Depuis près de douze ans, Habiba Fakhri défend la cause des femmes au sein du syndicat afghan Nuawe (syndicat national des travailleurs et employés afghans). Elle a été nommée vice-présidente de cette organisation il y a deux ans, à l’issue d’un congrès.
Si l’histoire politique de l’Afghanistan est émaillée d’attaques contre les femmes, trop souvent victimes de discrimination et de violence armée, la situation s’était améliorée depuis une vingtaine d’années. Les femmes pouvaient enfin jouer un rôle dans la société et en politique. Mais l’arrivée au pouvoir des talibans en août 2021 a fait replonger le pays dans l’obscurantisme, avec des effets dramatiques.
Pour les talibans, les femmes et les filles ne servent qu’à procréer, elles sont comme un objet sans valeur qui doit obéir aux ordres du mari, explique la militante. À leurs yeux, une femme active comme moi qui se bat pour défendre des droits, c’est un diable.
Cinq jours après l’arrivée des talibans au pouvoir, Habiba Fakhri comprend qu’elle est en danger. Avec son mari et l’un de ses enfants, elle fuit Kaboul. Nous sommes restés cachés quelque part jusqu’à notre exfiltration vers la France, le 6 octobre, grâce à l’aide des syndicats français,
La militante était l’invitée du congrès confédéral FO aux côtés de Maroof Qaderi, président de Nuawe, lui aussi désormais réfugié en France. Tous deux ont été très chaleureusement applaudis par les congressistes après leurs prises de parole à la tribune.
Le combat syndical existe toujours en Afghanistan
Habiba Fakhri a détaillé les conditions effroyables dans lesquelles la société afghane tente de survivre. La quasi-totalité de la population est plongée dans l’extrême pauvreté. Le pays est affamé, l’ONU en a parlé, la plupart des femmes soutien de famille ne peuvent plus travailler, elles ont vendu tout ce qu’elles pouvaient pour manger, aujourd’hui elles n’ont plus rien à vendre,
La militante a particulièrement insisté sur la situation particulière des femmes, privées d’éducation et du droit de travailler, et dont le visage doit désormais être dissimulé sous une burqa. Elle a aussi insisté sur la dégradation de leur santé mentale. Les talibans font vivre l’enfer aux femmes éduquées qui travaillaient hors de leur foyer, elles sont assimilées aux mécréants et infidèles et celles qui protestent sont réprimées,
En exil, la vice-présidente du syndicat poursuit sa lutte. Elle maintient le contact avec des camarades restés en Afghanistan grâce au téléphone et aux réseaux sociaux. Ils ne peuvent pas sortir, ils sont sous surveillance, ils changent régulièrement tous les téléphones, mais le combat syndical existe toujours en Afghanistan
, assure-t-elle.
Je sais que mon message a été entendu, on n’est pas seuls
Si elle se montre solidaire du peuple ukrainien, elle redoute que cette guerre ne fasse passer au second plan la situation en Afghanistan, où les attentats se poursuivent. L’Occident ne sait pas ce qu’il se passe chez nous, les talibans tiennent les médias, ils peuvent cacher leurs crimes, mais moi j’ai la chance de pouvoir expliquer la réalité de la situation,
Elle demande aussi au gouvernement français, au nom des valeurs de liberté, égalité et fraternité, d’intervenir politiquement, notamment en ne reconnaissant pas le régime barbare
des talibans, en faisant pression pour faire cesser l’oppression sur les femmes et en demandant la réouverture des écoles.
À l’évocation de la longue ovation dont elle a bénéficié après son intervention au congrès confédéral, par une salle debout, cette femme à la tête simplement recouverte d’un voile couleur sable a les larmes qui lui montent aux yeux.
Ça m’a donné envie de crier encore plus fort, je remercie tout le monde, je sais que mon message a été entendu,
Traduction assurée par Qassim Azimi