La contribution de Force Ouvrière au dernier rapport du Haut conseil du financement de la protection sociale (HCFi-PS)

Lettre @ Secteur Retraites du 17 juillet 2015 - n°90 par Secteur des Retraites

Lettre @ Secteur Retraites du 17 juillet 2015 - n°90 - PDF - 230.7 ko

Répondant à la lettre de saisine du Premier ministre à l’automne dernier, le Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS) vient de rendre son rapport dont l’objectif affiché est « d’appréhender le potentiel de simplification et d’amélioration de la lisibilité du financement de la protection sociale autour de trois enjeux distincts :

 la clarification, la facilitation et la stabilisation, pour les entreprises comme pour les assurés, des règles et des procédures ;

 la recherche d’une plus grande transparence et d’une meilleure lisibilité du prélèvement social au service d’une adhésion renforcée des citoyens à ce dernier ;

 les réductions de coût de gestion pour les régimes de protection sociale qui peuvent y être associées. »

 Le chapitre I présente un état des lieux actualisé du financement de la protection sociale en France.

 Le chapitre II traite de la simplification et de l’amélioration de la lisibilité du financement de la protection sociale.

 Le chapitre III fait le point sur l’état de la jurisprudence constitutionnelle et communautaire sur les cotisations et les contributions sociales.

 Le chapitre IV questionne l’architecture des régimes de protection sociale.

 Le chapitre V aborde les enjeux de rationalisation du recouvrement des prélèvements sociaux sur les revenus d’activité, en approfondissant les enjeux que soulèverait l’hypothèse d’un transfert aux URSSAF des cotisations des régimes complémentaires de retraite Agirc Arrco.

 Le chapitre VI décrit le processus d’élaboration des prévisions économiques et financières dans le domaine de la protection sociale, dans le contexte de la mise en oeuvre des dispositions des textes européens relatifs à la surveillance mutuelle des finances publiques des États-membres de la zone euro.

Conformément à la pratique adoptée par le HCFiPS en matière de restitution de ses travaux, ses membres ont été invités à exprimer leurs appréciations sur les analyses présentées dans le rapport, sous la forme de contributions insérées dans le document. Force Ouvrière a axé sa contribution sur les chapitres II, IV, V et VI du rapport, chapitres dont l’analyse est la plus éloignée de nos positions. Il était donc indispensable de réagir particulièrement sur ces points.

Le texte intégral de la contribution de Force Ouvrière au rapport du HCFiPS

Chapitre II : La simplification et l’amélioration de la lisibilité du prélèvement social

Ce chapitre relève, à juste titre l’enchevêtrement, pour ne pas dire plus, des différentes sources de financement de la sécurité sociale. Pour FO, cette complexité dans le circuit du financement autorise l’Exécutif, comme la représentation nationale à arbitrer quasiment à chaque PLFSS entre les différents équilibres qu’ils souhaitent présenter. A l’arrivée, comme nous l’avions dénoncé à l’occasion de la réforme des retraites de 2014, seul un nombre particulièrement restreint d’experts semble en capacité de « lire » le schéma. L’exemple type est fourni par les « allers retours » dans la prise en charge du minimum contributif, au moins d’une partie, par le FSV. Enfin, la disparition programmée de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) n’apportera ni simplification, ni ressource bien sûr, mais répondra au crédo libéral sur les charges trop élevées des entreprises. Concernant les allègements de cotisations patronales, nous marquons notre opposition à leur existence, qui n’a toujours pas prouvé son efficacité en termes de création d’emplois, malgré plusieurs décennies de pratique. Pire ceux-ci ne font que s’accroître sous l’effet d’une politique économique libérale axée sur l’allègement de coût du travail.

C’est particulièrement sur ce caractère permanent, et les conséquences qu’en tire le Haut Conseil, que nous souhaitons attirer l’attention. Le sujet de la barémisation des cotisations qui tiendrait, dans les faits, compte des allègements ne peut nous satisfaire. La première raison a déjà été évoquée plus haut : ces allègements n’ont jamais fait l’objet d’une évaluation au regard de leur coût et de leur efficacité en terme d’emploi. De plus, le budget de la sécurité sociale pâtit du remboursement, qui n’est pas intégral, par le budget de la Nation. La deuxième raison, évoquée lors des présentations en réunions du Haut Conseil, tient dans le fait qu’une fois « banalisé » à travers un barème, il y a un risque majeur, tous les ans lors des PLFSS et PLF, de voir les ressources de la Sécurité sociale remises en cause. En d’autres termes, et les politiques développées depuis de nombreuses années le prouvent, ce pourrait être l’outil, discret, de la variable d’ajustement social par rapport aux équilibres budgétaires imposés par la tutelle communautaire. Enfin en rendant de fait progressive la cotisation, ce schéma s’inscrit dans une fiscalisation croissante du financement. Quant à la simplification du bulletin de paie, FO s’est exprimée au sein de la commission présidée par M. Sciberras, nous signalerons ici juste notre opposition au concept qui ne fait du salaire qu’un coût du travail, niant de ce fait l’apport produit par ce travail.

