Annoncé par le chef de l’État le 14 juin 2015 et présenté en Conseil des ministres le 3 août dernier, le projet PAS sera discuté dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2017. Pour l’heure l’avant-projet de texte a été transmis au Parlement.
En juillet dernier, Conseil d’État avait approuvé le texte mais tout en pointant le problème de confidentialité des données qu’induit le système PAS pour les contribuables. Le mécanisme du prélèvement à la source change il est vrai totalement les modalités de paiement de l’impôt sur le revenu. Une réforme qui porte en elle de multiples complications.
Dès 2018 se plaît cependant à expliquer médiatiquement le gouvernement, les contribuables paieront cet impôt non plus sur les revenus qu’ils ont perçu l’année précédente mais sur les revenus perçus dans l’année. Pas si simple… Et même faux insiste le syndicat FO de la DGFIP (finances publiques).
Ce système PAS qui se fait fort de restaurer le consentement à l’impôt sur le revenu (payé actuellement par moins de la moitié des foyers) et qui vante les mérites d’une prétendue « contemporanéité » entre la perception des revenus et leur imposition joue avec les apparences.
D’abord au plan de cette supposée simplification, le système nécessitera en fait toujours que les contribuables remplissent la traditionnelle déclaration d’impôt sur les revenus qu’ils auront perçus l’année précédente. L’impôt prélevé dans l’année ne sera en effet qu’un acompte qui sera soumis ensuite à des régularisations diverses et variées.
Apparences trompeuses…
« Le calcul du taux fondé sur l’impôt payé en N-2 (par exemple le taux calculé sur la base des impôts payés en 2017 sur les revenus de 2016) pose d’emblée le problème de l’ajustement nécessaire en N+2 (selon notre exemple, au printemps 2019, il faudra faire des ajustements par rapport au prélèvement de 2018) » explique Hélène Fauvel, la secrétaire générale du syndicat FO DGFIP.
« D’autre part nous ne sommes pas certains que la majorité des contribuables ait bien intégré que l’obligation de déclarer en N+1 (par exemple 2019) les revenus perçus en N (donc 2018) perdurerait ». Et le projet PAS comporte bien d’autres difficultés et zones d’ombres. La manière de traiter les crédits ou réductions d’impôts pose ainsi un sérieux problème.
« Le projet de texte est muet sur les conditions dans lesquelles les contribuables en bénéficieront. S’agira-t-il d’une restitution immédiate dès l’avis d’imposition ou en sera-t-il tenu compte dans le taux de prélèvement du contribuable ? »
Pour l’instant note le syndicat FO « il est seulement fait référence au Crédit d’impôt de modernisation de recouvrement (CIMR) destiné à annuler l’avis d’imposition sur les revenus de 2017 ». Le CIMR définit seulement l’année blanche fiscale de 2017.
Prélèvement mensuel sur le salaire
Pour FO-DGFIP qui vient de transmettre ses remarques critiques sur l’avant-projet de texte du PAS à la commission des finances de l’Assemblée nationale, le prélèvement à la source est ainsi « une fausse simplification qui compliquera la vie des contribuables, des chefs d’entreprises et des personnels des finances publiques ».
En pratique, pour les salariés, l’impôt sera directement prélevé sur le salaire. Pour les retraités ce sera sur la pension et pour les chômeurs sur l’allocation. Les indépendants (commerçants, agriculteurs, professions libérales) eux bénéficieront d’un différé de versements…
« Le choix de périodicité des acomptes offerts à certaines catégories de contribuables (agriculteurs, professions libérales…) assortie d’une base de calcul des acomptes différente remet en cause l’égalité républicaine devant l’impôt. En effet, la plupart des salariés feront l’avance de la déduction pour frais professionnels ce qui ne sera pas le cas des autres professions » explique le syndicat FO-DGFIP.
Pour les salariés, c’est donc l’employeur qui procèdera à l’opération de prélèvement mensuel de l’impôt. « Il transmettra les données via la DSN (déclaration sociale nominative) à la DGFIP ce qui suppose que toutes les entreprises utilisent ce canal fin 2017, ce qui n’est pas assuré.
En outre, ce ne sera le cas ni des collectivités territoriales ni de l’État pour leurs propres employés. Les risques d’erreurs de rattachement des acomptes et donc de contentieux sont réels » indique Hélène Fauvel.
En ce qui concerne le prélèvement de l’impôt sur le salaire, l’employeur utilisera un coefficient d’imposition propre à chaque salarié.
Ce coefficient sera calculé auparavant par les services fiscaux de la DGFIP (services des finances publiques) sur la base de la déclaration de revenus faite par le foyer fiscal du contribuable.
L’employeur devient collecteur d’impôts
De son côté la DGFIP prélèvera mensuellement (un mois après le prélèvement selon l’avant-projet de texte du projet ; quatre mois au maximum après les prélèvements pour les entreprises de moins de onze salariés) cet impôt sur les comptes bancaires des entreprises.
Par ce système, l’employeur se transforme donc en tiers collecteur d’impôt pour l’État conteste FO s’élevant contre le transfert d’une telle mission régalienne vers les employeurs. Cela équivaut en effet à privatiser en partie le recouvrement de l’impôt.
Or rappelle FO-DGFIP, « Il y a un risque réel de perte de recettes fiscales pour l’État, en cas de défaillance des entreprises ou de non application du PAS par les entreprises ». Si l’avant-projet de texte a prévu des sanctions contre les entreprises « elles ne rendront l’exercice des poursuites ni plus facile ni plus efficace ».
Pour le gouvernement toutefois, cette réforme est « moderne », « plus simple » pour le contribuable. Cerise sur le gâteau elle contribuerait même à abaisser encore le coût du recouvrement de l’impôt sur le revenu. Faux répond FO.
Un surcroît de travail pour les agents
« Actuellement, le recouvrement de l’impôt dans sa phase amiable a atteint un tel niveau d’automatisation qu’il n’occupe qu’un petit nombre d’agents, l’essentiel des effectifs se consacre à la phase contentieuse qui ne disparaitra pas avec le prélèvement à la source ».
Le syndicat FO de la DGFIP craint que la mise en place du PAS entraîne « une désorganisation des services par un transfert de charge des SIP (services d’impôt des particuliers) vers les SIE (services d’impôt des entreprises) et cela sans que pour autant de véritables gains de productivité puissent être enregistrés. » Cela pourrait même être le contraire insiste Hélène Fauvel.
« L’appropriation du système générera un surcroît de travail que les effectifs actuels de la DGFIP ne permettront pas d’absorber. Sur ce point, la DGFIP est à ce stade dans l’incapacité de fournir le moindre chiffre. Les personnels devront faire face en effet, à un afflux de demandes émanant des contribuables surtout au moment des régularisations ».
Depuis des mois, la Fédération FO des finances alerte contre les multiples dangers de cette réforme. Ainsi la retenue à la source risque de fragiliser le taux de recouvrement de l’impôt sur le revenu qui est actuellement de près de 98% ».
Selon les statistiques de la DGFIP, le taux de paiement de l’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux était en effet de 97,40% au 30 juin 2016 contre 97,34% l’an dernier. Le taux de paiement dématérialisé de l’impôt sur le revenu payé en 2015 était quant à lui de 73,6% dont 58,2% de contribuables mensualisés. Quant au taux de paiement des impôts des particuliers émis en 2015 au moment du basculement en mode recouvrement forcé, il était de 96,83%, en hausse de 0,10%.
S’il en était besoin, ces chiffres démontrent que le mode actuel de recouvrement de l’impôt est efficace.
Pour la confédération FO « Le bénéfice réel de la réforme pour le contribuable et l’administration fiscale est en réalité nul alors que les risques sont importants, à la fois en termes de pertes de recettes fiscales, d’augmentation du coût de la collecte de l’impôt, de constitutionnalité liés à la rupture d’égalité entre contribuables mais aussi du point de vue de ses conséquences potentiellement très importantes sur la relation salariale dans le cadre d’un employeur devenant le tiers collecteur ».
Ce dernier problème est si patent qu’il a été soulevé cet été par le Conseil d’État.
Le salarié fiscalement transparent face à l’employeur
En effet, l’employeur qui connaît bien sûr le salaire de son employé serait désormais en mesure d’apprécier via le coefficient d’imposition affecté à ce salarié si celui-ci dispose d’autres revenus que son salaire.
Pour en quelque sorte masquer sa situation fiscale globale à son employeur, le salarié pourra demander auprès de l’administration fiscale à bénéficier d’un coefficient d’imposition « neutre ».
Mais souligne FO DGFIP « le taux neutre aura un caractère proportionnel et non pas progressif ce qui imposera dans ce cas un réajustement visant à tenir compte du quotient conjugal et familial ou encore des différentes réductions d’impôts liés à des dons aux œuvre notamment ou encore aux différentes natures de crédits d’impôts ».
Concrètement, cela obligera ce salarié à régulariser ensuite sa situation auprès des services des impôts. Une manœuvre compliquée donc. Plus largement, avec le système PAS la situation fiscale des salariés va devenir transparente aux yeux des employeurs.
Face aux critiques du Conseil d’État, le gouvernement a ajouté au texte un chapitre « confidentialité du taux de prélèvement et non-discrimination ».
Le texte indique ainsi désormais : « Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut se voir refuser une promotion ou une gratification, être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte » en raison de son taux de prélèvement.
La disposition est censée jouer les garde-fous en contrant de possibles discriminations fiscales de salariés par leurs employeurs. Rien n’est moins sûr.
Pour le syndicat FO-DGFIP, le système de prélèvement à la source va quoi qu’il en soit « déporter sur la revendication salariale une partie de la contestation que nous pouvons constater sur le niveau des impôts et taxes ».
La réforme PAS qui vise à faire croire à un impôt plus juste et réparti de manière plus équitable ne « s’imposait pas ». Pire « elle n’a pas de sens » analyse FO craignant que cette réforme soit en fait « la première étape vers un impôt individuel et proportionnel, cela avec une fusion de l’impôt avec la CSG ».