Après plusieurs semaines de tractations avec les ministres des finances de l’UE réunis au sein de l’Eurogroupe, le nouveau gouvernement grec a finalement adressé la liste de « réformes » qu’il entend mettre en œuvre en contrepartie de la prolongation de quatre mois l’aide financière extérieure permettant au pays d’éviter le défaut de paiement.
Bien que le niveau de la dette publique grecque (près de 177% du PIB) soit essentiellement le résultat des politiques d’austérité drastiques imposées par la Troïka et que le pays se trouve dans une situation sociale catastrophique du fait de ces mêmes politiques, les créanciers de la Grèce continuent d’exiger de son gouvernement des « réformes ».
Le gouvernement dirigé par Syriza, en place depuis fin janvier, a ainsi été contraint au compromis et a publié le 24 février une « lettre d’engagement ». L’Eurogroupe a donné son accord tout en restant méfiant sur le flou des mesures annoncées. Le Premier ministre grec a-t-il dû renoncer à ses engagements électoraux ? En partie seulement, le courrier adressé par le ministre Varoufakis à ses homologues est un habile mélange de réalisme et de fidélité à ses engagements. D’un côté, certaines mesures sont bien maintenues mais de l’autre, le pays ne s’affranchit pas de la surveillance de ses finances publiques (en lien avec les règles européennes dans le cadre de la nouvelle gouvernance économique).
Ainsi, la Grèce entend d’abord développer une imposition plus efficace, avec plus de moyens pour collecter les impôts, notamment la TVA et la « modernisation de l’administration fiscale ». Syriza y laisse son empreinte et entend cibler d’abord « les plus nantis », pour « les faire participer de manière juste au financement des politiques publiques », « sans impact négatif sur la justice sociale ». Le gouvernement grec met aussi l’accent sur la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale (ce qui n’était pas une priorité pour la Troïka) et prévoit un dispositif de lutte contre la contrebande d’essence et de cigarettes, un renforcement de la lutte contre la corruption et la mise en place d’un système permettant le paiement rapide des arriérés fiscaux et de contributions à la sécurité sociale. Tous les grecs, même « les mieux lotis » devront se plier à « la culture de soumission à l’impôt ».
Sur la fonction publique, le gouvernement s’engage à stabiliser la masse salariale, une réforme des grilles de salaires est annoncée, ainsi qu’une « modernisation » des procédures de recrutement, avec notamment l’introduction de rémunération au mérite. Le nombre de ministères devra passer de 16 à 10. Les avantages en nature et primes des ministres, parlementaires et hauts fonctionnaires seront réduits.
En matière de retraites, l’engagement est pris de poursuivre la modernisation du système de retraites et d’éliminer tous les dispositifs qui favorisent les départs en retraite anticipées notamment dans le secteur bancaire et le secteur public. L’accent est mis sur les salariés entre 50-65 ans notamment en généralisant à tout le pays le mécanisme de revenu minimum garanti en cours d’expérimentation.
Sur les privatisations, Syriza avait annoncé son intention de revenir sur plusieurs ventes en cours. Toutefois, les privatisations déjà achevées ne seront pas remises en question et les processus en cours iront à leur terme. En revanche, celles qui ont été décidées précédemment mais pas encore lancées seront réexaminées.
Concernant le marché du travail, le gouvernement entend aller vers les meilleures pratiques en vigueur dans l’UE en matière de législation du travail, en consultation avec les partenaires sociaux et avec l’appui de l’OIT. Une nouvelle approche de la négociation collective en matière de salaires est annoncée, équilibrant « flexibilité et équité ». Le compromis proposé maintient la hausse du salaire minimum mais son ampleur et le calendrier seront décidés en concertation avec les partenaires sociaux, les institutions de l’UE, mais aussi et c’est nouveau l’OIT.
Enfin, des mesures visant à lutter contre la crise humanitaire sont mentionnées pour assurer l’accès des plus pauvres aux ressources élémentaires : alimentation, logement, santé, énergie… Des bons d’alimentation seront mis en place. Le revenu minimum garanti actuellement en cours d’expérimentation sera étendu. Toutefois ces mesures ne devront pas avoir d’impact budgétaire négatif…
Du côté syndical, le président de GSEE lors d’une rencontre fin février avec le nouveau ministre du travail – tout en jugeant bonnes les intentions annoncées par le nouveau gouvernement - a mis en avant la reconstitution du cadre institutionnel de la négociation collective et la restauration du salaire minimum.
Lors de son comité exécutif des 9 et 10 mars, la CES dans une déclaration sur la Grèce, souligne que « les changements politiques intervenus en Grèce constituent une opportunité non seulement pour ce pays ravagé par la crise mais aussi pour une réévaluation et une révision fondamentales des politiques économiques et sociales de l’UE axées sur une austérité et des réformes structurelles du marché du travail qui ont échoué. »