Hôpitaux et Projet loi santé : inexorable anorexie ?

Emploi et Salaires par Michel Pourcelot

Le projet loi et santé n’en finit pas de provoquer des débats dans la presse. Et si l’opposition des internes et médecins a bénéficié d’une ouverture médiatique non-négligeable, les hôpitaux continuent, dans un relatif silence, de souffrir d’un mal récurrent : les obligations d’économies exigées par des objectifs comptables.

Le Figaro
Des économies ? Simple comme bonjour et au-revoir : « Un patient sur deux pourra-t-il, dès 2016, se faire opérer en restant à l’hôpital moins d’une journée ? C’est l’objectif fixé par Marisol Touraine (la ministre de la Santé), en avril 2014, dans le cadre du plan d’économies de 10 milliards d’euros dans la santé d’ici à 2017 ». La ministre de la Santé tient à la bonne santé de ses comptes. Et « la chirurgie ambulatoire présente un double intérêt. Cette pratique, qui réduit à douze heures maximum le séjour du patient opéré à l’hôpital, améliore nettement la qualité des soins. En effet, moins on passe de temps à l’hôpital, moins on a de risque d’attraper une infection nosocomiale ». Ne pas y aller réduit donc considérablement le risque d’être encore plus malade. CQFD. « Deuxième avantage, cette technique opératoire permet de réaliser des économies substantielles à l’hôpital (le premier poste de dépenses dans le budget de la santé), notamment en frais d’hébergement. Et pour cause : le patient passe la nuit chez lui et non plus au sein de l’établissement ». Et s’achète un lit médicalisé ?

Les Echos
Et, grâce au bon docteur Macron, bientôt plus de risque d’anorexie au-delà des frontières. Au contraire. « Grâce à la loi Macron, ces obstacles seront bientôt levés. Alors que l’ancienne législation stipulait que "l’objet principal des établissements publics de santé n’est ni industriel et commercial [...]", l’un des articles du texte actuellement débattu à l’Assemblée nationale autorise en effet "certains hôpitaux à créer des filiales". Les 37 centres hospitaliers universitaires (CHU) de France pourront donc prendre des participations dans des sociétés commerciales, créer leurs propres antennes à l’étranger. Ils pourront embaucher et tirer profit de leurs brevets. Une facilité déjà offerte à de nombreux acteurs publics comme les universités, la BnF ou le musée du Louvre. ». Avec le risque comme EDF et Areva de gagner à l’international une dette colossale...

L’Essor Loire - Rhône - Isère
En parlant de dettes, les emprunts à l’international peuvent mettre à mal, au cœur même de la France : « Plus gros établissement du département, avec un budget de plus de 500 M€ et un effectif total de 7 300 personnes, le CHU de Saint-Etienne, est touché par le phénomène, via un emprunt dont l’évolution du taux d’intérêt est adossé aux variations de la monnaie helvétique. "D’un montant initial de 47 M€, dont 37 M€ de capital restent dus, il a vu son annuité augmenter de 2,5 M€ en 48 heures", explique Frédéric Boiron, le directeur général du CHU. Sur les 270 M€ de la dette de l’établissement, souscrite intégralement auprès de Dexia, environ 145 M€ sont constitués de prêts structurés ». Dexia, n’est-ce pas cette banque au chevet duquel a du se porter l’État français ?

Le Journal du Dimanche
Quoiqu’il en soit, pour le professeur André Grimaldi, qui a signé le contre-projet du Mouvement de défense de l’hôpital public (MDHP), « le projet de Marisol Touraine évacue la question centrale du désengagement de la Sécu des soins courants au profit des complémentaires. Ce désengagement entraîne une glissade vers leur privatisation, la Sécu se recentrant sur les plus pauvres et les plus malades. Cette évolution nourrit la révolte fiscale des personnes bien portantes issues des classes moyennes : elles auront à juste titre le sentiment de payer deux fois et de plus en plus cher ». Et de rappeler un principe fondamental : « Chacun paie en fonction de ses moyens et reçoit en fonction de ses besoins ».

Michel Pourcelot Journaliste à L’inFO militante

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