Grenoble L’hôpital mutualiste fait tomber son nouveau P-DG

InFO militante par Sandra Déraillot, L’inFO militante

© François-Henry/REA

À Grenoble, la vigilance du syndicat FO du Groupe hospitalier mutualiste a permis d’interrompre les dérives financières de son gestionnaire. Le P-DG est mis en examen et interdit de gérer l’établissement. Les représentants syndicaux espèrent aussi le remboursement de prélèvements qu’ils considèrent abusifs, et même l’annulation de l’acquisition de leur hôpital par le groupe AVEC.

Un syndicat ça sert dans une boîte, ça peut même la sauver, s’enorgueillit Thierry Caron, délégué syndical FO du Groupe hospitalier mutualiste de Grenoble (GHM), dont le président-directeur général, Bernard Bensaïd, a été mis en examen le 11 janvier dernier pour prise illégale d’intérêt et détournement de fonds publics. La procédure fait suite à une plainte contre X déposée par deux syndicats, dont FO, du GHM qui s’inquiétaient de prêts à taux zéro et de conventions de service qui semblaient servir à transférer d’importantes sommes d’argent du GHM vers le groupe AVEC, propriétaire de cet établissement de santé privé d’intérêt collectif (ESPIC) depuis octobre 2020.

Nous nous sommes inquiétés très vite de l’arrivée de ce repreneur déjà endetté de 20 millions d’euros, explique Thierry Caron. Le groupe AVEC (ex Doctegestio), longtemps spécialiste de la gestion de l’immobilier de tourisme, reprend depuis 2012 des structures du secteur médico-social et sanitaire en difficulté. Il est par ailleurs familier des tribunaux (le groupe a déjà été condamné pour non-versement des loyers aux propriétaires d’une résidence de tourisme exploitée par le groupe) et a également mené un centre de santé à la fermeture à la suite d’un différend concernant le bail et les loyers dus au propriétaire des murs.

Des emprunts à la pelle

Du côté du groupe hospitalier mutualiste de Grenoble, dès son arrivée, Bernard Bensaïd a annoncé la couleur : Il a pris la tête du GHM, placé au conseil d’administration des salariés de son groupe, son fils et son épouse. Et il prenait des décisions sans consulter le CSE, explique Thierry Caron. Début 2021, le syndicat et la municipalité ont enclenché une demande d’annulation de la vente pour non-respect des principes du code de la mutualité (elle devrait être plaidée courant 2023). Suivront trois alertes du commissaire aux comptes du GHM auprès du tribunal judiciaire, avant le dépôt de plainte. En effet, plusieurs millions d’euros ont quitté les caisses du GHM pour rejoindre celles du groupe AVEC. Huit au total, pour seulement 1,5 million remboursé à ce jour au GHM.

Pour les syndicats, les sommes versées via les prêts et les conventions ne correspondent pas à de réels services fournis par AVEC au GHM. Lorsque Bernard Bensaïd a été interpellé, il avait réuni le conseil d’administration et sollicitait un nouvel emprunt de 2,7 millions d’euros, assure Thierry Caron.

Si ces ponctions n’ont jusqu’à présent pas eu d’impact sur le fonctionnement de l’établissement (qui réalise 35% des chirurgies sur le département de l’Isère), elles pourraient néanmoins remettre en cause certaines décisions d’investissement. Nous devons nous équiper d’un cyberknife (outil chirurgical utilisé en cancérologie, NDLR) qu’on ne pourra peut-être pas acquérir si les emprunts ne sont pas remboursés, s’inquiète Thierry Caron. Et s’ils avaient pris les 2,7 millions d’euros cela aurait été problématique pour le paiement de nos salaires.

Bernard Bensaïd est désormais placé sous contrôle judiciaire et a interdiction de gérer le GHM et les autres ESPIC de son groupe. Mais l’homme d’affaires peut encore gérer d’autres établissements de son groupe. L’Union nationale FO de la santé privée a donc chargé les syndicats présents dans ces établissements d’interroger leurs directions sur les conventions signées avec AVEC et la réalité des services rendus.

Sandra Déraillot Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération