Interview d’Henri Sterdyniak : « Le discours porté par les dirigeants ne correspond pas à la politique menée »

Actualités par Mathieu Lapprand

Henri Sterdyniak, directeur du département Économie de la mondialisation de l’OFCE. © Bertrand Clech

Qu’est-ce qui différencie la rigueur de l’austérité ?
Henri Sterdyniak :
C’est une question sémantique à laquelle je ne sais pas répondre. La politique budgétaire se doit d’être rigoureuse en ce sens que les investissements publics doivent être opportuns, le système fiscal juste, l’évasion fiscale évitée, etc. L’austérité consiste à mettre en œuvre une politique budgétaire restrictive. Cette austérité est malvenue en période de demande insuffisante et réduit des dépenses nécessaires, telles que l’éducation ou la santé. Dans certaines circonstances exceptionnelles un pays peut avoir besoin de politiques de restrictions budgétaires, mais les problèmes de la zone euro sont avant tout liés à un manque de demande et un besoin d’ajustements entre les pays.

Comment qualifier la politique menée en France depuis 2010 ?
H. S. :
La politique menée en France depuis 2010 est incohérente. La France prône une relance au niveau européen mais applique une politique d’austérité au niveau national. Par ailleurs elle a renoncé à atteindre son objectif affiché de réduction des déficits, préférant réduire les impôts et les cotisations sociales des entreprises. La politique menée relève donc plutôt de la recherche de compétitivité, financée par des mesures d’austérité mises en œuvre à travers la réduction de dépenses publiques utiles. Caractériser la politique économique française est compliqué car le pays ne remet pas en cause les traités… mais ne les respecte pas non plus. Le discours porté par les dirigeants ne correspond donc pas à la politique menée.

Le clivage ne réside-t-il pas entre une politique de relance et une politique de réduction des dépenses publiques ?
H. S. : En Europe, ces deux stratégies devraient s’opposer, l’austérité ou les investissements. La France devrait préconiser l’arrêt de l’austérité et soutenir l’investissement productif, notamment dans un objectif de transition écologique. Malheureusement la France se situe quelque part entre ces deux politiques : elle soutient la relance le matin, mais applique avec répugnance une politique d’austérité qui ne lui convient pas l’après-midi. 

Propos recueillis par Mathieu Lapprand

Mathieu Lapprand Journaliste à L’inFO militante