« La mobilisation était très forte, c’était la grève partout, il n’y a pas eu de journaux ou presque sur France 3 », se réjouit Eric Vial, délégué syndical central à France Télévisions et secrétaire général du syndicat FO Médias. Journalistes, personnel technique ou administratif, il estime à 75 % le taux de grévistes dans les rédactions le 17 octobre, à l’appel d’une intersyndicale FO-CGT-CFDT, pour dénoncer les coupes budgétaires.
Le projet de loi de finances (PLF) 2018 prévoit une baisse de 80 millions d’euros du budget de l’audiovisuel public. La diminution atteint 50 millions d’euros pour France Télévisions, par rapport au contrat d’objectifs et de moyens (COM) signé avec l’ancien gouvernement pour la période 2016-2020.
Retrait d’un amendement réduisant les économies exigées
En début d’après-midi, une centaine de salariés, venus aussi de France Médias Monde et Radio France, se sont rassemblés près de l’Assemblée nationale, où les députés démarraient l’examen du PLF. Le 12 octobre, la commission des finances avait voté un amendement porté par la majorité et diminuant de 20 millions d’euros les économies demandées à France Télévisions. Il prévoyait de reporter d’un an la suppression de la publicité dans les programmes jeunesse. Mais dans la soirée, cet amendement a été retiré. « Je suis écœuré, c’est soit de l’amateurisme, soit de l’incompétence, certainement un peu des deux », s’emporte Eric Vial.
Pour économiser 50 millions d’euros, il estime que France Télévisions devra rogner sur les emplois, l’éditorial et les programmes. Il craint la suppression de 650 à 700 postes. Or l’établissement public a déjà subi trois plans d’économies ces dernières années, avec près de 700 postes supprimés. Le COM prévoit aussi la suppression de 500 postes d’ici 2020. Et un départ à la retraite sur deux n’est pas remplacé.
« Pression d’enfer » sur les journalistes les plus âgés
« On ne sait plus comment supprimer des emplois, on n’arrête pas de faire des efforts, aujourd’hui on est à l’os, les salariés n’en peuvent plus, poursuit le délégué central FO. A la télévision nous avons une image de nantis, mais ce n’est pas vrai, et la situation est aussi tendue que dans les autres services publics. »
Il décrit la « pression d’enfer » subie par les journalistes les plus âgés pour les pousser à partir. « On leur dit qu’il faut faire du global media, qu’ils ne sont plus à la page, on les casse, dénonce-t-il. Ils peuvent partir avec l’accord de générations. Cela permet de réduire la masse salariale, mais la masse de travail est reportée sur ceux qui restent. Désormais les journalistes n’ont plus en métier mais un emploi, ils doivent tout faire. »
Eric Vial raconte le désarroi des salariés précaires, dont le CDD n’est pas renouvelé faute de moyens. Il rappelle aussi la disparition l’une après l’autre des éditions locales de France 3.
Manque de respect des pouvoirs publics pour les organisations syndicales
Il tempête également contre la méthode. « Nous avons appris les amputations budgétaires par la presse, et les organisations syndicales n’ont toujours pas été reçues par les ministères de tutelle, Bercy et la Culture, poursuit-il. Nous ne savons pas qui a décidé de la somme de 80 millions d’euros, ni à quoi elle correspond. C’est très grave ce manque de respect des pouvoirs publics pour les organisations syndicales. »
Pour compenser les coupes budgétaires et respecter les engagements pris dans le COM, FO propose le retour de la publicité après 20 heures. De quoi ramener 100 millions d’euros dans les caisses de France télévisions, selon Eric Vial.
Il ne décolère pas. « Chaque fois qu’on fait un effort, on nous en demande plus, on se fait avoir, dénonce-t-il. Désormais, on va tout vérifier, les congés, les fiches de paie. S’ils veulent la guerre, ils l’auront. »