Groupe Keolis : à Auch (32), les chauffeurs de bus en grève pour protester contre des horaires irréalistes et dangereux

InFO militante par L’inFO militante, Maud Carlus

En janvier 2022, le groupe Keolis a entamé un nouveau contrat de 8 ans concernant les transports urbains de l’agglomération d’Auch (Gers). En reprenant le travail après les fêtes de fin d’année, les chauffeurs de bus ont découvert de nouveaux horaires de dessertes, qu’ils jugent impossibles à tenir et de nature à les mettre en danger. Sur fond de salaires faibles, d’absence d’augmentations et de mauvaises conditions de travail, la coupe est pleine. En grève depuis mercredi 19 janvier, ils exigent la modification immédiate de ces horaires.

En reprenant leur service le 3 janvier, les chauffeurs de bus de l’agglomération d’Auch ont eu une bien mauvaise surprise. Toutes les fiches horaires des bus ont été changées par leur employeur, Keolis, qui vient de décrocher un nouveau contrat de 8 ans, renouvellement de sa délégation de service public, à la tête des transports de l’agglomération.

Didier Leralle, le DS FO, ne décolère pas. Ces horaires sont tout simplement impossibles à tenir. Si l’on parcourt la distance qu’ils nous demandent dans les délais exigés, on n’a même plus le temps de s’arrêter pour prendre les passagers à chaque arrêt. Lors d’un trajet d’une heure trente, on aura déjà un tour de retard irrattrapable.

Des horaires infaisables, qui dénotent de la volonté de Keolis d’aller toujours plus vite, à moindre coût, poursuit-il. C’est de l’amateurisme total. Même en pleine nuit, à 3 heures du matin quand il n’y a pas de circulation, ce ne serait pas possible de faire les trajets aussi vite. Tout ceci n’est ni sérieux, ni professionnel. Cette augmentation des cadences représente par ailleurs un risque pour la santé des chauffeurs, ce qui a poussé le représentant FO à lancer une alerte auprès de la médecine du travail.

Ces horaires ne nous permettent pas de travailler en toute sécurité

Afin de tenter de répondre à ces demandes, les chauffeurs vont se retrouver dans des situations de stress qui pourraient les mettre en danger, sur la route et en dehors. On va vers l’augmentation des arrêts de travail, bref il faut arrêter au plus vite. Accompagné par Christian Houriez de l’Union départementale FO du Gers, le militant a rencontré le président de l’agglomération d’Auch lors d’une réunion de trois heures trente, afin de l’alerter sur la situation. Il nous a écoutés et a pris conscience de beaucoup de problèmes, maintenant c’est à Keolis de réagir.

Sauf que pour l’instant, Keolis n’a pas l’intention de changer ces horaires, du moins pas tout de suite. Des propositions écrites ont été faites au directeur, qui a refusé de les signer. D’où ce mouvement de grève, lancé au sein de la plus petite filiale du Groupe Keolis en France, comprenant 19 chauffeurs et un directeur, et où FO affiche 48% des suffrages et veut dépasser les 50% chez Keolis Auch. “Nous résistons tel Astérix dans son petit village, sourit Didier Leralle. Nous voulons montrer que le changement peut être initié même lorsque l’on est peu nombreux.”

Autre point de contestation, l’organisation du travail dans le cadre des services des chauffeurs. Alors que ces derniers effectuaient habituellement leurs rotations au sein de blocs horaires, ils doivent désormais assurer des services avec une telle organisation de coupures que cela les oblige à se déplacer pas moins de trois fois dans une journée, et ce, à leur frais. Le plus grave à ce jour pour nous, ce sont les horaires qui ne permettent pas de travailler en toute sécurité, insiste-t-il. Une plainte pour mise en danger de la vie d’autrui a été déposée mercredi 19 janvier.

