Si le mandat qui s’achève n’a pas été celui de la mise en œuvre annoncée d’une grande réforme fiscale, il n’en reste pas moins que ce dernier aura vu s’égrener de nombreuses mesures fiscales. Certaines sont à saluer car elles auront permis la restauration d’un peu plus de justice dans notre système fiscal. Ainsi, le rétablissement de la progressivité de l’impôt sur le revenu, mise à mal par plus de quinze années de baisses d’impôts successives, est indéniablement à mettre au crédit de ce quinquennat et en particulier de celui des premières lois de finances. A contrario, de nombreuses autres mesures ont suscité notre opposition la plus vive en participant d’un important transfert fiscal des entreprises vers les ménages et touchant l’ensemble des ménages, sans épargner les moins aisés d’entre eux. Le pouvoir d’achat des ménages en a largement pâti et avec lui la croissance économique dans son ensemble.
Si toutes ces mesures se sont empilées au gré des lois de finances et des lois de finances rectificatives, une en particulier va marquer de son empreinte ce quinquennat fiscal. Il s’agit du prélèvement à la source voté dans la loi de Finances 2017 et qui sera, s’il n’est pas remis en cause, mis en œuvre à partir du 1er janvier 2018. FO a toujours été opposée au prélèvement à la source pour deux raisons essentielles*. D’abord parce que notre mode de collecte de l’impôt sur le revenu actuel, fonctionne bien, voire très bien, et à moindre coût grâce aux nombreux efforts de modernisation de l’administration fiscale – rappelons ainsi s’il était besoin que la déclaration pré-remplie est généralisée, que la mensualisation concerne 70 % des contribuables et que le taux de recours aux paiements dématérialisés atteint 90 %. Par ailleurs, des solutions simples qui ne nécessitaient pas de réforme d’ampleur étaient parfaitement envisageables pour améliorer la fameuse « contemporanéité » de l’IR, auprès notamment des contribuables qui subissent d’importantes fluctuations de revenus.
FO a toujours été opposée au prélèvement à la source pour deux raisons essentielles [1].
La seconde raison fondamentale est liée à la grande complexité de la réforme. Contrairement à ce qui est affiché, cette réforme ne pourra pas accroître la lisibilité de l’impôt et encore moins garantir une relation simplifiée à l’administration fiscale et à l’impôt. En proposant notamment jusqu’à trois taux de prélèvement différents, en maintenant toujours pour le contribuable des démarches déclaratives et de régularisation, cette réforme complexifie le recouvrement de l’impôt et prend même le risque de rompre l’égalité des contribuables devant l’impôt. Et que dire du choix de l’employeur comme tiers-collecteur ! Force ouvrière y était totalement opposée au vu des conséquences sur la relation salariale. Si une partie des employeurs ne fera aucun cas de ce qu’il est possible de supposer à partir du taux de prélèvement transmis par l’administration fiscale, d’autres pourront s’en servir dans un contexte de négociation salariale toujours plus tendu et individualisé. Sans parler du risque majeur de perte de recettes fiscales lié aux possibilités de fraude, aux erreurs non intentionnelles de l’employeur dans la transmission ou l’application du taux, mais aussi aux cas où des entreprises se trouveraient en situation d’insolvabilité. Enfin, parce que l’administration fiscale demeurera toujours un intermédiaire indispensable pour le suivi, le recoupement d’informations, le recouvrement mais également le contentieux, il n’est pas envisageable pour FO, sauf à accepter que l’État perde des recettes fiscales, que cette réforme se traduise par de nouvelles suppressions d’emplois au sein des services fiscaux.
Pour FO, cette réforme est donc non seulement un gâchis au vu de la qualité du système existant mais c’est aussi une erreur qui fait peser des risques importants sur les recettes fiscales et, au-delà, sur le consentement à l’impôt. Fort de ce constat, il est à craindre que cette réforme ne soit en réalité l’étape préalable et non avouée d’une fusion de l’IRPP avec la CSG, ce qui poserait nombre de problèmes en termes de justice fiscale et de financement de la protection sociale collective. Au final, ce mandat, peut-être plus que tout autre, a rappelé combien la fiscalité pouvait être un instrument de politique économique puissant mais jamais neutre. Force Ouvrière maintiendra donc sa vigilance et sera particulièrement attentive à la politique fiscale dans les mois à venir. La défense de la progressivité de l’impôt sur le revenu, celle du système fiscal dans son ensemble, ce qui inclue la question du rôle de la fiscalité sur la consommation que d’aucuns souhaiteraient de plus en plus important en remplacement de certaines cotisations sociales, la fiscalisation de la protection sociale que d’autres voudraient voir se renforcer, comptent parmi nos principaux points de vigilance.
Au-delà, Force Ouvrière poursuivra toujours, et sans dogmatisme, sa mission de réhabilitation de l’impôt et de la dépense publique, source de justice sociale et d’efficacité économique. Alors qu’ils sont sans cesse dénigrés et vilipendés, les missions et les services publics sont en effet un pilier fondateur de notre cohésion sociale et de notre pacte républicain mais également, et on ne le sait que trop peu, un soutien majeur à l’activité économique et à l’emploi. De nombreux travaux l’attestent désormais mais encore faut-il qu’ils soient lus.