L’iceberg des accidents du travail et maladies professionnelles

Protection Sociale par Eric Gautron, Secteur de la Protection sociale collective

© Jean-Claude MOSCHETTI/REA

Quand on parle des accidents du travail et des maladies professionnelles, il y a, comme pour l’iceberg, la partie émergée bien visible et tout un pan invisible.

C’est le cas pour le discours entendu sur le sujet : visiblement les accidents du travail diminuent nous disent les chiffres. Certes et heureusement car les métiers d’aujourd’hui et les conditions de sécurité n’ont plus rien à voir avec les années cinquante.

Mais ce qu’on dit moins, c’est encore toute l’importance des chiffres actuels : en 2021 il y a eu près de 90 000 accidents de trajets, 118 000 déclarations de maladies professionnelles et 600 000 accidents du travail.

Et ce chiffre terrible de 645 décès, qui place la France en position de lanterne rouge parmi tous ses voisins européens, doit nous interroger sur notre politique de prévention. Ainsi, quand la France affiche un taux d’accidents mortels du travail de 3,53 pour 100 000 travailleurs, l’Allemagne est à 0,79, tout près du plus bas taux européen des Pays-Bas (0,48).

La partie immergée ce sont aussi tous ces accidents du travail qui ne sont pas déclarés, soit par méconnaissance, soit volontairement. Car afficher trop d’accidents du travail pour une entreprise ça n’est pas bon, notamment pour son taux de cotisation qui augmente selon sa sinistralité. C’est ce que l’on appelle la sous-déclaration, et comme ce phénomène est bien connu, cela explique le transfert d’un milliard d’euros chaque année de la branche ATMP (Accidents du travail et maladies professionnelles) vers la branche maladie qui doit en supporter les coûts.

Et lorsqu’on parle de ces chiffres, ils n’incluent pas les accidents survenus dans la fonction publique d’État ou dans des régimes particuliers comme les cheminots, une autre partie immergée de notre iceberg.

L’autre phénomène observé cette fois pour les maladies professionnelles, c’est la sous-reconnaissance, c’est-à-dire la difficulté pour les malades de faire reconnaître que leur pathologie a été contractée au travail. Cette sous-reconnaissance s’explique aussi par le manque de volonté du côté patronal de reconnaître officiellement, par la création de nouveaux tableaux, de nouvelles pathologies telles que les risques psychosociaux.

Du côté politique, on entend des volontés d’améliorer les choses, on met en avant la prévention. Mais derrière les promesses se cachent malheureusement depuis plusieurs années des actes qui ne vont pas dans le bon sens : suppression des CHSCT (comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, diminution des moyens alloués aux contrôleurs de sécurité des CARSAT, diminution du nombre d’inspecteurs du travail et manque cruel de médecins du travail.

Qu’en sera-t-il aussi de cette partie immergée si le gouvernement veut encore allonger l’âge de départ en retraite ? Combien encore d’accidents, de maladies ou de décès pour tous ceux qui pourraient travailler encore plus longtemps après 62 ans ? Quelle espérance de vie en bonne santé au-delà de la retraite ? Quel sort fait en particulier aux femmes, qui représentent maintenant plus du tiers des accidents du travail.

Eric Gautron Secrétaire confédéral au Secteur de la Protection Sociale Collective

Secteur de la Protection sociale collective Le secteur de la Protection sociale collective prend en charge les sujets relevant de la Sécurité sociale et de ses branches, des politiques de prévention et de sécurité-santé au travail, des accidents du travail et des maladies professionnelles.