Hauts-de-Seine : Pour l’abrogation de la loi travail, contre une loi travail XXL

Congrés d’UD par Evelyne Salamero

Xe congrès de l’Union départemental des Hauts-de-Seine. Photographie : F. Blanc (CC BY-NC 2.0)

Marqué par le départ de Gilles Chaillié qui a passé le flambeau à Pierre Compain, 35 ans, et par une actualité sociale brûlante, le 10e congrès de l’union départementale FO des Hauts-de-Seine a réuni plus de 200 participants les 30 et 31 mai, à Châtillon, sous la présidence de Pascal Pavageau le premier jour et de Jean-Claude Mailly le lendemain.

Son engagement sans relâche et sans faille depuis plus de trente ans a été salué par trois standing ovations au cours du congrès. Gilles Chaillié, le plus ancien des secrétaires généraux d’unions départementales FO, a fait valoir ses droits à une retraite bien méritée laissant le mandat à désormais l’un des plus jeunes, Pierre Compain, 35 ans, élu à l’unanimité.

Un congrès est toujours une date importante pour l’organisation syndicale […] Mais ce 10e congrès marque aussi pour moi la fin de 33 années passées comme secrétaire général de l’Union départementale des Hauts-de-Seine, plus précisément depuis sa création en 1984.

C’est par ces mots que le secrétaire général sortant a ouvert les travaux, avec visiblement avant tout la volonté de se saisir de l’occasion pour rappeler un morceau d’histoire de l’organisation.

Hommage, émotion et… Revendications

C’est en effet au début des années 80 que furent créées les différentes unions départementales FO d’Ile-de-France pour succéder à l’ancienne Union Régionale Parisienne (URP) et qui sont regroupées et coordonnent leurs actions au sein de l’Union régionale d’Ile de France (URIF-FO).

Et c’est précisément Gabriel Gaudy, secrétaire général de l’URIF FO , et de l’union départementale de Paris, qui a rendu un hommage particulièrement émouvant à Gilles Chaillié, saluant durant vingt minutes, le militant qui a toujours tenu les positions de l’organisation syndicale, sans jamais rien céder, mais aussi l’ami, un vrai ami.

Mais l’émotion n’a pas empêché les délégués, dont une vingtaine est intervenue à la tribune, de se montrer particulièrement combattifs, prêts, pour reprendre les termes de Pierre Compain (lire son interview ci-dessous). Ils ont notamment exprimé une détermination intacte à défendre le code du travail, un an après la mobilisation contre la loi El Khomri.

Avertissement

Leur résolution adoptée à l’unanimité (tout comme le rapport d’activité) met en avant la revendication d‘abrogation de la loi travail formulée par le dernier comité confédéral national.

Et les délégués avertissent : si le gouvernement Macron-Philippe cherche à faire passer en force par ordonnances dès cet été une loi travail XXL, l’UD FO 92 s’engagera avec tous ceux qui portent nos orientations et nos revendications, comme nous l’avons fait pendant plusieurs mois au cours du combat pour le retrait —puis l’abrogation— de la loi travail.

Défense du service public

Les militants FO ont également souligné leur volonté de s’opposer aux 60 milliards d’économies prévues dans les services publics et aux 120 000 suppressions de postes annoncées pour la seule Fonction publique.

Dans les collectivités territoriales, les coupes budgétaires prévues (10 milliards) aggraveraient une situation déjà très détériorée. Dans les Hauts-de-Seine, le Conseil départemental prévoit ainsi pour la première fois une baisse du régime indemnitaire pour 10% des agents au minimum d’ici deux ans.

Les militants ont aussi alerté sur le processus de fusion engagé depuis un an par le Conseil départemental avec celui des Yvelines, au moyen de la création d’un établissement interdépartemental qui a intégré d’ores et déjà trois services, la voirie, l’adoption et l’archéologie.

Hôpitaux : alerte rouge

Le département, le plus petit mais aussi le plus peuplé d’Ile-de-France, est particulièrement impacté par le regroupement de ses hôpitaux en groupements hospitaliers de territoire (GHT) qui se traduisent par des fermetures de lits, de services et même d’hôpitaux. De plus, l’hôpital de Beaujon de Clichy, qui relève de l’APHP (assistance publique des hôpitaux de Paris) doit fusionner avec l’Hôpital Bichat situé dans le 18e arrondissement de Paris dans un nouvel hôpital à Saint-Ouen situé en Seine-Saint-Denis, avec au passage 600 lits et 2 000 emplois supprimés.

La mutualisation des moyens concerne aussi les caisses de sécurité sociale : la CPAM du département assure ainsi le traitement des feuilles de soins papier de toutes les caisses d’Ile-de-France et d’un certain nombre de province.

Enfin, le département souffre particulièrement du fait que de nombreux collèges et écoles ne sont plus considérés comme faisant partie de l’Éducation prioritaire et perdent en conséquence beaucoup de moyens. Une situation qui sera aggravée dès la rentrée prochaine par l’exclusion désormais des lycées.

