Les attaques se précisent contre cet art dit contemporain dont la présence quelque peu envahissante dans le monde économico-culturel commence à faire sérieusement ruer dans les brancards. Souvent associées à des opinions conservatrices ou à des artistes laissés pour compte, elles viennent cette fois-ci avec Du narcissisme de l’art contemporain, de deux chercheurs peu réputés d’être réactionnaires en la matière, mais bien déterminés à contrer la mainmise de l’idéologie libérale dans le monde de l’art. Auteur de L’empire du Kitsch (Klincksieck, 2010), Valérie Arrault est responsable du programme Pratiques plastiques contemporaines au sein du laboratoire RIRRA 21 (Université Paul-Valéry-Montpellier III), qui ambitionne sur une approche globale du fait culturel reposant sur la remise en cause des hiérarchies de type centre/périphérie
. Du Bourdieu des Règles de l’art (1994) sur un champ plus large. Co-auteur, Alain Troyas est lui aussi agrégé en arts plastiques et professeur à la même université où il a fondé en 1992 le département Arts plastiques.
Le reflet d’un monde
Utilisant sociologie, psychanalyse et histoire, Du narcissisme de l’art contemporain passe au crible les figures de proues de l’art contemporain en tant que miroir du renversement de valeurs opéré par un capitalisme postmoderne qui célèbre le vide, le banal, l’absurde, le déchet, le scatologique, le pornographique et le morbide
. Rien de moins. Elles sont à l’image d’un monde vide, où règnent le cynisme, l’opportunisme et l’égoïsme
, où l’individualisme s’inscrit en règle de l’art qui confine en un jeu de rôle lucratif. Elles sont le reflet régressif des Narcisses de l’art contemporain plongés dans la contemplation des imageries qu’ils fabriquent à la destination de riches collectionneurs alimentant des bulles spéculatives gonflées par des optimisations fiscales. La charge est d’importance contre cet art délivré des idéaux humanistes et de leur dimension progressiste
, qui épouse le projet du libéralisme libertaire, celui d’une classe sociale dominante, et non celui de tous
. La présence de l’idéologie venue d’outre-Atlantique et de l’individualisme à tout crin y est soigneusement dénoncée. Malgré l’abondance de notes, l’ouvrage n’en est pas moins accessible qu’à condition d’avoir quelques connaissances en matière d’art.