Investissements : Une nouvelle vie pour les partenariats public-privé ?

Economie par Valérie Forgeront

Le chantier du futur ministère de la Défense, à Paris. Dans le cadre de ce PPP, l’État versera à Bouygues 150 millions d’euros par an jusqu’en 2041. © Gilles ROLLE / REA

Le Premier ministre souhaite les relancer : les partenariats public-privé, qui permettent aux administrations de construire un ouvrage sans se lester du coût immédiat de l’investissement, restent toutefois risqués et coûteux.

Serait-ce le retour en grâce des partenariats public-privé (PPP), qui consistent à faire financer, construire, entretenir et exploiter un ouvrage public par un opérateur privé ? Pour le Premier ministre, ces contrats sont les bienvenus, au nom de la croissance qu’il faut doper. « Le pays a besoin d’investissements publics et privés, de partenariats entre les entreprises, les collectivités locales, l’État », a déclaré Manuel Valls en Gironde le 1er septembre lors de l’inauguration d’un viaduc qui portera, en 2017, une ligne ferroviaire à grande vitesse, construite avec Vinci.

Cet enthousiasme pour les PPP ne fait toutefois pas l’unanimité. Après l’Inspection générale des finances en 2012, c’est le Sénat qui, cet été, a critiqué les PPP. Dans un rapport, ils sont qualifiés « d’outil à haut risque » et, pire, de « bombe à retardement budgétaire ». Très prisé entre 2007 et 2012 mais en chute libre depuis, le système « clés en main » a séduit les administrations dans un contexte de difficultés budgétaires à conjuguer avec des besoins d’investissements. Via un PPP en effet, le coût d’un investissement ne pèse pas immédiatement sur le budget public. Mais là est le piège. Telle une locationvente, le PPP contraint à payer au partenaire privé des loyers exorbitants, et ce pendant longtemps, avant de devenir propriétaire.

Endettement maximum pour les générations futures

L’État déboursera ainsi 150 millions d’euros par an jusqu’en 2041 pour le siège parisien du ministère de la Défense, construit actuellement par Bouygues dans le quartier Balard. De tels loyers représentent donc une dette. Or, si jusqu’en 2010 le loyer d’un PPP n’était pas considéré comme tel au sens de la comptabilité publique, depuis les choses ont changé, ce qui n’est pas étranger à la perte d’engouement pour les PPP. Depuis le 1er janvier 2011 en effet, les collectivités locales ont l’obligation d’inscrire la charge d’un PPP à leur bilan comptable et, depuis 2012, l’État fait de même. Plus largement, les PPP risquent d’avoir des « conséquences très néfastes pour les générations futures » en termes de dette, s’inquiète le Sénat, tandis que les administrations sont de plus en plus incapables d’autofinancer leurs investissements. Pour parachever la construction de collèges, le département pauvre de Seine- Saint-Denis a ainsi dû signer un PPP, pour un loyer de 20 millions par an sur vingt ans, avec Eiffage et Fayat. Encore deux géants du BTP. Le Sénat constate d’ailleurs que les PPP induisent une « captation » des contrats par quelques grands groupes et « l’éviction des PME-TPE », renvoyées « à une fonction de sous-traitance ».

Quelques dates et chiffres

2004
L’ordonnance du 17 juin crée les PPP.

2004-2012
156 ouvrages construits via des PPP, pour un montant global de 34 milliards d’euros.

80 % des contrats PPP sont signés par les collectivités locales.

Le chantier du futur ministère de la Défense, à Paris. Dans le cadre de ce PPP, l’État versera à Bouygues 150 millions d’euros par an jusqu’en 2041.

Valérie Forgeront Journaliste à L’inFO militante