Grèce : un « allègement » de la dette très cher payé

Europe par Evelyne Salamero

Les ministres des Finances de la zone euro sont tombés d’accord mercredi 25 mai à l’aube pour débloquer 10,3 milliards d’euros à l’intention de la Grèce et « alléger » sa dette en 2018. Le tout est une nouvelle fois très cher payé par le peuple grec. Les manifestations de mécontentement n’ont d’ailleurs pas cessé dans ce pays pourtant exsangue.

La réforme des retraites votée par le Parlement grec le 8 mai dernier n’avait pas suffi aux créanciers du pays. Adoptée une nouvelle fois au mépris de l’appel à une nouvelle grève générale de 48 heures de la confédération grecque du secteur privé GSEE et de la fédération des fonctionnaires Adedy, elle prévoit pourtant la réduction des pensions les plus élevées et l’augmentation des cotisations.

Dimanche 22 mai au soir, les députés grecs ont donc voté de nouvelles mesures, comme une hausse d’un point du taux courant de TVA (désormais à 24%) et la création d’un nouveau fonds de privatisations pour accélérer la grande braderie des actifs publics.

« Pince coupante »

De surcroît, un mécanisme d’ajustement budgétaire automatique est mis en place, qui permettra de déclencher des coupes dans les dépenses publiques sans contrôle parlementaire ni maîtrise gouvernementale, si le pays ne dégage pas un excédent budgétaire primaire de 3,5% du PIB (hors service de la dette). Les Grecs ont surnommé ce dispositif « koftis », ce qui signifie « pince coupante ». Il devrait épargner les dépenses sociales, a promis le gouvernement. Mais cela n’a pas suffi à ramener le calme et plusieurs dizaines de milliers de grecs, qui ne croient plus beaucoup aux promesses des uns et des autres, manifestaient encore au moment du vote au Parlement.

Ces mesures ont été prises pour obtenir des créanciers du pays le versement d’une tranche du prêt prévu par l’accord de juillet 2015 mais bloqué depuis plusieurs mois. Une première tranche de 7,5 milliards d’euros sera allouée le mois prochain et une autre de 2,8 milliards ultérieurement. Cet argent frais devra être utilisé par l’État grec pour… rembourser des factures impayées et s’acquitter d’une échéance de remboursement de quelque 2,2 milliards à la Banque centrale européenne (BCE) le 20 juillet.

Vous avez dit « allègement » ?

L’objectif du gouvernement était aussi d’obtenir un allègement de la dette. Mais y est-il réellement parvenu ? Cet « allègement » ne s’appliquera, conformément aux exigences de l’Allemagne, qu’en 2018 et dans le cas où le pays en aurait besoin pour se conformer aux conditions du prêt octroyé. Les remboursements ne seront en aucun cas réduits. L’accord des ministres des Finances de la zone euro indique seulement que la Grèce doit maintenir ses besoins de financement bruts en-dessous de 15% du PIB à moyen terme et en dessous de 20% à long terme. Les échéances pourront être allongées, mais il n’y aura pas de réduction du montant nominal de la dette précisent les argentiers de la zone euro.

De nombreux économistes ont de nouveau mis en garde contre les effets récessifs de ces mesures, alors qu’au moins 35% des Grecs sont déjà en situation de pauvreté et que, de l’aveu de certains députés européens, 5% seulement des sommes déjà octroyées à la Grèce par ses créanciers depuis 2010 auraient été réellement captés par le budget du pays. Les 95% restant auraient servi à recapitaliser les banques et à rembourser les intérêts de la dette.

Evelyne Salamero Ex-Journaliste à L’inFO militante