Rapprochement Banque Postale et CNP Assurances : une annonce porteuse d’espoir et de craintes

Service Public par Evelyne Salamero, FO COM

© Romain GAILLARD/REA

Le ministre de l’Economie Bruno Lemaire a annoncé le 30 août la création d’un grand pôle financier public par le rapprochement de La Banque postale et de l’entreprise publique CNP-Assurances (Caisse nationale de prévoyance) entrée en bourse en 1998 et filiale du groupe public Caisse des dépôts et consignations. Les organisations FO concernées restent très vigilantes.

Le rapprochement financier de la Banque Postale et de CNP-Assurances annoncé par le gouvernement se concrétiserait de la façon suivante : la Caisse des dépôts et consignations [1] qui détient 40,8% du capital de CNP Assurances deviendrait l’actionnaire majoritaire du groupe La Poste avec un peu plus de 67% des parts contre 26,32% à l’heure actuelle. Inversement, la part de l’État passerait de 73,68% aujourd’hui à 32,88%. En contrepartie, la Banque Postale, détenue à 100% par La Poste, deviendrait l’actionnaire de référence de CNP-Assurances, avec 60% du capital, en lieu et place de la CDC qui en détient aujourd’hui 41% [2].

L’opération, destinée à permettre au groupe La Poste de trouver de nouvelles sources de revenus (le groupe va récupérer près de 6 milliards d’euros de fonds propres grâce à l’apport des 41% de capital de CNP-Assurances détenus par la Caisse des dépôts), devrait être concrétisée avant la fin 2019.

FO dit oui à un grand pôle financier 100% public « sans passagers clandestins »

La Fédération FO Com a accueilli comme une nouvelle porteuse d’espoir pour les postiers et les postiers l’annonce d’un grand pôle financier public, qu’elle réclame depuis longtemps rappelle-t-elle, parce que cela permettra à la Banque Postale de devenir une vraie banque-assurance.

En revanche, souligne-t-elle, la vigilance s’impose pour garantir la pérennité et l’accroissement des missions de service public assurées chaque jour par l’ensemble des postières et des postiers.

Et d’avertir : la Fédération FO Com refusera l’ouverture du capital de La Poste à des passagers clandestins, à des capitaux privés, via des cessions de capital ultérieures.

Une crainte partagée et exprimée dans les mêmes termes par le syndicat FO de la CNP (affilié à la fédération des employés et cadres).

Du côté des postiers et postières, la fédération FO Com, souligne que ce projet doit être l’opportunité d’améliorer la qualité du service rendu par les personnels de l’entreprise en leur octroyant enfin tous les moyens nécessaires pour mener à bien leurs missions.

A ce stade, il n’y a pas de privatisation. Nous voulons que les verrous demeurent.

FO Com est donc favorable à et à l’augmentation des fonds propres de La Poste pour lui permettre de financer ses investissements et son développement, via la naissance d’un grand pôle financier public « renforcé » dans « une Poste 100% publique » et à l’établissement d’un contrat de service public avec l’État au-delà de 2020 de façon à ce que celui-ci ne se désengage pas.

À ce stade, explique Philippe Charry, secrétaire général de la Fédération FO Com, Il n’y a pas de privatisation de La Poste dans cette opération puisque les deux actionnaires restent les mêmes : la CDC, qui est un groupe public, et l’État. Ce sont les proportions qui changent. Mais, ajoute-t-il, nous voulons que les verrous demeurent.

Explications. La loi postale de 2010 prévoit que l’État soit majoritaire dans le groupe La Poste. Pour que la CDC devienne majoritaire, il faut donc modifier la loi. Cette modification législative va s’opérer par un amendement déposé par le gouvernement à l’article 54 du projet de loi Pacte sur la croissance et la transformation des entreprises. Cet article concerne déjà La Poste puisqu’il vise à articuler les dispositions régissant la composition du conseil d’administration de La Poste avec l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique.

Nous ne voulons pas que la nouvelle rédaction de la loi ouvre la porte à l’introduction future d’actionnaires privés, explique Philippe Charry qui indique que la fédération FO Com, qui a déjà fait connaître ses revendications auprès des autorités publiques, sera auditionnée le 18 septembre par le rapporteur de la loi Pacte à l’Assemblée nationale.

FO veillera à ce que cette opération ne remette pas en cause les emplois et les acquis des postiers et des employés de CNP-Assurances

La Fédération FO Com souligne également que la frénésie de fermetures des bureaux de poste par la direction de l’entreprise, est totalement incompatible avec le grand projet d’une banque pour tous à la fois compétitive et proche de ses clients sur l’ensemble du territoire, concluant : La Poste a raison d’assurer son avenir mais elle doit aussi assurer celui des postières et des postiers, car ce sont bien ces femmes et ces hommes qui créent chaque jour la richesse de l’entreprise !.

Le syndicat FO CNP-Assurance craint lui les doublons en termes d’emplois entre la Banque Postale et la CNP, ainsi que des pertes d’emplois consécutives à des arrêts de partenariats quand la Banque Postale deviendra l’actionnaire de référence de CNP-Assurances e lieu et place de la CDC.

Il revendique donc le maintien de tous les emplois, salariés et fonctionnaires de la CNP [3], ainsi que la préservation du socle social actuel de la CNP, s’opposant à toutes poursuites de processus de privatisation de la CNP.

Nous veillerons à ce que ni les employés de La Poste, ni les employés de CNP-Assurances n’aient à souffrir de cette opération et ne voient davantage de leurs acquis mis en cause, prévient Philippe Charry de FO Com.

Evelyne Salamero Ex-Journaliste à L’inFO militante

FO COM Postes et Télécommunications

Notes

[1La Caisse des dépôts et consignations et ses filiales constituent un groupe public. Placé sous la surveillance et la garantie du Parlement, il remplit des missions d’intérêt général en appui des politiques publiques conduites par l’État et les collectivités locales et peut exercer des activités concurrentielles.

[2Sans être forcément majoritaire, un actionnaire de référence détient un pourcentage des droits de vote assez important pour exercer une influence significative dans les décisions de l’entreprise.

[3CNP-Assurances compte 2 730 salariés et un peu moins de 200 fonctionnaires (fonctionnaires d’État sous statut mis à disposition de la CDC et rémunérés par celle-ci, fonctionnaires détachés qui ont gardé les garanties liées à leur statut de fonctionnaire mais sont payés par CNP-Assurances et fonctionnaires du trésor rémunérés par Bercy).

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