L’intervention de l’Etat pour garantir l’accès à un logement économiquement abordable

Les communications des secteurs par Secteur de l’Economie et de la Fiscalité, Secteur du Logement

Stephane AUDRAS/REA

Le livret Logement a été distribué lors du congrès confédéral de Rouen 2022. Il sera mis en ligne tout au long de l’été. 3e épisode : L’intervention de l’État pour garantir l’accès à un logement économiquement abordable.

3.1. Fondement et légitimité de l’intervention de l’état

La défaillance du marché privé détermine la notion de besoins dont la prise en compte s’impose à l’action publique. L’état doit donc se donner les moyens de les connaître afin de prendre en compte toute la demande dans toute sa diversité, et pour intervenir avec pertinence sur la production (l’offre). C’est l’enjeu social lié aux besoins non satis- faits par le marché qui impose à l’état d’intervenir. Cet enjeu se traduit aujourd’hui au niveau institutionnel, par l’existence de toute une série d’institutions, dont un ministère du Logement mais également l’USH (Union sociale pour l’habitat).

Aperçu des enjeux sociaux de l’interventionnisme de l’état



Accroissement du volume de l’offre sociale (construction neuve, acquisition et rénovation d’immeubles...)
Sauvegarde et pérennisation de l’accessibilité économique de l’offre sociale Promotion de la qualité de l’offre sociale et standardisation de la qualité Régulation et action sur les prix
Rénovation du parc social et innovation Garantie face aux risques
Préservation du principe d’égalité et de non-discrimination Préservation du pouvoir d’achat
Lutte contre l’exclusion Amélioration des conditions de vie et de travail élimination de l’insalubrité et du mal logement...

Une inscription au Budget national

La sanctuarisation de moyens financiers par l’état s’est accompagnée par la constitution d’un cadre règlementaire dans lequel œuvrent les organismes qui produisent et gèrent les logements sociaux (fédérés dans l’USH). La régulation par l’état a permis la constitution d’un patrimoine collectif avec un statut spécifique, fort aujourd’hui de cinq millions de logements.

Les moyens financiers sont votés chaque année dans les missions et programmes particuliers de la loi de finances annuelle ou indirectement par la loi de finances de la Sécurité sociale (pour les aides aux personnes). L’état fixe un objectif de production de logements neufs par an, parmi lesquels un certain

nombre de logements sociaux (110 000 logements agréés dont 40 000 logements PLAI dans le pacte d’investissement signé entre l’état et le secteur du logement social pour les années 2020 à 2022) (voir plus loin).

Un secteur locatif privé en dehors des radars

Toutefois, pour qu’une régulation dans le secteur de l’immobilier soit efficace et que le pouvoir d’achat soit préservé durable- ment, elle doit s’imposer également au secteur privé.
Source : Insee, estimations annuelles du parc de logements au 1er janvier 2020.
[…] « Le secteur locatif privé est majoritaire en France : un logement sur cinq relève du secteur locatif privé et en 2020, la France (hors Mayotte) compte 30 231 milliers de résidences principales. Ces dernières représentent 81,7% de son parc et ont augmenté de 1,1% en moyenne par an depuis 1982. » […]

Or, malgré des lois qui ont réussi à rééquilibrer le rapport entre locataire et bailleur privé, comme la loi Quillot de 1982 (voir plus loin), le secteur privé est laissé, dans les faits, en roue libre.

L’état laisse le décrochage entre revenus et prix du bail privé se poursuivre. Une situation qui se traduit le plus souvent par une ponction intolérable sur le pouvoir d’achat des particuliers, surtout en zones tendues, là où il y a pénurie de logements sociaux.

Cette ponction constitue non seulement une aberration économique mais égale- ment un grave facteur de déséquilibre et de discrimination économique. En France, les timides mesures prises par l’état en direction du locatif privé (mise en place à mini- ma d’un encadrement des loyers ou d’une baisse volontaire des loyers au moment de la création de la Réduction du loyer de solidarité en 2018) restent bien en deçà d’une action significative.

La mobilisation insuffisante de l’état rate également un autre objectif essentiel : l’éradication du mal logement et du sans-abrisme, qui nécessite pourtant de sortir impérative- ment de la logique du stop and go et du seul traitement émotionnel.

