Hôpital : par des grèves multiples, les agents du CHU de Nantes disent leur souffrance

InFO militante par Sandra Déraillot, L’inFO militante

Service après service, les agents du centre hospitalier universitaire de Nantes entrent dans la grève. Épuisés, devant faire face à l’augmentation des missions et à une fréquentation en forte hausse de la structure publique, ils veulent des ouvertures de lits et le recrutement de personnels supplémentaires. Le mouvement a commencé par le service sécurité incendie, dont les revendications concernent un changement de grade. Les soignants leur ont emboîté leur pas. Et le mouvement ne semble pas prêt de faiblir.

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Au CHU de Nantes, on craque à tous les étages. Cela a commencé par le service sécurité, engagé dans la lutte depuis le 1er octobre. La demande principale des agents de l’hôpital Saint-Jacques ? Accéder au grade de technicien hospitalier, ce qui leur permettrait de passer de la catégorie C à la catégorie B, et représenterait une hausse de salaire de 200 à 300 € mensuels. Les agents d’autres sites comme l’Hôtel Dieu, Laennec ou l’hôpital Mère-enfant sont rémunérés selon ce grade de technicien, pourquoi pas nous ? Les agents réagissent également face à la diversité croissante de leurs missions, qui semble faire de leur service une sorte de fourre-tout dépendant des besoins du moment. A la base nous cumulons des missions d’accueil, de sûreté et de sécurité incendie, explique Paul [*], l’un des agents du service. Mais on se retrouve également à faire partir les bilans sanguins la nuit, car nous sommes les seuls présents 24/24 sur le site, ou à distribuer les clefs des véhicules du CHU quand les secrétaires sont absentes. Parfois on a des gens qui viennent nous demander des choses dont nous ne savons même pas où elles sont.

Comme les soignants, les agents de sécurité sont réquisitionnés et assignés à leur poste. Difficile dans ces conditions de mener et d’organiser le mouvement de grève. Mais ils le font. Lorsqu’ils sont cinq plutôt que quatre, ils s’autorisent à faire grève une heure chacun dans la journée. Ce qui limite aussi les pertes de salaire. Nous devons aussi faire très attention, c’est difficile de sa-voir où est la limite dans ce que nous pouvons faire ou ne pas faire, poursuit Paul. Alors nous avons décidé de ne faire que ce qui est inscrit dans notre fiche de poste. Et pour manifester leur mécontentement ils ont apposé des autocollants sur leurs vestes et accroché deux banderoles sur le PC sécurité et à l’entrée de l’hôpital.

Une charge de travail qui explose

Ces alertes clairement visibles fleurissent partout dans l’hôpital et les soignants ont emboîté le pas du service sécurité pour exposer eux aussi leurs revendications. Le 23 octobre, les urgences ont entamé ainsi un mouvement pour réclamer des lits d’aval et des postes.

La population qui a besoin de l’hôpital augmente depuis un certain nombre d’années. Nos locaux ne sont plus du tout adaptés, observe Roselyne, infirmière aux urgences depuis onze ans. La charge de travail a explosé. Actuellement une IDE (infirmière diplômée d’État) gère quatre boxes [donc quatre patients, NDLR] et avec parfois d’autres patients qui attendent dans les couloirs. Il est arrivé qu’une infirmière doive jongler entre dix patients ! On ne peut pas avoir l’œil sur tout. En février, une patiente est décédée d’un arrêt cardiaque alors qu’elle était en attente sur un brancard. Nous redoutons que cela se reproduise, poursuit Roselyne.

Le jeudi 27 octobre, c’était au tour des urgences pédiatriques de se mettre en grève, à l’appel unique de FO. Nous avions demandé 15 postes supplémentaires, explique Tony Gilbert, secrétaire général adjoint FO. Ainsi qu’une augmentation de la prime d’insalubrité (accordée aux personnels potentiellement exposés à des manifestations de violence) et l’ouverture de cinq lits en pédiatrie. En retour, seuls trois postes ont été proposés (deux aides-soignantes et une infirmière de nuit).

De nombreux services entrent dans la lutte

Les brancardiers ont annoncé lancer leur propre mouvement dès ce 2 novembre. Et d’autres suivront à partir du 7 novembre. Pas moins de six services supplémentaires réfléchissent à un préavis de grève spécifique à compter de cette date. Le préavis de grève d’ores et déjà déposé par trois syndicats, dont FO, en octobre permet de se mettre en grève très rapidement. Mais ensuite pour chaque service, un autre préavis est déposé avec des revendications précises, explique Stéphane Naulleau, infirmier en chirurgie cardiaque et secrétaire général du syndicat Force Ouvrière (FO) au CHU.

Les conditions de travail se dégradent, les collègues sont épuisés, psychologiquement ça ne va pas, résume-t-il, décrivant une situation plus qu’inquiétante : des lits sont fermés et jamais ré-ouverts. On a même du mal à compter les lits qui ferment avec les restructurations, la création de services ambulatoires etc. Pourtant on en a toujours besoin. En psychiatrie, on est obligé d’hospitaliser des mineurs en secteur adulte parce qu’il n’y pas de place dans le service adapté. Il y a 8/10 mois d’attente pour voir un pédopsychiatre. Alors que depuis le Covid on a des jeunes qui décompensent. Et entre 80 et 90 lits d’Ehpad ont été fermés alors qu’ils sont utiles pour faire sortir rapidement les personnes âgées des urgences.

Selon l’infirmier, huit lits de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire et autant en orthopédie ont encore été fermés en octobre. Les récupèrera-t-on un jour ? Car se profile également le dé-ménagement vers le nouveau CHU de l’île de Nantes qui devrait donner lieu à une fermeture de 63 lits… Autant dire que le combat continue pour les personnels.

Sandra Déraillot Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération

Notes

[*Le prénom a été modifié.

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