Grandes enseignes parisiennes : bataille autour du travail du dimanche

Emploi et Salaires par Françoise Lambert

Galeries Lafayette - Rose Trinh (CC BY-NC-ND 2.0)

Le repos dominical, une conquête de cent dix ans, est malmené par la loi Macron, mais aussi par le projet de loi Travail. La fédération FO du Commerce dénonce le « contournement des organisations syndicales par voie référendaire ». Le point sur la situation emblématique des grandes enseignes à Paris.

Demain, le 3 juillet, le BHV-Marais sera le premier grand magasin parisien à ouvrir ses portes tous les dimanches, dans le cadre de la loi Macron d’août 2015 et de ses Zones touristiques internationales (ZTI), suite à un accord signé au sein de l’entreprise du groupe Galeries Lafayette par un syndicat de cadres (CGC) et un syndicat autonome (SUD).

Une avancée obtenue en 1906 après une grève massive

« Cette ouverture coïncide, à dix jours près, avec le 110e anniversaire de la promulgation de la loi du 10 juillet 1906, qui a instauré le repos dominical dans les grands magasins, une avancée qui avait été obtenue après une grève massive en mai 1906 », s’insurge Christophe Lecomte, « 110 ans après, nous assistons avec la loi Macron, mais aussi avec des mesures du projet de loi Travail, au sabordage d’un droit acquis de haute lutte. »

Dans les ZTI, les magasins peuvent ouvrir jusqu’à minuit

La loi Macron instaure de nouvelles dérogations au repos dominical : Elle permet l’extension de 5 à 12 ouvertures par an le dimanche pour l’ensemble des commerces, et elle a mis en place des zones commerciales avec autorisation d’ouvertures tous les dimanches, ainsi que des zones touristiques internationales (ZTI) au sein desquelles les magasins peuvent ouvrir tous les dimanches et le soir jusqu’à minuit, sans appliquer les règles spécifiques au travail de nuit.

Négociations au niveau de l’entreprise

Dans les grandes enseignes du commerce urbain parisien, aucun accord de branche n’a été conclu à l’issue d’une négociation entre l’Union du grand commerce de centre-ville (UCV) et les syndicats. Les discussions sur le travail du dimanche et ses contreparties se sont ouvertes au niveau des entreprises. Dans une belle pagaille.
Des accords ont notamment été signés par certains syndicats dans les entreprises Darty, Natures & Découvertes, Tati et BHV.

Au BHV, bien que les salariés sollicités par référendum en novembre 2015 aient exprimé leur refus du travail dominical, il sera en place dès demain, en raison d’un accord signé en mai par la CGC et un syndicat autonome se réclamant de SUD.

Passage en force aux Galeries Lafayette ?

Aux Galeries Lafayette, FO, la CGT et un syndicat dissident de la CFDT, le SCID, qui représentent plus de 50% des salariés, ont exercé un droit d’opposition à un accord sur le travail du dimanche signé par la CGC et la CFTC. Mais la direction du grand magasin et la CFDT contestent la représentativité du SCID, et tentent de passer en force pour mettre en place le travail du dimanche.

Statu quo à la FNAC

A la FNAC, aucun accord n’a pour l’instant été signé. Quand la CFDT et deux autres syndicats minoritaires avaient avalisé fin janvier un projet d’accord, FO et CGT avaient annoncé qu’elles exerceraient leur droit d’opposition en cas de signature. Depuis, c’est le statu quo. L’enseigne de biens culturel attendrait-elle que la loi El Khomri vienne à son secours ?

La loi El Khomri à la rescousse du travail dominical ?

Quand un accord d’entreprise est rejeté par les syndicats majoritaires, comme aux Galeries Lafayette ou à la FNAC, le projet de loi Travail prévoit d’autoriser les syndicats minoritaires, s’ils représentent au moins 30% du personnel, à consulter les salariés par référendum.

Les organisations syndicales contournées

« Nous avons là rien de moins qu’un contournement des organisations syndicales par voie référendaire », s’insurge Christophe Lecomte, de la section fédérale FO-Commerce.

Le résultat du référendum, au cours duquel l’employeur ne manquera pas d’exercer des pressions, prendrait in fine le pas sur les signatures syndicales. La représentativité des organisations syndicales, et de facto leur légitimité, seraient ainsi remises en cause.

Une disposition qui tombe à pic pour les zélateurs du travail dominical

Une telle disposition tombe à pic pour les zélateurs du travail du dimanche. Parmi lesquels figurerait Myriam El Khomri. La ministre du Travail copréside avec le ministre de l’Economie Emmanuel Macron l’Observatoire du commerce dans les zones touristiques internationales (ZTI), qui vient d’être créé le 21 juin.

Cet organisme est chargé de l’ « évaluation », mais aussi de la « promotion » de l’ouverture dominicale dans ces périmètres touristiques. Deux missions qui peuvent s’avérer quelque peu conflictuelles ?

L’observatoire pourrait en tout cas s’attacher à lever un conflit entre deux textes de loi : le projet de loi El Khomri donne la possibilité aux entreprises de modifier, avec un préavis de deux mois, les horaires des salariés amenés à travailler le dimanche, à l’encontre d’une disposition de la loi Macron sur le travail du dimanche qui prévoyait un calendrier annuel…

Le Conseil constitutionnel donne raison à la Mairie de Paris

Une loi Macron décidément malmenée. Le Conseil constitutionnel vient de donner raison, contre une de ses dispositions, à la maire de Paris. Anne Hidalgo pourra fixer, comme ses alter-ego des autres villes, le nombre d’ouvertures autorisées le dimanche, alors que la loi Macron en avait donné le pouvoir au Préfet de Paris.

L’exécutif parisien devrait recevoir dans les prochains mois les organisations syndicales et patronales pour recueillir leurs attentes et leurs propositions. Lequelles devraient ensuite être soumises à l’automne au conseil de Paris.

Françoise Lambert Journaliste à L’inFO militante

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