Face à un marché privé défaillant, la garantie de l’intérêt général in- combe à l’état

L’interventionnisme de l’état, afin de ré- pondre aux besoins et à la diversité de la demande, se doit de conférer au marché du logement social une primauté et une place privilégiée en le situant en dehors des critères du « marché unique » et des logiques de rentabilité à court terme de l’immobilier privé.

Au cœur de la nécessité de l’interventionnisme de l’état : la défense du pou- voir d’achat et la sécurité juridique des locataires.

La reconnaissance de la mission d’intérêt général du logement social constitue une avancée considérable pour la justice sociale et la sécurité juridique des locataires et des allocataires. Elle s’est traduite concrète- ment par l’adoption d’un bail spécifique : à durée indéterminée (contrairement au bail en locatif privé) et par une représentation des locataires.

Source : Dalloz, Le bail dans le logement social [...] « La durée d’un bail pour un logement social est fixée pour une durée indéterminée. Cependant, il peut être résilié par le bailleur, en cas de non-respect de certaines règles ou conditions. »

Source : USH, La représentation des locataires, quelques dates clés.
[…] « La loi SRU (Solidarité renouvellement ur- bain) du 13 décembre 2000 permet le congé représentation pour siéger au conseil d’administration. L’article 143 prévoit : L’employeur est tenu d’accorder au salarié siégeant au conseil d’administration ou au conseil de surveillance d’un organisme HLM le temps nécessaire pour participer aux séances plénières de cette ins- tance. Si du fait de sa participation, le salarié connaît une diminution de sa rémunération, il reçoit de cet organisme une indemnité com- pensant, sous forme forfaitaire, la diminution de sa rémunération.
Par la loi Borloo du 2 juillet 2003, les représentants des locataires dans les sociétés anonymes d’HLM détiennent au moins 10% des droits de vote, indépendamment de la quotité de capital détenu. Le total des droits de vote des établisse- ments publics et collectivités territoriales et des représentants des locataires mentionnés est égal au tiers des voix plus une. Les trois actionnaires qui représentent les locataires participent aux assemblées générales et siègent au conseil d’ad- ministration ou de surveillance. » […]

Le système de financement et le modèle économique spécifiques du loge- ment social constituent des leviers de régulation à préserver.

Ils imposent :
• l’incompatibilité entre la mission d’intérêt général du logement social et une nouvelle orientation capitalistique et entrepreneuriale des organismes de logement social, qui fait pourtant son chemin dans certaines entités du mouvement HLM à la recherche de nouvelles sources de financement après l’impact négatif qu’ont eu les dispositions législatives les plus récentes sur leurs ressources ;
• le respect du principe de non-lucrativité qui bloque la pénétration, par le biais d’une réforme de l’actionnariat, du secteur immobilier privé, toujours à la recherche de nouveaux « gisements » de plus-values à conquérir.

3.2. L’action publique : lois et moyens financiers

Les moyens de l’état ne sont pas que financiers, ils sont également constitués d’outils juridiques qui vont définir au niveau national un certain nombre de règles auxquelles doivent se soumettre les acteurs du secteur qui sont producteurs et gestionnaires des logements sociaux. Ces règles vont venir fixer leur statut et le cadre dans lequel seront exercées leurs missions.

a – Une évolution significative du droit au logement et de la politique du logement

1894 : La loi Siegfried encourage la création d’organismes d’habitations à bon marché (HBM).

1949 : Après la guerre, une loi crée les Habitations à loyer modéré (HLM).

1950 : Atonie du secteur privé, intervention de l’état par la Loi Minjoz de 1950 : finance- ment des logements locatifs sociaux par les Caisses d’épargne. L’épargne populaire finance le logement social.

1953 : Création du « 1% ». Suite à une loi portant redressement économique et financier, un décret impose la Participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC, le « 1% »). La collecte de la PEEC, salaire différé, est calculée sur la masse salariale, et sera gérée paritairement par les organisations syndicales de salariés et les représentants des employeurs au sein des CIL (Comités interprofessionnels du logement) présents dans chaque département. Les CIL vont constituer ainsi le premier réseau du 1% (voir plus loin).

