L’emploi saisonnier peine à sortir de la précarité

Emploi et salaires par Clarisse Josselin, FGTA-FO

Photographie : F. Blanc (CC-BY-NC 2.0)

La loi Travail incite les branches qui emploient le plus de travailleurs saisonniers à négocier sur la reconduction des CDD d’une année sur l’autre. Elle facilite aussi le recours au CDI intermittent. Pour FO, ces mesures restent insuffisantes.

Dans les stations de ski, la neige tarde à tomber et un certain nombre de travailleurs se retrouvent sur le carreau. Sur les 17 000 saisonniers des remontées mécaniques, seulement 400 personnes sont sans emploi, selon Eric Becker, secrétaire fédéral à FO Transports chargé du secteur. Sans la production des canons à neige, ce seraient les trois quarts, précise-t-il. Certains salariés déjà embauchés bénéficient de l’activité partielle, un dispositif qui leur permet de percevoir une allocation financée par l’État et l’Assurance chômage.

Dans les autres secteurs, comme l’hôtellerie-restauration, c’est difficile à chiffrer, mais la situation est plus dure, poursuit-il. Des saisonniers louent déjà des appartements mais ne sont toujours pas embauchés.

En France, environ un million de personnes occupent un emploi saisonnier. La loi Travail prétend « sécuriser » cet emploi, dont elle donne pour la première fois une définition : l’exécution de tâches appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs.

Les négociations doivent être engagées avant le 9 février

La loi Travail demande aussi aux 22 branches où le travail saisonnier est particulièrement développé de négocier sur les modalités de reconduction automatique des CDD d’une année sur l’autre et la prise en compte de l’ancienneté dans la rémunération, sur le modèle du secteur des remontées mécaniques. La date butoir pour engager ces négociations est fixée au 9 février. Si aucun accord n’est trouvé en mai, le gouvernement prendra des mesures par ordonnance.

Le Premier ministre Manuel Valls a précisé que le secteur de l’agriculture, pourtant l’un des plus gros recruteurs de saisonniers, était exclu de l’obligation de résultat, compte-tenu des durées très courtes des contrats dans ce secteur.

Le courrier appelant à ouvrir ces discussions n’ayant été envoyés par le ministère du Travail que mi-décembre, les négociations n’ont pas démarré. Dans la branche des cafés-hôtels-restaurants, la question sera abordée pour la première fois en réunion paritaire le 13 janvier. Un groupe de travail dédié doit être mis en place pour avancer rapidement. Les employeurs veulent négocier pour ne pas être contraints par une ordonnance, explique Denis Raguet, secrétaire fédéral à la FGTA-FO. Nous allons saisir cette occasion pour améliorer les droits des saisonniers dans d’autres domaines.

Pas de prime de précarité

Eric Becker regrette que la loi ne soit pas plus contraignante et craint un vœu pieux. Les employeurs pourraient chercher à retarder les négociations au maximum pour attendre le prochain gouvernement, aucune pénalité n’est prévue, réagit-il.

Il revendique aussi une définition plus claire de la saison, avec une date de fin. Si le contrat est signé en fonction des besoins de l’entreprise, on risque d’avoir des abus dans le recours aux contrats très courts, prévient-il. Il souhaite également la mise en place d’une prime de précarité en fin de contrat, dont ne bénéficient pas les saisonniers.

Une autre nouveauté offerte par la loi Travail est la possibilité pour les employeurs de recourir, à titre expérimental jusqu’en 2019, au CDI intermittent (CDII), même en l’absence d’accord de branche ou d’entreprise. Ce contrat limité à quelques mois dans l’année se répète d’une année sur l’autre. Le travailleur embauché l’été et l’hiver perçoit un salaire lissé sur l’année, ce qui, selon le gouvernement, lui permet de trouver un logement ou contracter un prêt bancaire plus facilement.

Le CDI intermittent, une fausse bonne idée

C’est une fausse bonne idée, le saisonnier ne perçoit plus d’indemnités chômage en fin de saison, pour en sortir il faudra démissionner, c’est l’institutionnalisation de la précarité, estime Michel Beaugas, secrétaire confédéral FO chargé de l’emploi.

Eric Becker craint que le CDII ne vienne remplacer les contrats saisonniers, qui dans le secteur des remontées mécaniques, sont déjà « déprécarisés ». Ce contrat ne sert à rien si la personne est déjà régulièrement reconduite, estime-t-il. Et qui va aller vérifier que le saisonnier a bien deux contrats, l’été et l’hiver ? Quant à l’argument du prêt bancaire, le CDI ne fait pas tout, le banquier regarde le montant des revenus sur l’année.

Il regrette que la loi n’impose pas de durée minimale pour le CDII. Dans la branche des remontées mécaniques, on était presque parvenus à un accord sur 1 250 heures par an, explique-t-il. Mais les employeurs ont voulu au dernier moment que des contrats puissent avoir une durée inférieure, et la négociation a échoué.

Clarisse Josselin Journaliste à L’inFO militante

FGTA-FO Travailleurs de l’agriculture, de l’alimentation et des services connexes