À quelle catastrophe sanitaire faisons-nous face ce 3 janvier 2025 ? Crash d’avion ? Usine classée
, écrit le syndicat FO de l’hôpital sur sa page Facebook le jour-même. C’est une illustration des problèmes. Alors même que l’épidémie de grippe n’a pas atteint son pic, le plan blanc a été déclenché dans près de 80 hôpitaux depuis le début du mois de janvier, de Gap à Laval en passant par Toulon. Ce dispositif permet de prendre diverses mesures comme la déprogrammation de soins « non-urgents », la mobilisation du personnel volontaire en repos ou l’ajout de lits supplémentaires. à risque
qui est en feu ? Non... rien de tout cela... Le CH Laval peine à faire face aux virus de l’hiver
On assiste à un détournement de ce plan blanc
, constate Didier Birig, le secrétaire général de la fédération FO SPS, FO Services publics et de Santé. Alors qu’il a été pensé pour des situations exceptionnelles, on s’en sert pour gérer la situation dégradée de l’hôpital qui se retrouve en difficulté face à des épidémies connues.
Le revers de ce dispositif est double. D’abord pour les usagers puisque le plan blanc impacte leur accès aux soins, notamment avec la reprogrammation de certaines opérations, ce qui augmente les risques de complications dans certaines situations
souligne le secrétaire général. Ensuite pour les soignants et plus largement l’ensemble des personnels de l’hôpital qui font face à des conditions de travail difficiles et parfois sont amenés à faire des choix insupportables sur le déroulé de la prise en charge des usagers
. Pour Sébastien Lardeux, secrétaire FO au centre hospitalier du Nord Mayenne, la situation de l’hôpital public empire d’année en année et le plan blanc n’est qu’une illustration de cette dégradation parmi tant d’autres.
Dans son établissement, une mobilisation avait déjà eu lieu au début des vacances, le 21 décembre, pour protester contre la fermeture de 33 lits durant les congés. Et l’on entend bien continuer à mener nos combats !
, promet le militant. En ce début d’année, FO continue de porter les mobilisations au sein de plusieurs hôpitaux.
Il y a urgence pour les urgences
Dans ces hôpitaux, ce sont les tensions au sein des urgences qui a poussé à déclencher le plan blanc. Ce fut le cas à Saint-Nazaire où, dans un communiqué publié le 7 janvier, Gaël Leturque, secrétaire général FO à l’hôpital, est revenu sur la situation dégradée du service des urgences. Plus de 60 patients en attente de lit d’hospitalisation, avec pour certains, 72 heures sur un brancard, sans intimité, avec seulement deux sanitaires à disposition. La direction a fait le choix d’installer des patients dans une salle de réunion, faute de places dans un service d’hospitalisation
.
À Nantes, le niveau 2 du plan blanc a été déclenché le 6 janvier alors que les urgences étaient en tension. À la fin de la journée, il restait encore une centaine de personnes dans le service qui attendaient d’être prises en charge. Et parmi elles des personnes âgées qui ont dû attendre près de deux jours pour pouvoir rejoindre un service d’hospitalisation, faute de lits
, déplore Jérémy Beurel, secrétaire adjoint du syndicat FO. Le syndicat FO ne cesse d’alerter sur l’état des urgences et les besoins criants de bras et de lits
. En août dernier, il avait lancé une large mobilisation. Le 21 janvier dernier, communique l’hôpital, un patient de quatre-vingts ans est décédé après une attente de neuf heures aux urgences. Un décès inattendu et inexpliqué à ce stade
selon un communiqué de la direction de l’hôpital. Le syndicat FO – qui par ailleurs a obtenu la tenue d’un CHSCT extraordinaire, le 28 janvier sur la question de la sécurité dans l’établissement – indiquait, dans les colonnes d’un journal local au lendemain de ce drame, que si par le plan blanc 22 lits d’hospitalisation ont été ouverts, la direction a annoncé le 17 janvier son intention d’en fermer quatorze, après avoir constaté une baisse des tensions aux urgences
précisait Jéremy Beurel.
À Laval, avec ou sans plan blanc, les urgences demeurent en situation critique. Par manque de médecin, la menace de fermeture temporaire ou partielle apparaît. Ce qui serait catastrophique dans notre désert médical !
, s’indigne Sébastien Lardeux. Les années se suivent et se ressemblent, indique FO. Or, les Mayennais ne sont pas plus malades que les hivers précédents, ils ne viennent pas plus souvent à l’hôpital qu’avant, simplement, on manque toujours de médecins et de soignants pour pouvoir bien soigner tout le monde
.