1977 : La loi Barre réforme le financement du logement social : cette réforme inaugure un désengagement financier de l’état sans précédent. L’état choisit de réduire considérablement les aides à la pierre, le taux de subvention passant de 20% à 12% de 1978 à 1993 (de 43 milliards de francs à 28 milliards) pour donner la priorité aux Aides personnelles au logement (APL) (voir plus loin).

1982 : La loi Quillot instaure le droit fondamental à l’habitat comme co-fondement du rapport locatif et du droit de propriété.

Rappel : droit au logement et droit de propriété
La consécration légale du droit au logement est tardive et sa portée reste toujours relative car la revendication d’un droit au logement s’accompagne d’une contestation du droit de propriété.

1990 : La loi Besson, visant à la mise en œuvre du droit au logement précise que « le droit au logement constitue un devoir de solidarité pour l’ensemble de la nation » et que : « toute personne ou famille éprouvant des difficultés parti- culières, en raison notamment de l’inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d’existence, a droit à une aide de la collectivité, dans les conditions fixées par la présente loi, pour ac- céder à un logement décent et indépendant ou s’y maintenir. » […]

1991 : Loi LOV (Loi d’orientation pour la ville) Article 1er : « La loi doit assurer à tous les habitants des villes des conditions de vie et d’habitat favorisant la cohésion sociale et de nature à éviter ou à faire disparaître les phénomènes de ségrégation. Cette politique doit permettre d’insérer chaque quartier dans la ville et d’assurer dans chaque agglomération la coexistence de diverses catégories sociales. » Introduction de l’objectif quantitatif de 20% de logements sociaux par commune et du principe de mixité sociale, point cardinal de tout développe- ment urbain.

1995 : La jurisprudence du Conseil constitutionnel en 1995, reconnaît que « la possibilité pour toute personne de disposer d’un logement dé- cent est un objectif à valeur constitutionnelle » et relève du principe à valeur constitutionnelle de « sauvegarde de la dignité humaine contre toute forme de dégradation » dégagé en 1994.

2000 : La loi Solidarité et renouvellement urbain (SRU) réaffirme avec force la nécessité de développer le secteur du logement locatif social, le rôle central des organismes HLM au service du droit au logement et de la mixité sociale. La loi fixe un objectif de 20% de logements sociaux (porté à 25% à échéance de 2025 par la Loi Duflot de 2013 avec un quota de logements très sociaux) dans les communes de plus de 50 000 habitants par un mécanisme d’incitation-coercition et confie aux préfets la fixation d’objectifs triennaux de construction ou de création à partir de bâtiments existants. La loi soulève de fortes oppositions dans l’hémicycle.

Des objectifs non atteints pour près de la moitié des communes déficitaires (dont le pourcentage de logements sociaux est inférieur à celui prévu par la loi SRU), depuis 2002, par plans triennaux.

Livret logement



* à partir de 2014, le loi Duflot de janvier 2013 a réhaussé les objectifs de 20% à 25% de logements sociaux, reporté l’échéance de 2020 à 2025 et imposé des critères quantitatifs.
Source : ministère du Logement

Un bilan mitigé
Même si le bilan peut paraître positif (870 000 logements construits entre 2000 et 2019 dans les communes qui en manquaient), et que la loi SRU est épargnée par une certaine fraction du Parlement, de multiples contournements permettent aux maires de satisfaire à l’obligation chiffrée sans accueillir aucune famille en créant par exemple du social haut de gamme, des logements étudiants, des Ehpad... Ailleurs, le conventionnement peut servir à faire basculer dans le régime HLM des chambres d’étudiants...

2007 : Loi instituant le droit au logement opposable (DALO). La loi impose désormais une obligation de résultat et non plus une simple obligation de moyens. Celle-ci est à la charge de l’état et le droit au logement opposable doit permettre aux personnes défavorisées prioritaires dans l’attribution d’un logement de pouvoir non seulement saisir la commission de médiation mais aussi d’engager un recours devant la juridiction administrative en cas d’avis favorable de la commission non suivi d’effet dans un délai raisonnable.

