Justice : les greffiers plaident pour un meilleur statut

InFO militante par Sandra Déraillot, L’inFO militante

© Sébastien CALVET/REA

Dans le cadre des États généraux de la justice, une soixantaine de mesures ont été annoncées. Pour les greffiers, l’augmentation du recrutement et une concertation sur leur rémunération sont prévues. Mais ces professionnels de justice demandent aussi un passage en catégorie A, soit la reconnaissance de leur travail par une amélioration de leur statut.

Lors de la présentation de son plan d’action issu des États Généraux de la Justice, Éric Dupont-Moretti, Garde des Sceaux, a notamment annoncé le recrutement à venir de 1 500 greffiers d’ici à 2027, ainsi qu’une prochaine concertation avec les organisations syndicales pour l’élaboration d’un calendrier de revalorisation des greffiers (…). Les besoins en professionnels sont patents : d’après le Syndicat des greffiers de France-Force Ouvrière, 6 % des postes seraient actuellement vacants.

Mais ce qu’attendent surtout bon nombre de greffiers c’est de faire passer une partie de la profession en catégorie A, une revalorisation de la carrière qui bien sûr sous-entend l’amélioration de la rémunération. Actuellement un greffier est recruté à 1 726 euros bruts par mois, hors primes. Soit 3 points d’indice au-dessus du minimum de traitement hors primes alors que ceux qui arrivent sont souvent surdiplômés avec des bac + 5 à l’entrée en école (où le recrutement est initialement prévu à bac + 2), explique Sophie Grimault, secrétaire adjointe du SDGF-FO. Le montant de leur prime annuelle est inférieur à celui d’un adjoint administratif ou à une secrétaire dans le même secteur. Théoriquement la prime maximale pour celui qui a la meilleure notation c’est 300 euros, mais l’enveloppe globale arrêtée ne correspond pas au nombre de professionnels en poste donc il est impossible de verser 300 euros aux mieux notés d’entre nous, et cette prime plafonne à 230 euros.

Pas de délégation mais un transfert de compétences

L’idée de faire évoluer le statut des greffiers est dans les tuyaux depuis quelques années. C’est dans cette perspective qu’avait été créé le statut d’emploi de greffier fonctionnel en 2015. En contrepartie, l’évolution vers la catégorie A appellerait de nouvelles fonctions et responsabilités : Nous avons fait, de longue date, diverses propositions comme la rédaction des ordonnances simples, toutes les procédures de mise en état, le lancement d’expertises lorsque les deux parties sont d’accord, ou la signature d’un droit de visite et d’hébergement lorsque les deux parents se sont entendus. Là où les discussions achoppent en revanche c’est sur le cadre de ces nouvelles missions : Nous ne voulons pas d’une délégation de compétences, nous demandons un transfert de compétences, assure Sophie Grimault. Le ministère s’y oppose au prétexte qu’il faudrait une réforme du code pénal. Cette nouvelle catégorie A pourrait par ailleurs intégrer des assistants de justice, qui n’ont pas la formation spécifique des greffiers, et sont actuellement des contractuels.

Attention au risque de perdre encore des adjoints administratifs

Autre point de vigilance pour le syndicat : l’équilibre des catégories, donc des compétences statutaires, dans les équipes. Il y a actuellement par exemple de moins en moins d’adjoints administratifs, relevant de la catégorie C, dans les juridictions. Et par ce déficit en effectif, les taches qui leur sont dévolues basculent alors de fait sur les greffiers. Cela ne motive pas les greffiers à rester dans le métier et ça crée du mal-être, observe Sophie Grimault. Dans un système idéal il faut un greffier et des adjoints autour de lui.

Enfin, dernier sujet d’inquiétude, que deviendront les contractuels actuellement en poste. Devront-ils passer un concours pour accéder à la formation de 18 mois à l’ENG ? Bénéficieront-ils d’un accès rapide et d’une formation abrégée ? Doit-on craindre une formation au rabais ? Et quid de leur affectation ? Seuls les mieux classés à l’issue de la scolarité à l’Ecole nationale des greffes peuvent se permettre de choisir leur poste (surtout la localisation). Or ces contractuels peuvent avoir déjà une implantation locale, une vie de famille qui limitent toute mobilité.

Annonces budgétaires : Attendons de voir ce que deviendront ces belles promesses

Parmi les autres annonces faites par le ministre qui promet une hausse du budget de la Justice, à 11 milliards à l’horizon 2027 : des mesures concernant l’assouplissement des conditions d’accès aux fonctions de conseiller prud’homal et le « renforcement » de leur indemnisation, mais aussi une augmentation du nombre des auditeurs de justice, un investissement supplémentaire dans l’informatique, des constructions de logements pour les professionnels de justice, un accord-cadre sur l’amélioration de la qualité de vie au travail…

Les rapports et les recommandations on a l’habitude, cela change juste de nom à chaque nouveau mandat : commission Guinchard, Justice du XXIe siècle, et maintenant le rapport Sauvé issu des États Généraux, conclut Sophie Grimault. Alors c’est sûr, on n’a jamais eu autant d’argent, il y a un réel effort qui est fait au niveau du budget. Mais attendons de voir ce que deviendront ces belles promesses. Et le budget du ministère part de très bas, les manques sont loin d’être comblés, tant au niveau des effectifs que des crédits alloués.

Sandra Déraillot Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération