L’oeuvre culturelle de la Commune de Paris

1871-2021 par Christophe Chiclet, L’inFO militante

Gustave Courbet. Ateliers Nadar, Public domain, via Wikimedia Commons

La Commune s’est occupée de sa défense, du bien-être des travailleurs, de l’émancipation des femmes. Elle a voulu œuvrer aussi pour l’éducation et la culture.

La participation des artistes dans la Commune fut très importante et à tous les niveaux. Sur les 81 membres élus du Conseil, 9 étaient des artistes. On en retrouve aussi des centaines (plasticiens et du spectacle) dans tous les secteurs. Ils sont nombreux dans la garde nationale. Le sculpteur Delorme deviendra colonel. Il sera fusillé le 30 mai 1871. À la mairie du XIe arrondissement, c’est le sculpteur Charles Capellaro (1826-1899) qui organise la crémation symbolique de la guillotine. Le caricaturiste Georges Pilotell (1845-1918) devient même commissaire de police communard.

Ils créent deux fédérations artistiques, celle des plasticiens, animée par le peintre Gustave Courbet (1819-1877) et le sculpteur Jules Dalou (1838-1902), et celle du spectacle, dirigée par le chanteur typographe Jules Pacra (1832-1917).

Gustave Courbet, connu entre autres pour son tableau « L’origine du monde » (1866) [1], écrit à ses parents le 30 avril 1871 : Paris est un vrai paradis ! Point de police, point de sottise, point d’exaction d’aucune façon, point de dispute. Il faudrait pouvoir rester toujours comme cela [2].

Le projet mis en place par Courbet est de donner une totale liberté de création aux artistes. Il se souvient du refus du pouvoir impérial de présenter 3 000 œuvres au Salon de 1863, dont « Le déjeuner sur l’herbe » de Manet, cela conduira à la création du « Salon des refusés ».

À travers sa Fédération artistique, il donne la direction de l’école des Beaux-Arts, la gestion des musées, des expositions et l’éducation artistique aux seuls artistes. Courbet déclare établir le gouvernement du monde des arts par les artistes. Des assemblées générales d’artistes ont lieu régulièrement à l’École de médecine.

Éducation et arts

À noter toutefois que les actions des artistes (plasticiens et spectacle) étaient placées sous le contrôle du délégué à l’Enseignement de la Commune, le blanquiste Édouard Vaillant. C’est lui qui devait valider les nominations des conservateurs de musées proposées par la Fédération de Courbet et valider aussi les propositions financières de la Commission. C’est Vaillant qui propose la socialisation des théâtres privés pour les donner aux associations d’artistes du spectacle (décret voté le 19 mai 1871).

Deux jours avant l’entrée des Versaillais dans Paris, le Conseil de la Commune a passé deux heures à parler de culture. La Fédération des artistes a rouvert le Louvre, récupéré des œuvres dans les palais impériaux pour les exposer dans les musées publics.

Courbet fait protéger les œuvres d’art pendant le siège des Prussiens. Les Versaillais lui feront donc un mauvais procès en l’accusant d’être le responsable de la destruction de la colonne Vendôme. Il n’était même pas présent lors du vote de sa destruction. Mais il est condamné à verser plus de 300 000 francs. Il n’en versera que 12 000 car après six mois de prison, il s’exile en Suisse.

Pour ces artistes communards, la culture, prise dans sa plus grande diversité, ne devait pas être un luxe réservé à une élite, mais un bien commun. Et l’école communale devait être le vrai musée de toutes les sciences et de tous les arts, suivant une expression de la Fédération.

Dans le domaine des spectacles, des grands concerts sont organisés aux Tuileries, gratuits ou parfois payants pour contribuer à la solidarité avec les familles des combattants tués. On y a associé de la chansonnette des faubourgs, comme « La Canaille », interprétée par Rosa Bordas, des lectures poétiques déclamées par Madame Agar du Théâtre Français, ou encore des airs d’opéra et des chansons militantes.

Sur les murs de la salle du trône les Communards ont écrit : Peuple ! L’or qui ruisselle sur ces murs, c’est ta sueur ! Tu rentres en possession de ton bien ; ici, tu es chez toi. Quant aux occupants des Beaux-Arts, ils avaient peint : Nous serons tous fusillés, mais nous nous en foutons !. Ce fut en effet le cas du musicien Francisco Salvador-Daniel, grand spécialiste de la musique arabe, fusillé en pleine rue le 24 mai !

Christophe Chiclet Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération

Notes

[1Depuis 1995 il est exposé au musée d’Orsay.

[2Jean-Louis Robert, « La culture pour tous ! », in L’Histoire, n° spécial 90, janvier-mars 2021, p. 51-53.