2009 : La loi MOLLE (loi de Mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion) marque un coup d’arrêt de la contractualisation entre le 1% géré à l’époque par l’UESL (Union des employeurs et des salariés pour le logement) et l’état pour la définition des emplois de la PEEC. L’état s’arrogeant unilatéralement le droit d’en définir les emplois par voie règlementaire.
Source : ANIL (Agence nationale pour l’information sur le logement).

[…] « La loi du 25 mars 2009 contient plusieurs dispositions à caractère fiscal ou financier, dont certaines sont conjoncturelles. Elle touche l’ensemble des secteurs du logement, parc privé et parc public, l’organisation, le statut ou le champ d’intervention d’acteurs tels que le 1% Logement, les organismes de logement social, l’Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU), l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), ou les associations agissant en faveur du loge- ment des personnes démunies. »

[…] « L’article 8 de la loi, qui procède à une réforme substantielle du 1% Logement, traduit au niveau législatif les orientations fixées notam-ent par le conseil de modernisation des politiques publiques du 4 avril 2008 pour la rénovation de la Participation des employeurs à l’effort de construction et de sa gouvernance en vue de réorienter l’utilisation des ressources vers les politiques prioritaires dans le domaine du logement et de limiter les coûts de gestion. […] La définition des catégories d’emplois des ressources issues de la PEEC (versement des employeurs et remboursement de prêts notamment), mais également des montants qui leur sont consacrés, qui relevait principalement jusque-là d’accords passés entre les partenaires sociaux et l’état relève désormais de l’état dans un cadre législatif et réglementaire. » […] (voir plus loin)

2014 : La loi ALUR, ou loi pour l’Accès au loge- ment et urbanisme rénové, le 26 mars 2014, marque un retour au conventionnement entre le 1% (Action Logement) et l’état pour la définition des emplois de la PEEC.

2018 : Année charnière : inauguration d’une « nouvelle politique publique du logement »
• Préambule à cette nouvelle politique : l’an- nonce par le gouvernement à l’été 2017 d’une baisse des différents régimes des aides au logement, aussi bien dans le secteur social que dans le secteur privé.
• La baisse est imposée unilatéralement aux bailleurs sociaux et concerne les APL que les bailleurs sociaux perçoivent en tiers payant et s’accompagne d’une baisse des loyers du parc social par la Réduction du loyer de solidarité (RLS).
• Les bailleurs privés, quant à eux, sont « in- cités » à baisser leurs loyers sur la base du volontariat.
• La réduction des aides au logement de 5 euros, avait comme objectif de faire 1,5 milliard d’économies par le biais de la RLS intégrale- ment à la charge des bailleurs sociaux.

Ces mesures ont été intégrées à la loi de finances 2018 et susciteront la mobilisa- tion du mouvement HLM qui entamera une négociation avec l’état, aboutissant à une clause de revoyure.

2018 : Loi ELAN - Loi évolution du logement et aménagement numérique

Voir aussi circulaire confédérale n°96-2018,
« une loi qui, sous couvert d’efficacité, veut faire table rase du passé et proposer un nouveau modèle économique du logement social. »

b – Focus sur l’impact d’une des mesures phares de la réforme : la RLS (Réduction du loyer de solidarité)

Source : Politique du logement, D. Hoorens. Le modèle économique du logement social
« C’est une baisse de loyer appliquée obligatoire- ment par les organismes de logement social au bénéfice des ménages respectant un plafond de ressources. Elle est fonction d’un zonage et de la composition familiale, par exemple 31,83 euros par mois pour une personne seule en zone 1. Elle s’accompagne d’une baisse quasi égale – avec un coefficient de 0,98% – de l’APL du ménage concerné. Dans le cas cité, il y aura donc perte de recettes de 31,83 euros pour l’organisme, une moindre dépense d’APL pour l’état de 31,19 euros et un gain financier relativement marginal de 0,62 euros pour le locataire.
Par ce biais, la recherche d’économie par l’état est de 800 millions d’euros en 2018 et 2019 et 1,5 milliard en 2020.

En 2018 et 2019, le relèvement du taux de TVA de 5,5% à 10% sur la majeure partie des investissements réalisés par les organismes de logement social apportera 700 millions d’euros en plus à l’état.

Ce qui fait qu’au total, 1,5 milliard d’euros est mis à la charge des organismes en 2018, 2019 et 2020.

