Jean-Claude Mailly défend le rôle interprofessionnel des syndicats

#FO2018Lille par Nadia Djabali

Photographie : F. Blanc (CC BY-NC 2.0)

C’est devant plus de 3 500 délégués que Jean-Claude Mailly, secrétaire général de Force Ouvrière, a entamé son discours inaugural du 24e Congrès de la confédération syndicale. Le rendez-vous se tenant à Lille du 23 au 27 avril 2018, trois interventions ont toutefois précédé la prise de parole du secrétaire général de FO. D’abord celle de Jean-François Duflo, le secrétaire général de l’union départementale FO du Nord, puis celle de Martine Aubry, maire de Lille et enfin celle de Xavier Bertrand, président de la région Hauts-de-France.

Le discours inaugural de Jean-Claude Mailly a été une occasion de dresser un panorama social du contexte international, européen et français. Á tous ces niveaux, les droits sociaux sont la cible privilégiée des politiques néolibérales, ce qui rend d’autant plus nécessaire l’action syndicale.

Aux États-Unis, indique Jean-Claude Mailly, l’arrivée de Donald Trump coïncide avec une volonté de couper dans les dépenses de santé et dans les programmes de retour à l’emploi.

Dans les pays arabes sept années après le Printemps arabe, les tensions très vives sont des conséquences des taux de chômage des jeunes les plus élevés au monde, des inégalités persistantes, de la corruption, et de l’existence de zones de guerres civiles.

Droits des travailleurs et accords environnementaux

S’agissant des enjeux climatiques, l’inquiétude est également de mise. Jean-Claude Mailly a rappelé qu’il était indispensable que les droits des travailleurs soient véritablement pris en compte dans les accords internationaux environnementaux. FO, présente à la COP 23 à Bonn en novembre 2017, a exigé des États des engagements financiers clairs, la mise en place d’un calendrier contraignant ainsi que l’inscription des enjeux sociaux dans le débat.

Enfin mention a été faite de la condamnation à 12 ans de prison de l’ex-président brésilien : Lula est victime d’un coup d’État juridique et nous lui apportons, avec la CSI et la CES, notre solidarité.

Austérité et montée des populismes

Côté européen, pas de quoi pavoiser non plus : J’ai toujours eu usage de dire que l’austérité était économiquement, socialement et démocratiquement suicidaires. Il suffit de faire un rapide tour d’horizon des pays européens pour s’en rendre compte. En Hongrie, en Italie, et même en Allemagne, la montée des extrêmes est enregistrée au lendemain des processus électoraux. Ce rapide tour d’Europe, analyse le secrétaire général, montre à quel point il y a urgence à revoir les modalités de la construction européenne devant cette crise de représentation politique qui trouve ses racines avec l’augmentation des inégalités et précarités, d’un sentiment grandissant et largement partagé d’injustice qui plus est depuis la crise de 2007.

En France, une conception autoritaire et verticale des relations sociales

Enfin au niveau national, Jean-Claude Mailly a pointé du doigt la volonté du président de la République de s’attaquer au rôle interprofessionnel des syndicats. S’attaquer à ce niveau, c’est non seulement nier la liberté syndicale, mais c’est aussi avoir une conception autoritaire et verticale des relations sociales, a-t-il prévenu. Ce que nous ne devons jamais accepter, c’est aussi une grave entorse à l’égalité de droit républicaine.

Durant ce discours, le secrétaire général a rappelé l’exigence d’indépendance inscrite dans l’ADN de FO. S’agissant des ordonnances réformant le Code du travail, le secrétaire général a défendu son bilan : Nous considérons que notre comportement a été le plus efficace dans le contexte donné, la meilleure tactique à adopter dans la période, a-t-il martelé. La concertation fut intense et sans oublier les points, majoritaires en nombre, que nous contestons nous avons obtenu principalement le maintien du rôle des branches et via un amendement une plus grande liberté de désignation des délégués syndicaux, même si tout n’est pas encore complètement réglé. Et nous avons évité d’autres points, comme la possibilité de négocier sans syndicat jusqu’à 150 salariés.

Des recours tous azimuts

FO a par ailleurs déposé une dizaine de recours notamment sur la question du référendum, des barèmes prud’homaux, les motifs des lettres de licenciement et la disparition du CHSCT.

Les premiers effets des ordonnances sur la question des IRP et la réduction des mandats, la suppression du CHSCT, la mise en place du CSE et bientôt la généralisation de l’accord majoritaire, commencent ou vont commencer à se faire sentir, annonce le secrétaire général. C’est l’un des points importants que nous avons rejetés et qui posent moults problèmes.

Au-delà des ordonnances, de nombreux dossiers ont été posés ces derniers mois sur la table des négociations ou des concertations : l’apprentissage, la formation professionnelle, l’assurance chômage, le statut de l’encadrement, l’emploi des travailleurs handicapés, l’égalité salariale et les violences faites aux femmes et la concertation dans la fonction publique. Il faut bien faire la distinction entre ce qui a été négocié entre interlocuteurs sociaux et ce que le gouvernement a annoncé par la suite, a poursuivi Jean-Claude Mailly. Et s’agissant de la formation professionnelle et de l’assurance chômage de nombreux de points contenus dans les deux accords conclus ne sont pas respectés dans le projet de loi.

FO revendique un vrai débat sur le service public

Quant à la fonction publique et ses trois versants, le secrétaire général rappelle que FO revendique un vrai débat sur son rôle et ses missions. Je dis aussi attention aux expérimentations de privatisations, c’est-à-dire à des remises en cause du bien commun qu’est le service public, qui par ailleurs n’a pas à être géré comme une entreprise privée.

Le congrès confédéral se tient alors que le mécontentement se fait ressentir partout, dans les Ehpad, les hôpitaux, dans l’ensemble de la fonction publique, chez Air France, chez les retraités, à la SNCF. Le Président confond vitesse et précipitation, poursuit-il. Ce qui se joue aussi à travers tout cela, c’est la place et le rôle des confédérations syndicales, avec l’articulation de l’interprofessionnel, de la branche et de l’entreprise.

Un discours inaugural clôturé par un extrait du « Discours à la jeunesse » de Jean Jaurès : Le courage, c’est de ne pas livrer sa volonté au hasard des impressions et des forces ; c’est de garder dans les lassitudes inévitables, l’habitude du travail et de l’action.

 

Nadia Djabali Journaliste à L’inFO militante