Ils désertent

Actualités par Corinne Kefes

Ils désertent
Thierry Beinstingel, Le livre de poche 190p. 6.60€

Dès les premières pages, le livre nous plonge dans le quotidien des deux « héros » de l’histoire, au sein de leur univers professionnel. Cela pourrait être banal, si ce n’est le parti pris par l’auteur de présenter une narration originale. Ainsi, l’alternance des chapitres fait passer d’un personnage à l’autre, effet renforcé l’utilisation de pronoms personnels à la place de prénoms et la succession concomitante des évènements. L’auteur semble ainsi s’amuser avec le lecteur, le prenant comme témoin, confident, interlocuteur, comme si c’est son histoire qu’il racontait. On est pris dans ce mouvement de va et vient qui démultiplie une impression de similitude et de contraste à la fois. Car tout semble séparer le « vous » du vieux commercial briscard proche de la retraite et le « tu » de la jeune promue cadre dans cette « grosse boîte ». Deux visions du monde se répondent : d’un côté, la sagesse et l’expérience du terrain et de l’autre, la volonté de faire ses preuves empreinte de l’idéologie d’entreprise. Et pourtant, alors que l’un a tout vu et refait le fil de sa vie et que l’autre découvre un nouveau monde, ils se rejoignent dans l’image que leur renvoie le miroir : le sentiment d’un grand rien dont les rêves sont absents. Leur rencontre, placée sous l’égide de Rimbaud, va bouleverser leurs vies, comme des billes qui se heurtent et changent de trajectoire. C’est un livre sur la solitude, la lassitude et l’usure du quotidien, une critique des logiques d’entreprise et de consommation mais surtout un livre à propos de l’humain qui sommeille en nous et parfois dit non.