Maternité, psychiatrie, chirurgie… La liste des services menacés s’allonge
Alors que l’activation des plans blancs dans les établissements est sous les projecteurs de l’actualité, des services, autres que les urgences, sont eux aussi dans la difficulté, et avec eux l’accès aux soins des usagers. Au CHU de Nantes, un préavis de grève avait ainsi déposé fin 2024 concernant l’unité psychiatrique Gwarez. Nous exigeons qu’il n’y ait plus de mineurs hospitalisés en soins adultes, mais aussi que nous soyons dotés de postes supplémentaires d’aides-soignants et d’infirmiers
, explique Jérémy Beurel, pour FO. Plus largement, c’est pour tout le secteur de la psychiatrie, le parent pauvre de la médecine
, que les soignants nantais se mobilisent. Il est urgent que le gouvernement et l’Agence régionale de santé décident de moyens financiers importants pour la psychiatrie et la pédopsychiatrie, cela afin de sauvegarder et de renforcer les structures existantes et d’ouvrir de nouvelles structures d’hospitalisation et de médico-sociales
, indiquait le syndicat à la fin 2024 dans son communiqué de presse. Au sein de l’unité Gwarez, ce sont 14 lits adultes qui vont être fermés pour créer 8 lits adolescents. Mais l’on va perdre tout de même 5 lits, ce n’est pas une création de places mais une transformation à moyens constants
, dénonce le militant. En ce début d’année 2025, le syndicat FO du CHU de Nantes a appelé par ailleurs à un rassemblement le 23 janvier devant la maternité, les personnels dénonçant des conditions de travail plus que dégradées par un manque d’effectifs (dont le non-remplacement des arrêts maladie) qui met désormais les agents dans l’impossibilité de poser des jours de congés. Quand ils ne sont pas rappelés alors qu’ils sont en repos !
À Laval et à Mayenne, la situation des services est aussi très inquiétante. À Noël, on a suspendu les activités de maternité et de chirurgie par manque de professionnels
, relate Sébastien Lardeux. La réduction contrainte de la voilure de ces activités interroge sur l’accès aux soins dans ces zones rurales. Lorsque l’on remonte ce problème aux directions, elles estiment que puisque le territoire comporte trois hôpitaux, il suffit de garder un service sur les trois et que les personnes se déplacent ! Mais ce n’est pas notre conception du service public !
. Et le militant s’inquiète pour les patients qui attendent toujours leur opération alors que les activités de chirurgie sont à nouveau impactées par le plan blanc.
Ratio soignants/soignés : l’Assemblée adopte la proposition de loi le 23 janvier
La situation catastrophique de l’hôpital public se constate chaque année avec les fermetures de lits, voire de services, par manque d’effectifs, dû notamment au départ des soignants dégoûtés par les conditions de travail et de rémunération. Le sujet des rémunérations demeure une urgence,
Le sujet de l’attractivité des carrières hospitalières reste une urgence pour FO. Chaque jour, on voit des collègues quitter l’hôpital pour aller vers le privé, et comment leur en vouloir
, témoigne Sébastien Lardeux. Didier Birig insiste : la question de l’attractivité pose aussi celle des effectifs, puisque les conditions de travail se dégradent notamment par le manque d’effectifs
. Ce sujet, qui devait déjà être abordé durant le Ségur (les premiers accords ont été signés en juillet 2020), a été mis de côté par le gouvernement de l’époque qui cependant avait promis des effectifs supplémentaires, 15 000. FO de son côté n’a cessé depuis de revendiquer un plan massif de recrutement, chiffré dès 2022 à quelque 200 000 créations de postes nécessaires dans les établissements hospitaliers, les structures sociales et médico-sociales. La proposition de loi (PPL) du sénateur (médecin) Bernard Jomier, présentée en 2023, visant à instaurer un nombre minimum de soignants par patient hospitalisé a logiquement retenu toute l’attention de FO. Avec ces ratios soignants/soignés, les directions ne pourront plus jouer sur les effectifs selon leur budget. Ce qui a de l’importance quand on sait que les hôpitaux ont terminé l’année 2024 avec un déficit dépassant un milliard d’euros
, explique Didier Birig.
Le texte, déjà adopté par le Sénat en février 2023 a été discuté à l’Assemblée nationale le 23 janvier. Et les députés ont adopté cette PPL. Cette loi ne déterminant pas les effectifs requis, va ensuite devoir s’enrichir du travail de la haute autorité de santé (HAS) et d’une expertise de terrain afin de déterminer les ratios. Du chemin reste donc encore à parcourir, et la pression des revendications que la Fédération FO-SPS porte va devoir être entendue
indiquait le 23 janvier au soir la fédération FO-SPS dans un communiqué, précisant que d’ores et déjà par son existence, cette loi va enfin permettre aux hospitaliers d’entrevoir une lueur d’espoir au bout du tunnel
. Cette loi impliquerait en autres la création de places en formations médicales et paramédicales indiquait en amont de l’adoption de la PPL, Didier Birig, résumant les choses : C’est un espoir, mais sur plusieurs années.
Toute importante que soit cette perspective, elle ne modère en rien la détermination de la fédération à se faire entendre du ministère et au plus vite sur l’obtention de moyens pour l’hôpital public, entre autres des effectifs. FO-SPS a ainsi écrit au nouveau ministre, Yannick Neuder, pour être reçue et entendue
. Nous ne siégerons pas au Conseil Supérieur de la Fonction Publique Hospitalière tant que le ministre ne nous aura pas reçu
, prévient-elle.