Article paru dans Forte Ouvrière Hebdo n°2240 du 1er mars 1995 |
Parmi les grandes dates du mouvement ouvrier, la Commune de Paris tient une place bien particulière. Dernière révolution du XIXe siècle, c’est aussi la première tentative de prise en main de leur destin par les ouvriers.
Le Second Empire n’était pas tendre avec les travailleurs. En 1854, l’obligation du livret ouvrier est généralisée. Entre 1851 et 1860, 106 grèves éclatent. À la veille de la Commune, les grèves se multiplient à Paris, Anzin, Rouen... L’Association Internationale des Travailleurs (AIT), fondée en 1864, s’occupe plus d’action sociale que de politique. En 1869, elle regroupe plus de 10 000 membres à Paris, Marseille, Lyon et Rouen. Elle focalise son action sur la grève et l’ai-de aux grévistes.
En février 1870, les Républicains tentent de soulever Belleville. L’AIT s’y refuse. Mais un autre drame se prépare. Pour sauver son empire, Napoléon III déclare la guerre à la Prusse, le 19 juillet 1870. Avec 265 000 hommes contre 500 000, la défaite française est inévitable. Le 2 septembre, l’empereur capitule sans condition à Sedan. Le 4 septembre, la foule parisienne pro-clame la République à l’Hôtel de Ville. Alors que la guerre continue, la Bourse de Paris monte à chaque victoire allemande. Le 19, les Prussiens mettent le siège devant la capitale. Léon Gambetta s’échappe en ballon et tente d’organiser la résistance depuis Tours. Mais les nouvelles armées de la République sont toutes dé-faites. Fin septembre Paris est défendue par 100 000 soldats de métier, 115 000 gardes mobiles et 340 000 gardes nationaux. Ces derniers sont en liai-son constante avec les sections de l’AIT. Le 7 octobre les Parisiens manifestent aux cris de Vive la Commune
. Le 31, la prise du fort du Bourget par les Prussiens déclenche une insurrection. Le froid, la faim, l’esprit des soldats de l’An II, la volonté d’en finir avec l’Empire, les royalistes et les libéraux, enflamment le peuple de Paris. L’armistice signé le 28 janvier 1871 est suivi par des élections législatives gagnées par le conservateur Adolphe Thiers alors que Paris élit Gambetta, Victor Hugo, Garibaldi... Le 26 février, Thiers cède l’Alsace et la Lorraine et laisse les troupes allemandes défiler dans Paris. Par ailleurs il transporte l’Assemblée à Versailles, l’ex-ville royale, et supprime la solde des gardes nationaux. Enfin, le 18 mars à l’aube, il tente de faire reprendre les canons de ces derniers parqués à Montmartre. C’est l’explosion. Thiers se replie à Versailles. Le comité central de la garde nationale s’installe à l’Hôtel de Ville. Les élections du conseil général de la Commune ont lieu le 26 mars. Les 65 élus, dont 25 ouvriers, proclament la Commune et se déclarent gouvernement de la France. D’autres Communes voient le jour dans dix villes de province.
Les Communards, à 80% ouvriers et artisans, développent un programme socialiste et fédéraliste. Ils prennent le drapeau rouge, réorganisent l’économie au profit des travailleurs et instaurent, avant Jules Ferry, l’éducation gratuite, obligatoire et laïque. Mais les troupes versaillaises les obligent à mobiliser leur énergie pour la guerre. A 20 000 contre 130 000, Varlin, Vallès, Louise Michel et leurs amis sont enfoncés, le 21 mai 1871, à la Porte de Saint-Cloud. Les Versaillais organisent alors, du 22 au 28 mai, un véritable carnage qui reste dans les mémoires sous le nom de « La semaine sanglante ! » Dans les jours qui suivent, 38 000 personnes sont arrêtées dont 400 finiront au bagne de Nouvelle-Calédonie. Grande insurrection ouvrière, la Commune, désavouée par les classes possédantes, même libérales, est revendiquée par le mouvement ouvrier, syndical en particulier.