Le discours du gouvernement ? C’est tout va très bien Madame la marquise
, ironise Jean Hédou, secrétaire général de la Fédération de l’équipement, de l’environnement, des transports et des services (FEETS-FO). À la suite de l’effondrement du viaduc de Gênes, Élisabeth Borne, ministre chargée des transports, s’est voulue rassurante. Le réseau routier et les ponts français ont besoin d’être entretenus, a-t-elle précisé. Les financements nécessaires seront inscrits dans la loi d’orientation des mobilités qui sera examinée par les parlementaires cet automne.
Benjamin Griveaux, porte-parole du gouvernement, a annoncé que le budget affecté au réseau routier national non concédé passera de 800 millions d’euros aujourd’hui à 850 millions en 2020-2022. Pour finalement atteindre 930 millions d’euros à partir de 2023. Des montants éloignés du milliard d’euros dès 2019 évoqués par Elisabeth Borne devant le Parlement en mai 2018 et préconisé par le Conseil d’orientation des infrastructures.
Un retard accumulé
Les résultats d’un audit commandé par le ministère des Transports ont fait apparaître un retard accumulé dans l’entretien des routes. Quant aux 12 000 ponts du réseau, un tiers a besoin d’un entretien préventif et 7 % d’entre eux présentent des dommages plus sérieux.
Problème : l’audit ne concerne que le réseau routier national non concédé qui ne représente que 1,2 % des routes du pays.
Qu’en est-il des 8 951 kilomètres d’autoroutes concédées à un concessionnaire privé ? Nous n’avons aucun élément d’information sur l’état de ce réseau,
Un rapport de la cour des Comptes de 2013, repris en 2017 par la commission sénatoriale de l’aménagement du territoire et du développement durable, préconise un renforcement des contrôles. La Cour des comptes a également souligné l’expertise des services de l’État contrôlant l’état du patrimoine autoroutier. Les magistrats ont toutefois regretté que seuls les ouvrages d’art faisaient l’objet de contrôles à peu près réguliers.
Une fois par an, l’État doit inspecter son réseau de routes et de ponts. Il doit également effectuer une inspection complète tous les trois ans. C’est lui qui émet les normes de sécurité pour tout le réseau qu’il soit ou non concédé. Mais le plus embêtant c’est qu’il n’a pas les moyens de contrôler ces normes
, pointe le Secrétaire général de la FEETS-FO, pour qui une expertise publique forte en personnel et en moyens est plus que nécessaire.
Peu de contraintes sur les concessionnaires privés
Un gros point noir évoqué par la Cour des comptes : l’État n’utilise pas suffisamment les outils à sa disposition pour contraindre les sociétés concessionnaires à remplir leurs obligations : en dépit de constats défavorables figurant dans les audits, les dispositions contraignantes susceptibles d’être mises en œuvre à l’encontre des sociétés concessionnaires (mise en demeure, pénalités) ne sont qu’exceptionnellement utilisées, ce qui pourrait engager la responsabilité du concédant en cas d’accident. L’État n’a pas non plus jugé utile de subordonner l’ouverture des négociations relatives aux contrats de plan au respect par les concessionnaires de leurs obligations de base en matière d’entretien du réseau.
Des routes communales en mauvais état
Mais le danger vient d’ailleurs
, prévient Jean Hédou. Le cas du patrimoine routier des communes et des EPCI est beaucoup plus inquiétant. En effet, il n’existe pas de « culture » de l’entretien des ouvrages dans les petites collectivités.
Notamment depuis la fin de l’assistance technique des services de l’État vers les communes et les petites collectivités (Atesat). Ces dernières sont aujourd’hui livrées à elles-mêmes et manquent d’information, de moyens humains et financiers. Difficile pour elles de faire face à l’entretien courant et à la surveillance des infrastructures, notamment des près de 100 000 ponts dans leur giron.
Bien souvent,
Démantèlement de l’expertise publique
Quant à l’ingénierie publique qui serait à même de conseiller ces collectivités, elle est une des victimes des restrictions budgétaires. Le Cerema en sait quelque chose.Cet établissement public propose des expertises notamment en matière de prévention des risques et d’infrastructures de transport. Après avoir amputé son budget, le gouvernement a décidé de supprimer plus de 500 postes d’ici 2022. Et le Cerema risque d’être éparpillé au sein de deux futures agences : l’Agence nationale de cohésion des territoires et l’Agence des routes.
La position de la FEETS-FO
Dans un communiqué la FEETS-FO annonce la couleur : FO condamne l’éclatement et le démantèlement de la chaîne de compétences techniques publiques dans le domaine des infrastructures routières entamée en 2007 par la disparition des DDE, prolongée par les suppressions successives de missions d’ingénierie et de solidarité de l’État auprès des collectivités (Atesat en particulier qui permettait un conseil sur la gestion du patrimoine routier). Et ce n’est pas la création annoncée d’une Agence Nationale de la Cohésion des Territoires, dont les bras armés seront quelques sous-préfets saupoudrés sur le territoire déguisés en ingénieurs ou techniciens, qui comblera le besoin d’ingénierie d’appui de l’État aux collectivités !
Par ailleurs, la Fédération revendique le renforcement des effectifs et des moyens des composantes du réseau scientifique et technique du ministère en charge des Transports et de l’Équipement au bénéfice de l’ensemble de la nation (Cerema, IFSTTAR et écoles en particulier), et de rétablir dans les services territoriaux de l’État le caractère technique des compétences au bénéfice et en appui des collectivités.