Rien de pire que de dénoncer un harcèlement moral dont on est victime et se retrouver poursuivi pour diffamation. C’est ce qui est arrivé dans l’affaire parvenue devant la Cour de cassation le 28 septembre dernier (Cass. Civ. 1re, 28 septembre 2016, pourvoi n°15-21823). Une salariée avait, par courrier, fait part de faits de harcèlement moral à sa hiérarchie, en l’occurrence son directeur des ressources humaines, ainsi que, en copie, à l’inspection du travail et au CHSCT (comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail). Ses deux supérieurs hiérarchiques, mis en cause, ainsi que la société avaient poursuivi la salariée pour propos diffamatoires. Cette dernière avait été condamnée en première instance et avait perdu en appel, car la diffamation relève de la loi de 1881 qui exige que la personne qui accuse apporte la preuve de ses allégations. Ce qui revient à dire que la victime d’un harcèlement moral ne peut dénoncer celui-ci si elle n’a pas des preuves solides à produire – ce qui n’est pas toujours facile en la matière –, sous peine d’être elle-même poursuivie.
Effectivité, preuve et bonne foi
La Cour de cassation l’a bien compris en jugeant que ces exigences en matière de preuve sont de nature à faire obstacle à l’effectivité du droit, que la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale a reconnu au salarié la faculté de dénoncer, auprès de son employeur et des organes chargés de veiller à l’application des dispositions du Code du travail, les agissements répétés de harcèlement moral dont il estime être victime
. Et que, dès lors, la relation de tels agissements auprès des personnes précitées ne peut être poursuivie pour diffamation
. Il faut bien sûr ne pas être de mauvaise foi, mais là ce n’est que lorsqu’il est établi, par la partie poursuivante, que le salarié avait connaissance, au moment de la dénonciation, de la fausseté des faits allégués
. La Cour de cassation a tenu à donner un retentissement certain à cet arrêt en ordonnant sa publication au bulletin de ses arrêts, à son rapport annuel et sur son site Internet.
L’article L. 1125-2 du Code du travail, traitant du harcèlement moral, stipule qu’un salarié
ne peut être sanctionné, licencié, ou faire l’objet d’une mesure discriminatoirepour
avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés. À moins que sa mauvaise foi soit prouvée, a précisé la jurisprudence (Cass. Soc., 6 juin 2012).