Handicap : grève aux Maisonnées contre la suppression d’une prime de 183 euros

InFO militante par Clarisse Josselin, L’inFO militante

Les salariés des Maisonnées, structures d’accueil d’adultes autistes en Indre-et-Loire, sont en grève depuis le 11 février à l’appel de FO. Ils refusent de perdre la prime Laforcade qui leur était versée depuis avril 2022. FO, dénonçant une atteinte au droit de grève, a également entamé des recours juridiques contre la réquisition de force d’une grande partie du personnel.

Donner c’est donner, reprendre c’est voler. Tel est le slogan des salariés grévistes des Maisonnées, une structure associative qui gère six sites d’accueil d’adultes autistes en Indre-et-Loire. Le 11 février dernier, le conseil d’administration a prévenu les 160 salariés qu’ils n’allaient plus percevoir, probablement dès fin février, la prime Laforcade (issue du Ségur 2) qui leur était accordée depuis avril 2022. Motif avancé, les salariés, qui relèvent de la branche de l’aide à domicile, ne seraient finalement pas éligibles à ce complément revalorisant les salaires dans le secteur médico-social.

Nos financeurs, l’ARS et le conseil départemental, nous avaient annoncé le versement de ces 183 euros par courrier il y a deux ans. Et aujourd’hui, la direction nous explique que ce versement, non budgétisé par l’ARS, a créé un déficit pour la structure, dénonce Hervé Le Marquand, délégué FO, pour qui cette situation est « inadmissible ». Le jour-même de l’annonce, les salariés se sont massivement mis en grève à l’appel de FO, seul syndicat implanté aux Maisonnées. Ils revendiquent le maintien de la prime pour tous, y compris pour les nouveaux embauchés, et le maintien de tous les postes.

Une délégation de salariés menée par FO a rencontré les employeurs le 15 février, mais sans parvenir à un accord. La direction nous a proposé de sursoir à la suppression de l’indemnité. Mais sursoir signifie repousser à plus tard, pas supprimer, déplore le militant. Une assemblée générale a reconduit le préavis de grève jusqu’au 21 février. Les salariés sont bien décidés à ne pas lâcher. Pour nous, ces 183 euros représentent 10 à 15% du salaire, ce n’est pas une paille. Certains salariés ont contracté des emprunts immobiliers calculés sur ce salaire revalorisé. Pour d’autres, c’est le budget carburant pour le mois. Sans la prime, ceux qui ont déjà du mal à boucler leur fin de mois seront interdits bancaire dans quatre mois, alerte-t-il.

Des salariés réquisitionnés par les forces de l’ordre

Toute la problématique repose sur le rattachement des salariés à une mauvaise convention collective. La structure avait été créée il y a une vingtaine d’années par des familles qui ne trouvaient pas de lieux pour accueillir leurs enfants handicapés. Sur les conseils des tutelles, les personnels avaient été rattachés à la branche de l’aide à domicile (ADMR). En réalité, nous sommes un centre médico-social, nous devrions donc être rattachés à une autre convention, la 51 ou la 66, mais à l’époque, par une grille de salaire plus faible, la branche ADMR permettait de réduire de 12% la masse salariale, précise Hervé Le Marquand.

Lors de la rencontre du 15 février, les employeurs ont fait part de leur volonté de changer de convention collective, pour que le versement de la prime de 183 euros devienne opposable aux financeurs. Nous ne sommes pas dupes. Il y a sept ans, lors d’un précédent conflit, la direction avait déjà fait ce genre de promesse, non suivie d’effet, ajoute le délégué FO. A l’époque, les salariés avaient cessé le travail pour exiger le versement de frais de trajet, dispositif propre à la branche ADMR. La direction avait refusé en nous expliquant que travaillant dans un centre médico-social, nous n’y avions pas droit. Et aujourd’hui, on nous refuse la prime versée aux salariés des établissements médico-sociaux, au prétexte que nous dépendons de l’aide à domicile, dénonce-t-il.

Les salariés sont d’autant plus remontés que la plupart d’entre eux ont été réquisitionnés par les forces de l’ordre, à la demande du préfet, pour aller travailler durant la grève. Les gendarmes se sont présentés quatre ou cinq fois au domicile des salariés. Ces réquisitions n’amènent pas la mise en place d’un service minimal mais d’un service normal. Une salariée a même fait le constat que dans un service, il y avait plus de salariés que d’habitude, s’étrangle Hervé Le Marquand.

Un turn-over déjà important

Du fait de ces réquisitions, la mobilisation, qui atteignait 80% du personnel le premier jour, est moins massive. Les salariés sont refroidis par les risques judiciaires encourus, car enfreindre un arrêté de réquisition constitue une infraction pénale, poursuit le militant. Pourtant, selon Grégoire Hamelin, secrétaire général de l’union départementale FO d’Indre-et-Loire, les salariés de la branche ne sont pas astreints à un service minimum. Ils ne sont pas non plus soumis à un plan blanc comme à l’hôpital mais à un plan bleu, moins contraignant. Les réquisitions vont au-delà de ce plan d’action puisque tous les salariés au planning sont sommés d’aller travailler, dénonce-t-il.

L’UD, ainsi que la fédération FNAS-FO et la confédération FO, ont lancé des recours juridiques pour faire annuler ces réquisitions. Le tribunal administratif d’Orléans les a rejetés, confirmant les premiers arrêtés. De nouvelles requêtes ont été déposées pour dénoncer une atteinte au droit de grève.

La juge nous a déboutés sans même nous avoir reçus en audience. La direction n’a même pas essayé de voir si les patients pouvaient être hébergés ailleurs. L’état d’esprit, c’est taisez-vous et retournez bosser, poursuit Grégoire Hamelin, bien décidé à attaquer les arrêtés préfectoraux à venir.

Il voit aussi dans ce conflit une traduction de la politique d’austérité menée par le gouvernement sur les dépenses de santé. Le boulot aux Maisonnées n’est pas simple, il y a déjà beaucoup de turn-over, 60% des salariés ont moins de 5 ans d’ancienneté. S’ils n’obtiennent pas gain de cause, les salariés risquent de partir ailleurs, c’est la prime qui les fixait, prévient-il.

 Voir en ligne  : Pétition : Soutien aux salariés des Maisonnées (37) pour préserver la qualité de l’accompagnement

Clarisse Josselin Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération