Ce n’est pas tous les jours qu’un gouvernement invite les contribuables à ne pas s’acquitter de l’impôt ou à attendre un remboursement intégral de la somme payée… C’est cependant le message qui a été lancé en urgence en ce début novembre par le ministère de l’Economie et des finances.
Ce message s’adressait à des retraités modestes venant de découvrir avec angoisse en cet automne qu’ils étaient redevables cette année des impôts locaux, la taxe d’habitation et, pour les propriétaires, la taxe foncière.
Environ 250 000 retraités modestes percevant des pensions avoisinant les 1 000 euros par mois et jusque-là exonérés de ces impôts se trouvaient soudain dans l’obligation de payer plusieurs centaines d’euros. Certains retraités avaient même déjà payé ces impôts.
Alerté par des parlementaires, le gouvernement a rectifié le tir. Les retraités concernés n’auront pas à payer ces impôts et cette exonération, pour 2015, sera reconduite en 2016 a annoncé le Premier ministre dès le 1er novembre.
Pour ceux qui aurait déjà payé, via la mensualisation, le remboursement sera effectué par les services fiscaux. Mais pas avant le premier semestre 2016.
Pas question de rétablir cette demi-part
Pour le secrétaire général de la Confédération FO, Jean-Claude Mailly, cette affaire qui a requis une « réaction à chaud du gouvernement » illustre le fait que « le système (fiscal) est à bout de souffle, on voit bien que ça bricole dans tous les coins ».
Le mécanisme qui a conduit à cette situation pour les retraités modestes est en effet assez surprenant.
La genèse de l’affaire débute en 2008 quand le gouvernement de M. Fillon décide de supprimer progressivement jusqu’en 2014 la demi part fiscale supplémentaire accordée notamment aux veufs ou veuves ayant élevé seuls un enfant.
Cet avantage fiscal avait été créé après la Seconde guerre mondiale. Or, depuis 2012, ni le gouvernement de M. Ayrault ni celui de M. Valls n’avaient songé à rétablir cette demi-part « veuf ».
Une demi part fiscale supplémentaire n’a été maintenue que pour les parents isolés (personne ayant élevé seule un enfant pendant au moins cinq ans).
Le ministre du Budget souligne que le rétablissement de cette demi-part créerait un manque à gagner d’environ 800 à 900 millions d’euros pour le budget de l’État.
Or, en toute logique, le principe de l’extinction progressive de la mesure fait sentir pleinement son effet mécanique cette année. La suppression de cette demi-part rehausse en effet automatiquement de revenu fiscal de référence sur lequel est adossé le calcul des impôts locaux.
De fait, les retraités dont le revenu fiscal de 2014 dépasse le seuil de 10 686 euros (pour une part) plus 2 853 euros (pour chaque part supplémentaire) se sont vus contraints de payer des impôts locaux.
Pour l’an prochain, le gouvernement compte sur les recettes issues de la taxe supplémentaire d’un centime d’euro sur le gazole « pour financer l’allègement de la fiscalité locale des contribuables modestes », ce qui comprend certains retraités.