.

Le G20 représente les deux-tiers de la population mondiale et réalise 85% du commerce mondial et plus de 90% du Produit mondial brut.

Lors de leur réunion, les ministres du Travail et de l’Emploi devront formuler une réponse politique ferme et reconnaître que le modèle actuel des politiques économiques est en échec et doit être remplacé de toute urgence, stipule notamment la déclaration du L20 transmise aux intéressés par l’intermédiaire de la chancelière allemande Angela Merkel, invitée à la rencontre des syndicats.

Au-delà, le message des syndicats était également destiné aux chefs d’État et de gouvernement du G20 qui se réuniront eux les 7 et 8 juillet à Hambourg.

Les syndicats ont également pu remettre à la chancelière allemande les conclusions du sondage d’opinion mondial 2017 [2] réalisé par la société internationale d’étude de marché Kantar Public pour la Confédération internationale des syndicats.

85% de citoyens insatisfaits de la mondialisation, 73% craignent de perdre leur emploi, 80% estiment que le salaire minimum ne suffit pas pour vivre

Il en ressort que 85% des personnes interrogées disent qu’il est temps de reformuler les règles de l’économie mondiale pour promouvoir la croissance et partager la prospérité. Cela devrait conférer la confiance nécessaire aux dirigeants des pays du G20 pour agir, sachant qu’ils sont soutenus par les électeurs, a expliqué Sharan Burrow secrétaire générale de la CSI.

Pas moins de 73% craignent de perdre leur emploi, 80% estiment que le salaire minimum ne suffit pas pour vivre, 66% s’inquiètent du changement climatique, 80% indiquent une stagnation ou une diminution de leurs revenus. Une personne sur deux (49%) ne dispose pas de revenus suffisants pour couvrir ses besoins élémentaires ou y parvient à peine. Près de quatre personnes sur dix (38%) ont été touchées par le chômage ou par une diminution de leur temps de travail ces deux dernières années.

Enfin, une large majorité (71%) estime que les gouvernements devraient s’atteler à accroître les salaires et adopter de nouvelles règles pour que les sociétés multinationales cessent de profiter de la main d’œuvre dans les chaînes d’approvisionnement.

Au-delà des mots, le mouvement syndical international demande des actes

Encourager et renforcer la négociation collective, mettre en place des salaires minimums, intégrer les normes de l’Organisation internationale du Travail dans les accords commerciaux… L’objectif pour les syndicats est la création d’emplois de qualité pour une mondialisation juste.

Le G20 a une responsabilité, qui est de veiller à ce que l’État de droit et la diligence raisonnable soient appliquées à travers l’économie mondiale et notamment à tous les niveaux des chaînes d’approvisionnement des entreprises, a souligné la secrétaire générale de la CSI.

Alors que la chancelière allemande se trouvait au premier rang, Reiner Hoffman, le président de la confédération syndicale allemande DGB et hôte de la délégation du L20, a souligné : Nous prenons la chancelière au mot, à l’occasion du sommet du G7 en 2015, elle avait déclaré que le travail décent se trouvait à la base de la réussite économique et que des conditions de travail inhumaines ne pouvaient être tolérées. Ces propos doivent désormais être traduits dans les faits.

Intervenant à la tribune de ce L20, la chancelière allemande a une nouvelle fois admis la nécessité de mieux contrôler les chaînes d’approvisionnement, citant en exemple la loi française sur le devoir de vigilance des multinationales, indique Andrée Thomas, secrétaire confédérale FO chargée du secteur international et présente à cette rencontre à Berlin.

Des lois nationales sur le devoir de vigilance des multinationales

Pour les syndicats du L20, cette loi française, si elle est perfectible et manque encore d’ambition, constitue néanmoins un pas important pour faire avancer les choses.

Tous les gouvernements doivent s’engager à promulguer des législations nationales visant à rendre obligatoire le devoir de vigilance des entreprises à l’égard des droits fondamentaux, afin de renforcer le respect des droits des travailleurs, souligne leur déclaration.

La question du numérique a également beaucoup occupé les travaux. Le G20 doit prendre des dispositions et appliquer des règles au regard des transformations numériques en cours à travers les secteurs, pour éviter des délocalisations d’emplois et assurer que les travailleurs disposent des compétences et de la protection sociale requises pour conserver leurs emplois ou accéder à de nouveaux emplois, a expliqué John Evans, secrétaire général du TUAC (commission consultative auprès de l’OCDE).

Les syndicats des pays du G20 demandent l’organisation d’un sommet tripartite en amont de la réunion des dirigeants de G20 et la participation des partenaires sociaux, et sur le lieu de travail, des institutions représentatives des salariés, dans l’identification des besoins à venir en matière d’investissement, d’emploi et de compétences.

Evelyne Salamero Ex-Journaliste à L’inFO militante

Notes

[1Le L20 regroupe les représentants de syndicats des pays du G20 et des Fédérations syndicales internationales. Il est coordonné par la Confédération syndicale internationale (CSI) et la Commission syndicale consultative auprès de l’OCDE (TUAC). Depuis la crise financière de 2008, le L20 s’est engagé dans les processus intergouvernementaux du G20 afin d’assurer un dialogue inclusif et constructif sur l’emploi et la croissance, comme l’un des groupes officiels de consultation, conjointement avec le groupe des entreprises (Business 20 – B20), le groupe de la société civile (Civil 20) et celui des jeunes (Youth 20)
Le G20 Il regroupe 19 pays (Afrique du Sud, Allemagne, Arabie Saoudite, Argentine, Australie, Brésil, Canada, Chine, Corée du Sud, États-Unis, France, Inde, Indonésie, Italie, Japon, Mexique, Royaume-Uni, Russie, Turquie) et l’Union européenne.

[2Le sondage a été réalisé en mars 2017 dans 16 pays : Afrique du Sud, Allemagne, Argentine, Belgique, Brésil, Canada, Chine, Corée du Sud, Danemark, États-Unis, France, Guatemala, Inde, Japon, Russie, Royaume-Uni.

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