L’assurance maladie, un malade qui avance masqué ?

Protection Sociale par Françoise Lambert

« Cour des comptes Paris entrée » par TouNTravail personnel. Sous licence CC BY-SA 3.0 via Wikimedia Commons.

La Cour des comptes pointe des tours de passe-passe comptables qui éclipsent l’importance du déficit de l’assurance maladie. Elle prône des économies supplémentaires.

Son déficit est passé de -0,3 milliard d’euros en 2015 à -7 milliards en 2016. La Sécurité sociale va mieux, mais sa situation financière n’est pas encore assainie, estime la Cour des comptes. En témoigne l’annonce par le gouvernement d’un nouveau décalage, de 2019 à 2020, de l’objectif d’équilibre.

Dans son rapport annuel sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, publié le 20 septembre, les magistrats de la rue Cambon pointent des transferts financiers pour partie opaques entres branches et des jeux d’écriture comptables qui viennent minorer le déficit.

Le déficit de l’assurance maladie atteindrait 5,5 milliards d’euros en 2016 et non 4,8 comme affiché

Il en est ainsi d’un produit exceptionnel de CSG de 740 millions d’euros, qui n’aurait pas du être inscrit en recette de la branche maladie. Au total, le déficit de l’assurance maladie atteindrait 5,5 milliards d’euros en 2016 et non 4,8 comme affiché.
La Cour estime aussi que l’Objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) a été atteint au prix de biais croissants qui en affectent la sincérité. Les dépenses augmenteraient en réalité de 2,4% en 2017, au lieu des 2,1% affichés.

Des dépenses rattachées à l’année suivante

Parmi les artifices repérés par la Cour : des dépenses rattachées à l’année suivante ou d’autres qui sont sorties du périmètre de l’ONDAM. C’est notamment le cas d’une partie des dépenses de médicaments, qui ont été reportées sur un nouveau fond de l’innovation pharmaceutique pour un montant de 220 millions d’euros en 2017.

Les magistrats de la rue Cambon plaident en outre pour une maîtrise accrue des dépenses d’assurance maladie, en raison d’une concentration accrue des déficits sur la branche, qui en représente les deux-tiers. Des économies supplémentaires sur les dépenses s’avèrent nécessaires, insiste Didier Migaud.

Un défaut persistant de maîtrise des dépenses de soins de ville

Le président de la Cour des comptes rappelle que la progression des dépenses de santé risque de s’accélérer. En cause : les augmentations de tarifs accordées au professionnels de santé (médecins, pharmaciens, chirurgiens-dentistes…), les augmentations salariales dans la fonction publique hospitalière et un défaut persistant de maîtrise des dépenses de soins de ville.

La cour souligne notamment une croissance forte et continue sur le long terme des dépassements d’honoraires des médecins spécialistes installés en secteur 2 (honoraires libres). Pour y remédier, elle recommande notamment de limiter leur liberté d’installation, en rendant obligatoire des installations en secteur 1 (tarifs sécu) dans les zones sur-dotées en spécialistes.

Faire passer les besoins des assurés avant les exigences comptables

La Cour préconise en outre pour la chirurgie d’amplifier le virage ambulatoire, c’est-à-dire les interventions sans séjour à l’hôpital. il convient de faire passer les besoins des assurés sociaux avant les exigences comptables. FO y sera attentive, rappelle Jocelyne Marmande, secrétaire confédérale FO chargée de la Protection sociale.

Des économies sur les médicaments

La Cour des comptes estime également qu’il est possible de faire des économies sur les médicaments.

Elle recommande de prendre des mesures visant à limiter leurs coûts de distribution, qui ont atteint 8,3 milliards d’euros en 2015, soit près d’un tiers de la dépense des médicaments remboursables et même la moitié pour les génériques. La Cour préconise notamment de dissocier la rémunération réglementée des pharmacies du prix et du nombre de boites de médicaments.

Concernant les nouveaux traitements et leur prix très élevés, la Cour propose de rééquilibrer la position de négociation des pouvoirs publics face aux entreprises pharmaceutiques. Développer l’évaluation médico-économique des nouveaux traitements ou systématiser la révisions de produits anciens figurent parmi les pistes suggérées.

Françoise Lambert Journaliste à L’inFO militante