Un fonctionnement purement autoritariste

Sans compter qu’on leur demande de rouler à bord de bus qui sont loin de leur faciliter le respect de ces horaires supersoniques. Les bus sont très vieux. Lors d’une réunion, une passagère a dit que les gens devaient tenir la porte pendant que l’on roule. Mais Keolis n’en est pas à une contradiction près. Récemment, on nous a supprimé notre équipement de communication, des sortes de talkies-walkies, afin de nous équiper de téléphones portables (géolocalisés). Le but était que l’on soit joignables sur nos trajets en bus. Et puis on nous a dit par écrit de ne pas répondre à leurs appels. Par ailleurs, s’il y a des PV, ils sont à notre charge.

Pour FO, les situations sociales injustes s’accumulent dans l’entreprise. Dernière en date, la signature en septembre 2021 d’un accord avec la direction de Keolis Auch, afin que cette dernière puisse mandater un salarié pour effectuer un contrôle administratif chez un salarié en arrêt maladie. FO s’était opposé à cet accord mais le syndicat majoritaire a signé. FO exige le retrait immédiat de cet accord, qui a provoqué la colère des salariés lorsqu’ils l’ont appris, indique Christian Houriez, secrétaire général de l’UD. Ainsi, plusieurs militants de l’autre syndicat ont rejoint FO depuis la signature de cet accord.

Pour les salariés d’Auch, cette gestion des ressources humaines sur le mode main de fer illustre une situation générale au sein des filiales de Keolis. C’est “un fonctionnement purement autoritariste, précise Didier Leralle, dans lequel aucune discussion n’est possible, et où le salaire de base est de 1 300 euros, alors que les 2/3 des budgets viennent de subventions publiques. Dans le cas de ce contrat qu’ils ont remporté à Auch, nous n’avons pas eu accès aux chiffres. Ce que l’on sait, c’est qu’il n’y avait pas de concurrence dans cet appel d’offre.”

Depuis le 19 janvier, onze des dix-neuf chauffeurs sont en grève, et deux sont en arrêt maladie. Sur les six qui ont poursuivi le travail, deux ont démissionné et quitteront l’entreprise à la fin du mois. Face au mouvement, la direction a prévu des intérimaires pour remplacer les chauffeurs. Le délégué syndical assure que FO fera des constats d’huissiers sur les lignes où conduisent habituellement les titulaires grévistes. Et le groupe semble particulièrement apprécier le recours aux intérimaires. Lors de la signature du nouveau contrat de délégation, La direction s’était engagée à garder tous les chauffeurs titulaires, mais cela ne correspond déjà pas à la réalité. Trois de ces chauffeurs sont partis, ils n’ont pas été remplacés par d’autres titulaires mais la direction a préféré recourir à des intérimaires qui eux osent moins s’exprimer.

2021, année blanche pour les salaires

Des méthodes qui n’étonnent pas Fernando Martins, secrétaire fédéral en charge des transports urbains au sein de la FO-UNCP (Fédération des transports et de la Logistique), et qui reflètent également le malaise de tout le secteur du transport. 2021 a été une année blanche pour de nombreux groupes dont Keolis. Tout a été gelé : les augmentations de salaires, les embauches etc. Sous-couvert de la crise sanitaire, les directions en ont profité pour procéder à une réduction de la masse salariale. Cela passe par le non-remplacement des départs à la retraite. Résultat, on assiste à des turn-over de plus en plus importants, en raison des bas salaires et des conditions de travail.

Et ce début d’année n’augure rien de bon. Les groupes commencent déjà à parler de la baisse de la fréquentation en janvier 2022 à cause du télétravail et de la crise. Or, cela fait 30 ans que du 1er au 15 janvier, les chiffres sont plus bas. FO craint que les sociétés n’avancent cet argument pour refuser de futures négociations salariales. En 2021, pratiquement aucun réseau de transports urbains n’en a obtenu. Le 14 février prochain, une réunion se tiendra entre les fédérations syndicales de la branche et le patronal, cela en présence d’un représentant de l’État. Cela donnera le « La », des futures négociations.

D’ici là, à Auch, en cas de non-satisfaction des revendications des chauffeurs, la grève pourrait se poursuivre jusqu’au 31 janvier.

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération

Maud Carlus