Les syndicats ont d’abord été tolérés, puis autorisés et enfin reconnus. Mais ils ont aussi été réprimés et assassinés à l’Ouest comme à l’Est. Les syndicalistes vont payer un lourd tribut dans l’Italie fasciste, le Portugal salazariste, l’Allemagne nazie, l’Espagne franquiste, la Grèce monarcho-fasciste, la France pétainiste. Ce ne fut pas mieux à l’Est avec les dictatures monarchistes hongroise, bulgare, roumaine, yougoslave de l’entre-deux guerres.
Dans toute l’Europe les syndicalistes vont participer à la résistance. Seule une petite minorité collaborera. En 1945, ils sont au cœur du retour de la démocratie politique et sociale. Mais rapidement les choses vont se gâter avec la guerre froide. A l’Ouest, sur ordre de Moscou, les communistes vont tenter de faire main basse sur les syndicats, essentiellement en France et en Italie. Dans les « Démocraties populaires » à partir de 1946-1947, les syndicalistes auront un choix terriblement simple : la soumission ou la prison. En 1948, de la Baltique à la Mer noire, il n’y aura plus que des syndicats officiels. Mais dès 1953, les ouvriers vont se révolter contre la dictature communiste et les pseudos syndicats à Berlin. Puis trois ans plus tard en Pologne et en Hongrie.
A l’Ouest la CISL (Confédération européenne des syndicats libres) comprend l’importance de s’organiser dans un cadre européen. Avec la signature du traité de Rome en 1957, les débuts du Marché commun, ferment de l’Union européenne, elle met en place le SSE (Secrétariat syndical européen) pour se fédérer et lutter contre le noyautage communiste. En 1969, le SSE devient la CESL, (Confédération européenne des syndicats libres) regroupant alors 17 organisations et 29 millions d’adhérents. En 1973, elle prend le nom de CES (Confédération européenne des syndicats).
VENTS D’EST
En marge des travaux de l’OIT en 1974 et 1975, la CES organise une conférence invitant les syndicats officiels de l’Est. Quatre courants apparaissent alors : les communistes (URSS, « Démocraties populaires », CGT et CGIL italienne), les anti-communistes (DGB allemande, FO, avec le soutien de l’AFL américaine invitée), les nationaux qui se moquent de ce problème (CFDT française) et les neutres (Angleterre, Scandinavie). Mais cette problématique va voler en éclat car des militants ouvriers libres s’organisent clandestinement dans les usines en URSS, mais surtout en Pologne. La fin de la dictature communiste de Vladivostok à Berlin, en passant par Bucarest et Tirana est en partie due aux syndicats libres. La force de Solidarnosc en Pologne dès 1980 a fait vaciller les tours du Kremlin. Plus que les groupes politiques d’opposition, c’est bel et bien le syndicat libre qui a fait tomber le communisme en Pologne et par un effet domino le mur de Berlin en 1989. L’exemple de Solidarnosc est le plus connu. En 1982, Marc Blondel, alors élu au conseil d’administration du BIT apportera une aide décisive en déposant une plainte pour non-respect de conventions sur la liberté syndicale ratifiées par la Pologne, contre le gouvernement polonais du général Jaruzelski, qui venait d’interdire le syndicat. Solidarnosc donnera de la force à d’autres. C’est ainsi qu’est né clandestinement fin 1988 Podkrepa (Soutien) en Bulgarie.
En Serbie, le rôle du syndicat libre Nezavisnost (Indépendance) a été fondamental dans la chute du dictateur Milosévic en 2000. C’est le syndicat qui a mobilisé ses militants des villes industrielles du sud et du centre de la Serbie et les a fait monter sur Belgrade. C’est aussi Nezavisnost qui avait clandestinement pris contact avec les généraux qui voulaient faire tomber le dictateur. C’est enfin les hommes et les femmes du syndicat libre qui surveillaient les casernes de la milice restée fidèle au dictateur. Nombres d’entre eux étaient armés, tout comme les militants syndicaux espagnols de la CNT et de l’UGT en juillet 1936.
Ainsi dans l’Europe de l’Est les syndicats libres ont connu au début des années 90 une masse d’adhésions. Mais avec le libéralisme et la corruption qui ont touché ces pays, une paupérisation extrême, le militantisme s’est émoussé car les militants pensaient d’abord à nourrir leurs familles.
Après 1989, nombre de syndicats adhérents à la FSM (Fédération syndicale mondiale) communiste, ont rejoint la CES. Celle-ci a tenu son XIVe congrès du 21 au 24 mai 2019 à Vienne. Elle regroupe aujourd’hui 89 organisations dans 39 pays et 45 millions d’adhérents.