J’ai dans mon cœur un General Motors : le capitalisme américain à pleins tubes

Théâtre par Michel Pourcelot

Quand l’usine à chansons américaine, Motown, et son fondateur se font démonter en live et en chansons débridées...

La Motor City ne roule plus des mécaniques. Sinistrée par les délocalisations de l’industrie automobile dont elle était la capitale, Detroit n’en finit plus de rouler sur les jantes : des quartiers sont entièrement abandonnés et la criminalité a explosé. En 2013, année de la faillite de la ville, sa population, trois fois moindre qu’en 1950, diminuait à raison de 1 000 habitants par mois.

Pourtant en 1964, le hit Dancing in the street avait été composé en voyant les gens dans la rue. Contribuant, avec Diana Ross et autres consœurs et consorts, à la fortune de Berry Gordy Jr, fondateur du label discographique Motown (contraction de Motor Town). Carburant : un nouveau son, de la soul plus polie et policée, réussissant à atteindre le public blanc, soit le fameux « cross over ». Ainsi Motown devint une usine à tubes. Et Gordy, ancien boxeur, qui avait soudainement réussi alors qu’il s’était résigné à aller travailler dans une des usines automobiles locales, un magnat du show-biz.

Capitalisme en tubes ?

Gordy, un capitaliste noir ? Une pièce essentielle du moteur à rêve américain ? C’est du moins ce que semble penser l’auteur de la pièce J’ai dans mon cœur un General Motors, Julien Villa, pour qui il représente « l’un des premiers exemples de "capitalisme noir", contribuant à mettre en échec la révolution sociale engagée aux États-Unis par le Black Panther Party ». Ajoutant : « nous trouvons passionnant de raconter l’histoire d’esclaves libérés des champs de coton, devenant esclaves dans les usines automobiles ».

Un raccourci peut-être un peu rapide. Certes, l’élite capitaliste blanche n’a pas été trop dérangée par l’ascension de Gordy, qui a permis d’ouvrir une voie vers un ascenseur social inexistant, constituant une soupape pour la cocotte-minute, sérieusement secouée par les émeutes raciales de la fin des années soixante.

Détroit en fut l’un des théâtres les plus violents. Gordy, lui, déménagea ses bureaux à Los Angeles. Reste « une comédie loufoque et déchaînée », création de la Compagnie Vous êtes ici, avec des acteurs la fois auteurs et musiciens, une équipe en grande partie vue dans la pièce Le Capital et son singe, où se croisaient l’ouvrier Albert, Barbès, Blanqui, Brecht, Foucault et Freud... Au tour maintenant de Diana Ross. Native de Détroit. Comme Malcom X.


J’ai dans mon cœur un General Motors ,
pièce écrite et mise en scène par Julien Villa, interprétée notamment par Vincent Arot, Nicolas Giret-Famin, Clémence Jeanguillaume, Amandine Pudlo, Noémie Zurletti (distribution sous réserves).
Compagnie Vous êtes Ici. Durée environ 1h50.
 du 29 mars au 3 avril à 20 h (dimanche à 17 h), au Théâtre de la Bastille, 76 rue de la Roquette 75011 Paris. Métro : Bastille. Tarifs : autour de 24 euros. Tél. : 01 43 57 42 14. Jeudi 31 mars, après la représentation, rencontre avec Julien Villa sur le thème : « Capitalisme, chosification et chansons d’amour ». Entrée libre.
 les 6 et 7 avril 2016, de 20h à 22h, à la Comédie de Valence, 1 Place Charles Huguenel 26000 Valence. Tarifs de 7 à 24 euros. Réservation : 04 75 78 41 70.
 Site : http://www.theatre-bastille.com

Michel Pourcelot Journaliste à L’inFO militante