Chapitre IV : L’architecture financière des régimes de protection sociale

Ce chapitre aborde les mécanismes de compensation entre régimes de retraite et l’architecture financière des régimes d’assurance maladie. La compensation démographique, telle qu’elle existe depuis plus de quarante ans, n’a pas obtenu l’aval de notre confédération. Deux raisons, toujours d’actualité, ont prévalu à cette prise de position ; d’une part l’idée de 1974 était d’aboutir à un régime unique et d’autre part, et c’est avéré depuis longtemps, ce sont les régimes de salariés qui contribuent au financement des régimes de non salariés (MSA et RSI). Les pistes proposées par le Haut Conseil n’apportent pas de novation dans l’effort demandé aux salariés, et les modifications de présentation, voire la suppression d’un étage de compensation nous semble en contradiction avec la volonté affichée de plus de transparence, et donc de compréhension de la part des contributeurs. La LFSS rectificative 2014, en supprimant à terme la C3S, donne un éclairage particulier sur la conception gouvernementale de la compensation. In fine ce sont la CNAMTS et la CNAVTS qui assureront l’équilibre financier des régimes des non salariés ce qui pourra, à terme, justifier des remises en cause de prestations.

Pour FO, ce n’est pas acceptable d’autant plus que pour l’opinion publique ce n’est pas lisible : il ne restera que « le trou de la sécu » à donner en pâture aux libéraux qui souhaitent la destruction de la République sociale au profit de l’individualisme. FO est favorable à une remise à plat totale des mécanismes de financement, préalable indispensable à une clarification des contributions de chacun et ainsi à une comparaison des efforts financiers demandés à chacun. S’il est évident que des régimes de non salariés démographiquement en danger ne peuvent être abandonnés à leur sort, c’est à la solidarité nationale de prendre en charge, et non aux régimes de salariés (CNAMTS, CNAVTS ou encore CNRACL) de le faire. Sur le deuxième sujet de ce chapitre relatif « à l’idée d’un régime unifié des prestations maladie en nature » selon les termes de la lettre de commande du Premier ministre, FO fait le même constat que précédemment : l’intégration gomme le fait que les régimes de salariés abondent les régimes de non salariés. Le rapport du Haut Conseil va plus loin en pointant « les coûts de gestion importants pour les caisses d’assurance maladie ». Nous sommes à nouveau confrontés à une approche comptable, dans le droit fil des politiques d’austérité. Le rapport indique que le coût de la gestion des régimes d’assurance maladie a été évalué à 6MD€.

Chapitre V : Rationalisation du recouvrement

Dès la connaissance de la lettre de mission du Premier ministre, notre organisation a manifesté son opposition à cette approche en adressant une lettre à M.VALLS. Dans sa réponse, le Premier ministre évoque à titre d’exemple réussi le recouvrement des cotisations Unédic par l’ACOSS. Lors des réunions du Haut Conseil, nous avons eu cette présentation. S’il n’est pas question ici de critiquer la qualité du travail de l’ACOSS, Force Ouvrière ne peut pas laisser penser que cet exemple suffise pour être transposé aux cotisations des régimes de retraites complémentaires. Tout simplement parce que les méthodes ne sont pas les mêmes, la première procède d’un recouvrement collectif au niveau de l’établissement, les seconds d’un recouvrement individualisé, qui permet un rapprochement entre cotisations par salarié et attribution de points en conséquence. FO n’entend pas développer au-delà les aspects techniques, au risque de suivre la pente « technocratique » du Haut Conseil, comme il l’a lui-même souligné lors d’une réunion.

