Grandir dans la tourmente

Les 120 ans de la CGT FO par Evelyne Salamero, Mathieu Lapprand

Résistance Ouvrière. Le 26 juillet 1945, le journal publie un article consacré au rapport de Georges Buisson sur la Sécurité sociale.

Les grandes dates des 120 ans d’histoire de la Confédération Générale du Travail

La CGT, Confédération Générale du Travail, a eu 120 ans le 28 septembre dernier.
Cette CGT, la CGT-Force Ouvrière la continue depuis 1947, année où plusieurs de ses dirigeants et militants décidèrent de faire scission pour défendre l’indépendance de l’organisation. Il revenait à Force Ouvrière Hebdo, héritier du journal Résistance Ouvrière né en 1944 et devenu Force Ouvrière à la scission, de retracer ces cent vingt années d’histoire.


Durant la première moitié du XXe siècle, le mouvement syndical est confronté aux guerres, à la crise économique de 1929… et aux premières scissions. Mais il saura aussi, pendant cette période troublée, conquérir de nombreux droits.


1914 La Première Guerre mondiale
Jusqu’à l’été 1914, le mot d’ordre ouvrier reste « Guerre à la guerre » et « Grève générale contre la guerre du grand capital ». Mais les conflits dans les Balkans et l’attentat de Sarajevo le 28 juin 1914 vont brusquement faire basculer l’Europe dans la guerre. Le 29 juillet, la confédération appelle à une manifestation, interdite par le gouvernement. Jaurès est assassiné deux jours plus tard et le lendemain la mobilisation générale est décrétée. La CGT ne sera pas en mesure de s’y opposer.


Léon Jouhaux, secrétaire confédéral de la CGT de 1909 à 1947, puis fondateur de la CGT-FO (avril 1947).

1919 La journée de 8 heures
En 1884, les syndicats américains se donnent deux ans pour imposer une limitation de la journée de travail à 8 heures. Cette revendication est reprise en France dès 1886. Mais ce n’est que trente années plus tard, le 23 avril 1919, sur proposition du gouvernement Clemenceau, qui craint une grève générale, que le Sénat français ratifie la loi des 8 heures. Une décision motivée aussi par l’afflux de main-d’œuvre provoqué par le retour des hommes du front, qui fait redouter une montée du chômage d’autant plus que les femmes, qui ont pris leur place durant le conflit, souhaitent continuer à travailler.


1919-1921 La fin de l’unité syndicale
Inspirée par l’encyclique Rerum Novarum (1891) du pape Léon XIII, la Confédération française des travailleurs chrétiens est créée en 1919. Ses troupes se recrutent parmi les employés, les cheminots, dans le textile et les mines. Elle se prononce pour la collaboration de classe et contre la grève générale. Au congrès de Lille, en juillet 1921, la CGT se divise en deux motions qui se heurtent violemment. La tendance majoritaire, représentée par Léon Jouhaux, l’emporte sur celle des syndicalistes ralliés à Moscou. Refusant d’accepter le verdict du congrès, la minorité provoque une rupture et c’est la première scission syndicale : face à la CGT apparaît la CGT-U (Confédération générale du travail unitaire). Il y a désormais trois centrales syndicales en France.

Les 30 ans de la CGT. Page de couverture du programme de commémoration en 1925.

Février 1934 Émeute fasciste
À la suite d’un scandale financier, l’affaire Stavisky, une manifestation fasciste devant la Chambre des députés tourne à l’émeute sur la place de la Concorde le 6 février 1934. La CGT décide d’appeler à une grève générale le 12, pour la défense des libertés démocratiques et du régime républicain. Cette journée marque un premier rapprochement avec la CGT-U, qui a également appelé à la grève générale.


1936 Les acquis du Front populaire
Le congrès de Toulouse, en mai 1936, entérine la réunification entre la CGT et la CGT-U. Fusion qui consacre le syndicalisme traditionnel : autonomie du mouvement, refus de toute emprise politique. L’ampleur exceptionnelle des mouvements de grève de juin 1936, les occupations notamment, a permis des conquêtes inenvisageables quelques semaines plus tôt : augmentation générale des salaires de 7 à 15 %, création des délégués du personnel élus, semaine de 40 heures, congés payés, conventions collectives généralisées. Autant de victoires qui provoquent une ruée vers les syndicats dans les mois qui suivent.


1945 La Libération et la création de la Sécurité sociale
À la Libération, la CGT se réinstalle dans l’immeuble dont elle avait été dépossédée et s’ouvre largement aux travailleurs de toutes tendances. À nouveau les effectifs montent, 5 millions d’adhérents en 1945, 6 millions en 1946. Les syndicats arrachent l’instauration des ordonnances des 4 et 19 octobre 1945 qui mettent en œuvre la Sécurité sociale, en reconnaissant aux salariés le droit de gérer leurs propres cotisations. La mise en place de la couverture du risque maladie, du risque vieillesse ainsi que les allocations familiales va bouleverser la vie de millions de salariés.


Evelyne Salamero Ex-Journaliste à L’inFO militante

Mathieu Lapprand Journaliste à L’inFO militante