Cette réforme est loin d’être marginale puisque ,5 milliard d’euros représente environ 9% des loyers actuels perçus par les organismes HLM et 20% de l’APL bénéficiant aux locataires du parc HLM. »

c – Le cas particulier des OPH (Offices publics de l’habitat), un des principaux bailleurs sociaux

Source : Maire Info, vendredi 13 juillet 2018 […] « La Fédération des Offices publics de l’habitat (FOPH) a averti, mercredi, des premiers effets de la mise en œuvre de la baisse des APL et de sa compensation par les bailleurs sociaux. En application de la loi de finances pour 2018, la réduction du loyer de solidarité (RLS) est appliquée depuis juin et permet ainsi de compenser grâce aux bailleurs sociaux la baisse de 5 euros d’APL pour leurs allocataires. L’impact ne s’est pas fait attendre puisque, selon la Fédération des OPH, il se traduit par “une baisse des résultats d’exploitation et de leurs capacités d’autofinancement d’ores et déjà mesurables”. Selon une enquête qu’elle a menée en mai auprès de ses adhérents, “66% des offices ayant répondu et représentant la moitié du patrimoine déclarent qu’ils vont diminuer leur programme d’entretien par rapport à 2017 de - 8,3% en moyenne en 2018, - 10,33% en 2019 et - 10,4% en 2020”.

De plus, “41% d’entre eux diminueront le mon- tant de leurs investissements dans l’offre neuve entre 2017 et 2020 et 45% prévoient le gel des embauches ou le non remplacement des dé- parts en retraite et/ou le gel des salaires”.

En outre, les mesures de compensation tardent à être effectives et ne sont “pas à la hauteur des enjeux de la transformation du logement social”, selon la fédération puisque ces compensations ne permettraient pas, en l’état, aux offices HLM de “mener à bien leurs missions”. Concernant la diminution des résultats d’exploitation, la fédération avance que, d’une part, “les effets du maintien du taux du Livret A ne seront pas aussi massifs et rapides que ceux de la RLS” et, d’autre part, “la restructuration du tissu

des organismes risque d’alourdir les dépenses à court terme”.“Dès lors, réduire les charges courantes nécessitera une diminution des dépenses d’entretien nuisant à la qualité du service rendu aux locataires et au maintien des bâtis en état correct, au risque d’accélérer ou d’alourdir les besoins en réhabilitation ultérieurs”, prévoit-elle. Pour ce qui est de la baisse des capacités d’autofinancement, censée être compensée par un recours supplémentaire à l’endettement et à un accroissement des ventes, la fédération estime qu’il “n’est pas aisé et ne peut connaître une forte accélération”. “Comme les calendriers des effets de la RLS et des compensations ne coïncident pas, les dépenses en cours doivent être atténuées par un allongement de dette qui apparaît en définitive comme un report de charges, et une nouvelle forme d’endettement”, affirme- t-elle. La Fédération des OPH en conclut donc que “la baisse de la dépense d’APL de l’état qui réduit par ce biais son déficit a pour corollaire une hausse de la dette du secteur HLM”.

Par ailleurs, la mesure visant à lisser la cotisation versée par les bailleurs sociaux à la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) pour les accompagner dans leur restructuration serait insuffisante. “Aujourd’hui, les cotisations que versent les bailleurs sociaux à la CGLLS ont déjà été lissées”, rappelle la fédération qui sou- ligne que “cette rapidité dans l’exécution ne peut s’établir que sur la base d’une modélisation qui ne prend pas en compte la réalité de la RLS, notamment les disparités dues au zonage ou aux compositions familiales”. » […]

Dès l’annonce de la baisse des APL en 2017 et des dispositions traduites dans la loi ELAN et la loi de finances 2018, Force Ouvrière a soutenu la mobilisation du monde HLM et du syndicat FO Habitat et leur opposition à ces mesures.

3.3. Aperçu et chronologie des réactions à la réforme

Depuis 2018, un réaménagement d’ampleur du secteur du logement social est mis en place. Il s’accompagne d’une réforme forcée du mouvement HLM et de pressions exercées sur Action Logement, organisme paritaire et une des ressources du logement social.

Ces bouleversements débutent avec la loi ELAN et la loi de finances 2018 et impactent le modèle économique et le système de financement du logement social en imposant une sévère réduction des ressources des OLS (Organismes de logement social). Ils prévoient également des mutations dans l’organisation des bailleurs en les contraignant à se regrouper. Ces réformes s’accompagnent d’un désengagement financier de l’état sur les aides à la pierre, d’importantes ponctions de l’état sur les ressources d’Action Logement et d’une remise en cause de sa gouvernance, voire de son existence.

La mobilisation du monde HLM

Les pertes de recettes dues à la baisse des loyers par la RLS ont touché les bailleurs sociaux en fragilisant les plus sociaux d’entre eux. Face à la mobilisation de l’USH, le gouvernement accepte d’ouvrir une négociation.

Source : USH, 2019
[…] « La loi de finances pour 2018 a introduit l’application d’une Réduction de loyer de solidarité (RLS) à compter du 1er février 2018 et a prévu, en parallèle, une baisse d’APL à peu près équivalente pour les ménages concernés.
Cette mesure, qui permet de diminuer les dé- penses d’APL pour l’état, se traduit par une perte de recette locative pour les bailleurs. Les réductions de dépenses d’APL sont fixées respectivement pour 2018, 2019 et 2020 à 800 millions d’euros, 800 millions d’euros et 1,5 mil- liard d’euros.

[…] Le Comité exécutif de l’Union sociale pour l’habitat, réuni mercredi 24 avril 2019 en session extraordinaire, a approuvé à la majorité la “conclusion de la clause de revoyure pour le logement social, et les engagements des parties sur la période 2020-2022.” […] Cette clause de revoyure a été engagée aux vues des indicateurs très inquiétants de la production de logements sociaux et plus généralement du secteur du loge- ment : -15% d’agréments de logements sociaux en deux ans, recul des mises en chantier dans l’ensemble du secteur du logement de 7% en 2018, recul de 7% des permis de construire...

Les conclusions de cette clause de revoyure prévoient notamment de limiter pour trois ans l’impact sur l’exploitation des organismes HLM à 950 millions par an, à travers :

  une baisse des APL, compensée par les organismes HLM, pour les locataires du parc social de 1,3 milliard d’euros ;
  une baisse des cotisations des organismes HLM au Fonds national des aides à la pierre pour 300 millions d’euros par an ;
  des remises, à hauteur de 50 millions d’euros par an sur les intérêts de la dette des organismes HLM auprès de la Caisse des dépôts ;
  ramener le taux de TVA à 5,5% sur le PLAI, les opérations menées dans le cadre de l’ANRU et dans les logements PLUS en acquisition-amélioration ;
  diverses mesures financières de soutien au secteur : aides à la démolition en zones détendues, titres participatifs, allongement des prêts fonciers en zones tendues...
  pérenniser le dispositif de “logements accompagnés” lancé en 2014 par le Mouvement HLM et développer l’accompagnement social des locataires les plus fragiles.

L’Union sociale pour l’habitat souligne l’apport financier important d’Action Logement et de la Caisse des dépôts, ainsi que le travail partenarial réalisé avec eux et l’AMF, France urbaine, l’AdCF, la Fédération française du Bâtiment, la Fondation Abbé Pierre pour trouver une issue à la situation provoquée par la baisse massive des APL pour les locataires du parc social, compensée par les organismes HLM, et par la hausse de la TVA sur la construction et la rénovation, décidées dans le cadre de la loi de finances 2018 et confirmées en 2019. Cet accord, prévu pour la période 2020-2022, prévoit également d’accélérer le rythme des rénovations thermiques dans le parc social. » […]

3.4. Impact de la nouvelle politique publique du logement : une atonie générale de la construction

Source : Rapport du Compte du Logement 2020
[…] « En 2020, le rapport annuel du Compte du Logement indique que la dépense de l’ensemble des agents économiques dans le domaine du logement diminue fortement s’expliquant essen- tiellement par une chute de l’investissement en logement, qui s’accompagne d’un ralentissement de la progression des dépenses courantes. La production de logements neufs connaît une dimi- nution exceptionnelle, tandis que les acquisitions dans l’ancien ont connu une meilleure reprise après le premier confinement national. » […]