Pour FO, le recouvrement Agirc Arrco par l’ACOSS préfigure la remise en cause de la loi de 1972 sur la généralisation de la retraite complémentaire, et in fine la création de « pôle retraite ». Ce qui aurait également pour effet de supprimer le paritarisme inhérent aux retraites complémentaires, paritarisme qui constitue un des socles de la démocratie sociale. Au passage le Premier ministre, dans sa lettre de réponse, prend soin de ne pas vanter le rapprochement avec le RSI, qualifié par la Cour des Comptes de « catastrophe industrielle ». Il rappelle le transfert du recouvrement aux URSSAF des cotisations chômage. Ce faisant, et c’est le point bloquant, cette opération a pu se faire parce que les logiques des deux systèmes d’information étaient les mêmes, un recouvrement « collectif » au niveau de l’établissement et non un recouvrement « individuel » par salarié. A ce sujet, le rapport souligne que les services de l’ACOSS n’entendent pas changer le système d’information. Si tel devait être le cas dans le futur, le coût de création d’un système aurait une influence particulière sur le coût global du recouvrement ACOSS, affaiblissant à proportion l’argument pécuniaire "en faveur" de la solution préconisée. Pour conclure sur cette partie du rapport, FO réitère ses critiques à la fois sur la création du HCFIPS et sur la lettre de mission du Premier ministre. Le Haut Conseil, créé par l’ancienne majorité et mise en place par la nouvelle, reçoit des lettres de mission dans lesquelles les questions posées contiennent les réponses attendues. Nous en voulons pour preuve l’avant dernier paragraphe de la lettre du 21 octobre 2014, qui « met à disposition » les travaux du CIMAP. Ce dernier chiffrait, en décembre 2013, la différence du coût du recouvrement des régimes obligatoires de retraite entre la France et l’Allemagne ou l’Italie, à 1,7 milliards €, soit pratiquement la totalité des frais de gestion des régimes Agirc et Arrco, ou encore quelque 15000 emplois. Lors de la présentation orale par l’IGAS, il a été noté que la construction d’un régime universel poserait des « questions RH ». Il est difficile d’être plus pudique quand il s’agit, in fine, de supprimer encore et toujours plus d’emplois !

Chapitre VI : Champ des lois de financement de la sécurité sociale.

Pour FO, les mêmes causes produisent les mêmes effets ; dans la partie V de ce rapport, nous avons exposé notre opposition à la solution politique d’absorption à terme de l’Agirc Arrco par le régime général. Les pistes évoquées quant au périmètre des lois de financement de la Sécurité sociale aboutissent à « inscrire les perspectives financières des différents régimes de protection sociale dans un cadre commun, indépendamment des responsabilités qui incombent à leurs gestionnaires en matière de décision et de pilotage ». S’il ne peut y avoir d’ambiguïté pour FO quant à la légitimité du législateur en matière d’intérêt général, le domaine de la retraite complémentaire du privé, comme son nom l’indique, relève d’intérêts particuliers, au sens où l’ensemble de la population n’est pas concerné. Ce qui a prévalu à la loi de 1972 est donc toujours d’actualité, et la légitimité accordée par le Parlement ne doit pas être remise en cause, uniquement pour satisfaire aux critères de convergence et autres TSCG ou encore six-pact, élaborés eux dans des cercles et sur des bases (3% de déficit) dont nous cherchons encore la légitimité démocratique. L’exemple le plus frappant reste à ce jour la communication par la France de ses perspectives de comptes publics, dans lesquelles se trouvait une « économie » de 2 milliards € sur les retraites complémentaires. Somme qui n’a fait l’objet d’aucun échange avec la puissance publique, et a fortiori, d’aucune concertation.

FO rappelle que jusqu’à ce jour les régimes Agirc et Arrco n’ont jamais pesé sur les déficits publics, voire ont permis par l’affichage de leurs réserves d’améliorer la situation comptable à présenter à la tutelle européenne. Dans ce contexte, FO ne retient pas non plus l’hypothèse selon laquelle « la discussion parlementaire de l’annexe B ne concernerait pas les paramètres (cotisations et prestations) influant sur l’équilibre financier de ces régimes, eu égard aux compétences de leurs gestionnaires actuels ». Pour ce qui concerne l’Agirc et l’Arrco, les interlocuteurs sociaux sont à la fois pilotes et gestionnaires, et FO entend que la situation perdure, cela s’appelle tout simplement le paritarisme, facteur de démocratie sociale et de responsabilité syndicale.

 Rapport sur la lisibilité des prélèvements et l’architecture financière des régimes sociaux

Secteur des Retraites Le secteur Retraites est chargé des retraites (obligatoires, complémentaires et surcomplémentaires) et porte les revendications de FO sur ces dossiers.

Sur le même sujet