Insecticides : le temps des cerises

Consommation par Michel Pourcelot

Interdit par l’un, autorisé par l’autre... Les insecticides semblent provoquer des réactions désordonnées dans les organismes... OMS, ANSES, Commission européenne, Parlement européen, État français, ONG diverses... Les consommateurs, eux, viennent d’être cueillis à froid par les cerises. Les producteurs parlent d’un kilo qui pourrait bientôt atteindre jusqu’à 50 euros. Le temps des cerises est-il fini ? L’affaire a éclaté quand la France a interdit, le 15 avril, l’utilisation du diméthoate, un insecticide jugé cancérigène visant à détruire la mouche de la cerise, qui rend le fruit véreux en pondant dedans. Elle a ensuite suspendu, par arrêté en date du 21 avril, les importations et les mises sur le marché de cerises traitées avec cet insecticide, même en provenance de l’Union européenne. Arguant d’une distorsion de concurrence, des producteurs avaient évoqué des cerises cultivées en Turquie passant par l’Espagne.

Haro sur les cerises importées

C’est d’ailleurs de ces deux pays que provient la plus grande partie des importations de ce fruit en France, la moitié de la consommation hexagonale venant de l’étranger. Si l’interdiction d’utiliser le diméthoate est désormais effective en Espagne et en Italie, elle ne l’est pas dans l’ensemble de l’UE, comme l’avait demandé la France le 29 mars. Ce qui l’a conduit à déclencher sa clause de sauvegarde pour la première fois depuis 2012. Il n’y a donc pas eu de consensus européen. Comme en bien d’autres matières... Quant à l’autorité européenne de sécurité des aliments, l’EFSA, saisie en urgence, elle a précautionneusement donné son avis le 11 avril, estimant que « les données n’étaient pas suffisantes pour exclure clairement un risque pour la santé des consommateurs ». En parlant de risques, le ministre de l’Agriculture français, « conscient des risques de pertes économiques liés aux attaques de la Drosophile Suzukii en 2016 », s’est engagé à mettre en place des indemnisations aux producteurs. Quant aux consommateurs de cerises, ils paieront sans doute le prix fort. 


Zoom : Le diméthoate mis à l’index
Le 1er février dernier, l’Agence nationale de sécurité sanitaire, l’Anses, n’a pas renouvelé l’autorisation de mise sur le marché du Dimate BF 400, seul insecticide encore à base de diméthoate, accusé d’être cancérigène et neurotoxique. Le fabricant n’aurait pas fourni les précisions demandées après une évaluation évoquant des « risques inacceptables » pour les « consommateurs, cultivateurs, oiseaux et mammifères ». Une dérogation pour pouvoir l’utiliser pendant quatre mois supplémentaires a été refusée aux producteurs par le ministère de l’Agriculture.

Michel Pourcelot Journaliste à L’inFO militante