Les heures de délégation légales ou conventionnelles sont considérées de plein droit comme du temps de travail et payées à l’échéance normale. Lorsque les nécessités du mandat imposent que les heures de délégation soient prises en dehors des horaires de travail, ces heures doivent être payées en heures supplémentaires. La formation de référé peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire les mesures de remise en état qui s’imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dès lors, ayant constaté que l’employeur avait opéré des retenues sur le salaire mensuel du salarié au titre des heures de délégation, une cour d’appel caractérise l’existence d’un trouble manifestement illicite qu’il convenait de faire cesser par le remboursement des retenues ainsi opérées, peu important l’existence de la contestation sérieuse élevée par l’employeur selon lequel les mandats représentatifs du salarié ne couvraient plus l’intégralité de son temps de travail (Cass. soc., 1-6-22, n°20-16.836).
Un accord collectif peut instaurer au bénéfice des représentants du personnel un droit d’option, celui de choisir entre la paiement des heures de délégation ou la récupération des heures de délégation. Par conséquent, l’employeur qui impose, au salarié réclamant le paiement de ses heures de délégation, la récupération de celles-ci à jours fixes, commet nécessairement un délit d’entrave (Cass. crim., 26-1-16, n°13-85770),
Les heures de délégation peuvent être utilisées à l’intérieur ou à l’extérieur de l’entreprise, sans autorisation préalable de l’employeur. Les heures utilisées doivent l’être pour des activités qui se rapportent à la mission de l’élu. L’employeur peut en contester l’usage dès lors qu’il les a rémunérées.
Lorsque le représentant du personnel utilise ses heures de délégation en dehors du temps de travail en heures supplémentaires quand les nécessités du mandat le justifient, ces heures doivent être utilisées sans faire obstacle au respect de la réglementation sur la durée maximale du travail et le repos journalier
(Cass. soc., 25-6-08, n°06-46223).
Ainsi, le salarié peut prendre ses heures de délégation en dehors de ses heures de travail mais de manière à respecter le temps de repos journalier et la durée maximale du travail.
L’employeur doit également, au regard de la règle précitée, organiser le temps de travail du salarié et les réunions des IRP de manière à respecter les périodes de repos et les durées maximales de travail.
Attention, cet aménagement doit être fait de telle manière à ce qu’il n’entraîne pas une réduction du temps de travail du salarié. L’employeur ne doit pas œuvrer dans le seul but d’échapper au règlement des heures de délégation sous la forme d’heures supplémentaires. Afin de respecter les temps de repos et les durées maximales de travail, la modification des horaires du salarié ne doit pas consister en une simple réduction de son temps de travail pour lui permettre d’effectuer ses heures de délégation sur son volume horaire mensuel, avec maintien de son salaire antérieur. Il doit au besoin rémunérer les heures de délégation en heures supplémentaires, faute de quoi l’employeur prendrait en considération l’activité syndicale pour arrêter ses décisions, ce qui est illégal.
La jurisprudence exige que l’employeur, qui saisit le conseil de prud’hommes d’une action en remboursement d’heures de délégation prétendument mal utilisées, ait au préalable demandé à l’intéressé l’indication de leur utilisation.
Si le représentant du personnel refuse de fournir, à l’amiable, la moindre précision sur son emploi du temps, il revient à l’employeur, dans un premier temps, à agir en référé devant le juge prud’homal pour obtenir du représentant l’indication de ses activités au cours des heures de délégation qu’il a utilisées. Et ensuite seulement, si les indications fournies au moyen de cette procédure n’ont pas été satisfaisantes, une instance, au fond, afin d’obtenir un remboursement.
L’employeur doit donc engager deux procédures successives. Il ne peut pas engager en même temps une action tendant à obtenir du représentant des précisions sur son emploi du temps et une action tendant au remboursement des heures de délégation prétendument mal utilisées.
C’est à l’employeur de prouver que le représentant du personnel n’a pas utilisé tout ou partie de son crédit d’heures conformément aux missions qui sont imparties à l’institution. Ainsi, si le juge des référés est compétent pour ordonner au salarié d’indiquer les activités au titre desquelles ont été prises les heures de délégation, il ne peut pas lui ordonner de justifier de leur utilisation.
L’employeur ne peut exiger du salarié un excès de précisions.
Toutefois, le salarié ne peut se contenter d’affirmer qu’il a utilisé ses heures de délégation dans le cadre de son mandat, sans apporter aucune précision sur les activités exercées par lui dans un tel cadre. A l’opposé, le salarié justifie de l’utilisation de ses heures de délégation lorsqu’il indique qu’elles ont été utilisées pour les permanences, les réunions préparatoires, des saisies informatiques diverses, la préparation de l’arbre de noël, des rencontres avec des prestataires.
Le temps passé par le représentant du personnel aux audiences du conseil de prud’hommes, dans le cadre d’une action engagée par l’employeur, en vue de contester l’usage qui a été fait des heures de délégation, s’impute sur son crédit d’heures et doit être payé à l’échéance normale. Dans une telle situation, l’élu agit, en effet, dans le cadre de l’exercice de son mandat.
A noter qu’une contestation abusive de la part de l’employeur peut entraîner une condamnation à des dommages-intérêts en réparation du préjudice moral et matériel subi par le représentant du personnel.
L’employeur qui saisit le conseil de prud’hommes d’une demande de remboursement des heures de délégation payées tout en reconnaissant qu’il n’avait aucun grief particulier quant à l’utilisation des heures de délégation litigieuses exerce une action en justice abusive. Également, l’employeur qui se contente d’affirmer, sans apporter la moindre preuve, que le représentant du personnel n’a pas utilisé ses heures de délégation en conformité avec l’objet de son mandat commet un abus.
Si l’employeur, qui demande au salarié de lui préciser son emploi du temps ou qui intente une action en remboursement devant le conseil de prud’hommes, ne commet pas en soi un délit d’entrave, il en est tout autrement lorsqu’il abuse de son droit d’agir en justice.
L’exercice abusif du mandat expose le salarié à une sanction disciplinaire de la part de son employeur, pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute grave dans certains cas. Constitue une faute pouvant justifier une sanction disciplinaire le fait pour un salarié protégé d’utiliser ses heures de délégation pour justifier une absence pour motif personnel (Cass. soc., 13-1-21, n° 19-20.781).