Priorité au développement, au plus près du terrain

Dans ce contexte, outre la réaffirmation de toutes leurs revendications, comme aussi l’abandon des GHT, l’abrogation de la loi Touraine dans le domaine de la santé, ou des réformes Peillon-Hamon-Vallaud-Belkacem dans l’enseignement, les militants FO ont décidé de faire du développement de la syndicalisation et des implantations FO, la priorité de ce mandat, en se situant au plus près du terrain.


Interview

Pierre Compain, nouveau secrétaire général FO des Hauts-de-Seine : Nous sommes ouverts à la discussion sur la base de nos revendications

A 35 ans, tu deviens l’un des plus jeunes secrétaires d’union départementale FO. Quel a été ton parcours syndical ?

Pierre Compain : Je suis arrivé au syndicalisme par une grève, en 2004. J’étais étudiant à Nantes, d’où je suis originaire, en sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS). Je préparais le concours pour devenir prof d’éducation physique et sportive (le CAPEPS) quand le gouvernement a annoncé la suppression de plus de 40% des postes au concours. La grève a duré deux mois. Nous avons invité tous les syndicats à nos assemblées générales, mais seules FO et la FSU sont venues. Ma mère était secrétaire du syndicat FO de la CPAM de Loire-Atlantique et mon père était adhérent du Syndicat national FO des Lycées et Collèges (SNFOLC). Je ne pouvais pas y échapper ! Quand j’ai été muté en région parisienne, à Gennevilliers, j’ai tout de suite pris contact avec l’Union départementale. J’ai toujours été attiré par l’activité interprofessionnelle, peut-être là encore du fait de mon histoire familiale, mais pas seulement. J’ai été emballé par mon premier stage découverte à Puteaux en 2006, ensuite j’en ai fait beaucoup d’autres, toujours dans l’interpro. J’ai été élu à la Commission Administrative de l’UD en 2009. Il y a un an et demi, je suis entré au bureau, avec le mandat d’assurer le lien avec tous les syndicats pour préparer les échéances, les manifestations, et de représenter le bureau à toutes leurs assemblées générales. Dans tout ce parcours, Gilles Chaillié m’a toujours beaucoup aidé. Encore maintenant, il s’est investi à fond dans la préparation de ce congrès de passation.

Quelle va être la priorité de l’Union Départementale pour ce prochain mandat ?

Pierre Compain : Le développement. Nous avons déjà progressé aux élections dans les TPE ce qui nous a permis d’avoir cinq conseillers prud’hommes de plus, ce qui nous en fait 24 au total. Mais il faut poursuivre, nous renforcer là où nous existons et créer de nouvelles implantations. Dans le quartier de La Défense, il y a des millions de salariés. On ne part pas de rien, nous sommes déjà bien implantés dans les assurances, dans l’énergie, un secteur qui n’occupe pas moins de quatre tours, avec Engie, Enedis… Les employés et cadres bien sûr sont très représentés aussi dans les boites de conseil. Chez Bearingpoint, on a fait plus de 45% aux élections. Et nous avons une Union Locale à Puteaux située à dix minutes à pied du quartier de la Défense qui fonctionne très bien. Mais cela ne suffit pas. Nous n’allons pas nous contenter de diffuser des tracts à la sortie des entreprises, nous voulons rentrer dans les entreprises, nous saisir des négociations de protocoles électoraux pour prendre des contacts. Nous allons multiplier les réunions d’informations syndicales. Il y a aussi les zones industrielles auxquelles nous devons nous attaquer.

Comment perçois-tu la situation sur le terrain ?

Pierre Compain : Il y a des grèves importantes dans le département. Les militants, comme ceux de l’ensemble de l’URIF FO [Union régionale Ile de France FO, NDLR] sont très combattifs. Ils sont prêts. Prêts à faire ce qu’il faut pour défendre les acquis. Les délégués au congrès ont fait leur la revendication du dernier CCN [Comité confédéral national, NDLR] d’abrogation de la loi Travail de Myriam El Khomri. Ils ont également revendiqué que l’inversion de la hiérarchie des normes ne soit pas généralisée par le nouveau gouvernement, que les indemnités prud’homales ne soient pas plafonnées, que ne soit pas créée une instance unique du personnel pour permettre de diminuer le nombre de délégués dans les entreprises. Sur la base de ces revendications, nos revendications, nous sommes ouverts à la discussion. Comme l’a dit Jean-Claude Mailly, « nous n’accepterons pas une loi travail XXL ».

Pierre Compain, Jean-Claude Mailly et Gilles Chaillié au congrès de l’Union départementale des Hauts-de-Seine. Photographie : F. Blanc (CC BY-NC 2.0)

Evelyne Salamero Ex-Journaliste à L’inFO militante