Production du logement social : une tendance nettement orientée à la baisse en 2020 et 2021

Source : France urbaine, 11 février 2021
[…] « L’année 2020 s’est terminée sur un bilan préoccupant des agréments et de la construction de logements sociaux, notamment en régions PACA et Île-de-France. Seulement 87 501 agréments de logements sociaux ont été délivrés l’an passé, en net recul par rapport à 2019, en particulier dans les métropoles en zones A et B1 ainsi que dans les territoires réputés déficitaires au titre de la loi SRU. à noter qu’il s’agit du résultat le plus bas enregistré depuis 2010 et 2020 marque la quatrième année de baisse consécutive des agréments de logements sociaux. »

Selon l’Union sociale pour l’habitat (USH), qui fédère les organismes HLM, les agréments pour 2021 – c’est-à-dire les autorisations de construction et de financement pour les an- nées à venir – devraient tourner autour de 95 000 unités, loin du pic de 123 000 atteint en 2016.

3.5. Un risque de fracture au sein du mouvement HLM

Tribune de Frédéric Paul, ancien directeur général de l’Union sociale pour l’habitat (entre 2013 et 2018), dans News Tank, le 2 novembre 2020

[…] « La division par deux de l’autofinance- ment des organismes dont on sait qu’il est in- dispensable pour que les organismes puissent produire dans des conditions financièrement équilibrées, plus de 100 000 logements par an et investir plus de 15 milliards d’euros par an dans le patrimoine existant n’a peut-être pas seulement pour but de compenser la baisse des APL dans les logements sociaux. Elle peut avoir comme finalité profonde de rendre indispensable, si l’on veut maintenir le niveau d’activité des organismes, le recours aux investisseurs privés...comme certaines composantes du monde HLM le souhaitent.

Les moyens d’action du logement social ont donc été affaiblis. Alors que la crise sanitaire impose au fil des mois plus de restrictions, plus de pauvreté, plus de précarité, plus de pertes d’emplois, que les plus touchés y compris dans le domaine du logement sont bien évidemment ceux déjà les plus en difficultés... Cette situation d’affaiblissement du logement social est le résultat de la rencontre d’une volonté (volonté politique néo-libérale, celle d’Emmanuel Macron) et des circonstances (l’état d’incertitude culturelle dans lequel se trouve le mouvement HLM). »

3.6. Le plan France Relance s’avère insuffisant

Source : USH
« France Relance : des aides à la rénovation énergétique des logements sociaux mais pas de choc de l’offre.
[…] Dans le cadre du plan de relance 2021- 2022 baptisé France Relance, présenté le 3 septembre 2020 par le gouvernement, une enveloppe de 500 millions d’euros est dédiée à la réhabilitation du parc locatif social.
Le plan de relance de l’économie, face à la crise sanitaire, s’est traduit dans la loi de finances 2021 mais a favorisé davantage la rénovation, abandonnant l’objectif de “choc de l’offre” qui avait été souhaité par l’adoption de la loi ELAN de 2018. La loi prévoyant également la mainmise sur les ressources d’Action Logement. » […]

Source : Rapport 2021 de la Fondation Abbé Pierre
« Une occasion manquée : un plan de relance qui ne mise pas sur la production de logements. […] La crise aurait pourtant pu constituer une occasion de privilégier la production HLM mais ce n’est pas le choix qui a été fait. Plutôt que d’aider les bailleurs sociaux, acteurs centraux de l’aide aux ménages précarisés par la crise, le gouvernement a fait le choix de maintenir le prélèvement de la RLS à hauteur de 1,3 milliard d’euros par an. » […]

Projet de loi de finances 2021 : une mobilisation du monde HLM souhaitée par le ministère du logement... mais avec un engagement financier de l’état en point d’interrogation.

