L’avaleur en valeur : j’irai cracher sur vos comptes

C’est le vautour des temps modernes, celui dont les ailes font bruisser d’aise certaines feuilles économiques converties à la prédation décomplexée : l’avaleur d’entreprises. Ses destructions, il les signe à la pointe de son stylo, il multiplie les zéros, l’OPA est son credo et le profit son Dieu. C’est le personnage de L’avaleur, pièce mise en scène par Robin Renucci, qui bénéficie de l’expérience et de la notoriété de cet acteur de cinéma, de télévision et théâtre, par ailleurs directeur, depuis 2011, des Tréteaux de France, centre dramatique national itinérant, dont le siège social se trouve à Pantin, en banlieue parisienne. C’est le second opus de la thématique lancée l’an dernier par le comédien autour des notions de « travail » et de « richesse », avec Le faiseur, d’après Honoré de Balzac. Une pièce écrite vers 1840 qui traitaient déjà des dérives du capitalisme financier sous Louis-Philippe, époque chérie des dieux de la finance où le chef du gouvernement d’alors, le libéral autoritaire Guizot, n’aurait eu à répondre à la misère d’alors que ces fameux mots : Enrichissez-vous. La pièce fut présentée, sous le titre Mercadet, en 1851, quelques mois avant le coup d’État de Napoléon III, prometteur de fin de paupérisme.

Le vol du vautour sur Cherbourg

L’avaleur est adapté du livre de l’auteur américain et ex-homme d’affaires Jerry Sterner (1938-2001) Other people’s money (L’Argent des autres). Écrit en 1989, l’ouvrage est adapté au cinéma par Norman Jewison en 1991. Le film sortira en France sous le titre Larry le liquidateur. Le livre, publié en France en 2000, a déjà fait l’objet de diverses adaptations en France. Cette version « renuccienne » se veut un questionnement non dépourvu de drôlerie sur les valeurs du monde de la finance. L’histoire se fonde sur l’attaque d’une entreprise de Cherbourg par un vautour américain, écumeur de grands fonds, qui a en ligne de mire une entreprise attirante car florissante, dont le P-DG, qui a donné vie à l’entreprise, croit en l’élargissement du bien-être général par l’industrie, aime son métier. Cet Avaleur représente ce que nous avons tous connu de ces repreneurs d’affaires, qu’elles soient en péril ou au contraire florissantes. Certains sont mêmes devenus ministres. Pour Robin Renucci, il faut toujours s’appuyer sur l’histoire : Adam Smith, Karl Marx... Les valeurs de solidarité, de partage, d’échange – ces valeurs qui font l’homme – traversent toutes les époques. Elles s’expriment d’ailleurs, souligne-t-il, dans le théâtre, qui est fait pour unir et rassembler, c’est l’une des valeurs du théâtre [...]. Dans la société, il existe d’autres valeurs que celle de dévorer… N’oublions pas que, dans le social, la richesse est l’humain. Est-on riche d’argent, ou est-on riche de beaucoup d’autres choses ?