Source : Assemblée nationale
Déclaration de Emmanuelle Wargon, ministre déléguée chargée du Logement, sur la mission « Cohésion des territoires » du budget pour 2021, à l’Assemblée nationale le 6 novembre 2020.
[…] « Concernant le logement social, les objectifs de production sont maintenus, en 2020 comme en 2021, à hauteur de 110 000 logements agréés dont 40 000 logements PLAI – financés par le prêt locatif aidé d’intégration –, en s’appuyant sur les moyens mis en oeuvre dans le pacte d’investissement signé entre l’état et le secteur du logement social pour les années 2020 à 2022. Je mobilise en ce moment même l’ensemble des parties prenantes – bailleurs sociaux, collectivités et services instructeurs de l’état – pour atteindre cet objectif ambitieux mais d’une importance capitale. » […]

2021 : L’Union sociale pour l’habitat et Action Logement signent un protocole avec l’état pour favoriser la relance de la production de logements sociaux.

Source : USH
Signature d’un protocole en faveur de la relance de la production de logements sociaux en 2021 et 2022.
[…] « L’Union sociale pour l’habitat, la Fédération des Entreprises sociales pour l’habitat, la Fédération des Coop’HLM, Procivis et la Fédération nationale des Associations régionales d’organismes HLM ont signé vendredi 19 mars 2021 avec la ministre du Logement, Action Logement, la Banque des territoires, en présence du président du FNAP (Fonds national des aides à la pierre) un protocole dont l’objectif est de relancer la production de logements sociaux en 2021 et 2022. Ce protocole fixe un certain nombre d’engagements, notamment financiers, destinés à relancer la dynamique d’agréments de logement sociaux qui a connu, en 2020, une quatrième année de baisse consécutive, passant sous la barre symbolique des 100 000 agréments. »

Source : France urbaine
[…] « Le budget rectificatif adopté par le FNAP (Fonds national des aides à la pierre) (voir plus loin) pour 2021 vise un objectif audacieux, ce- lui fixé récemment par la ministre déléguée au Logement, d’agréer 250 000 logements sociaux
en 2021 et 2022 (dont 90 000 PLAI). Les ressources d’Action Logement ont été mobilisées en ce sens, sachant que les reliquats des crédits du FNAP non-consommés pour l’exercice 2020 (en raison de la crise sanitaire) ont été intégrale- ment reversés au budget 2021. »

3.7. Une autre pression sur notre modèle de logement social, celle de la Cour des comptes

Dans le concert des voix qui contribuent au procès en inefficacité des bailleurs sociaux, la Cour des comptes n’est pas en reste. Au fil de ses rapports, la Cour continue de formuler de sévères critiques sur la gestion du logement social par les OLS. La Cour souligne l’absence de maîtrise des dépenses de la politique publique du logement et désigne trois causes : une offre insuffisante dans certaines zones, le fait que les logements sociaux ne remplissent plus leur mission d’intérêt général, et la dilution des prestations sociales.

Ce rapport de la Cour de juin 2021 (Différencier, cibler et simplifier les outils de la poli- tique du logement) fait référence à une « spécialisation » du logement social et incite à un recentrage sur les publics les plus défavorisés. Une vision du logement social qui s’inspire du modèle existant au Royaume- Uni, également défendu par la Commission européenne, au détriment du principe de mixité sociale, adopté par le modèle français. Plus radical encore : la Cour souhaite la mise en place d’un nouveau statut pour le bail du locataire du parc social et invite à amplifier les réformes (notamment celle de l’APL).

L’Union sociale pour l’habitat a dénoncé la volonté d’organiser encore une fois la mise à bas du modèle français de logement social et de vouloir remettre en cause le principe d’un bail à durée indéterminée.

Source : USH
[…] « L’USH a rappelé que 60% des locataires logés en HLM ont des revenus inférieurs à 60% des plafonds de ressources, qu’un tiers des locataires ont des ressources en-dessous du seuil de pauvreté et que la moitié des attributaires se situent en-dessous de ce seuil, établi à environ 1 000 euros par mois. Concernant la faible rotation dans le parc social, “celle-ci ne tient pas à la sécurité qu’offre le bail en parc social mais est directement liée au manque de logements économiquement abordables dans le secteur privé et aux exigences des bailleurs privés”. » […]

 Voir en ligne  : https://www.force-ouvriere.fr/le-lo...

Secteur de l’Economie et de la Fiscalité Le secteur de l’Economie et de la Fiscalité suit particulièrement les politiques et filières industrielles et de services, ainsi que les politiques budgétaires et fiscales.

Secteur du Logement Le secteur du Logement assure le suivi des politiques liées au logement social.