Dans les entreprises de moins de 50 salariés, les syndicats représentatifs dans l’entreprise peuvent désigner comme DS, pour la durée de son mandat, un membre de la délégation du personnel au CSE (art. L 2143-6). Sauf disposition conventionnelle plus favorable, ce mandat de DS n’ouvre pas droit à un crédit d’heures.
Cette absence de crédit d’heures a amené la jurisprudence à considérer, antérieurement à la mise en place du CSE par l’ordonnance n°1386-2017 du 22 septembre 2017, que seul un DP titulaire (disposant d’un crédit d’heures) pouvait être désigné comme DS (Cass. soc., 30-10-01, n°00-60313). Le DP suppléant ne pouvait donc, en principe, être désigné comme DS.
Comme tout principe il existait des exceptions lorsque le suppléant bénéficiait d’un crédit d’heures. Tel pouvait être le cas lorsque :
– le suppléant assurait le remplacement du titulaire DP. Le suppléant pouvait alors, pour la durée de ce remplacement, être désigné comme DS dans la mesure où, pendant la durée de son absence, il disposait du crédit d’heures du titulaire (Cass. soc., 20-6-12, n°11-61176) ;
– des dispositions conventionnelles plus favorables octroyant un crédit d’heures au suppléant DP ou, tout au moins, à celui désigné comme DS (Cass. soc., 24-9-08, n°06-42269).
La question s’est posée de savoir si cette jurisprudence interdisant, en principe, aux suppléants d’être désignés DS dans les entreprises de moins de 50 salariés allait être remise en cause par l’instauration du nouveau CSE. En effet, l’ordonnance du 22 septembre 2017 rend désormais possible la mutualisation du crédit d’heures (art. L 2315-9), c’est-à-dire la répartition dudit crédit entre les titulaires au CSE et avec les suppléants. Un suppléant peut, par ce biais, bénéficier d’un crédit d’heures.
Cette question faisait débat au sein des tribunaux.
La Cour de cassation vient de se prononcer (Cass. soc., 23-3-22, n°20-16333 et n°20-21269). Elle considère qu’un suppléant du CSE ne peut être désigné en qualité de DS dans une entreprise de moins de 50 salariés qu’à la condition de disposer d’un crédit d’heures. La Cour a dressé une liste limitative des hypothèses dans lesquelles le suppléant bénéficie d’un crédit d’heures :
1. soit la mutualisation des heures de délégation (art. L 2315-9) ;
2. soit une clause du protocole d’accord préélectoral permettant de modifier le volume des heures individuelles de délégation (art. L 2314-7) ;
3. soit des dispositions plus favorables (accord collectif ou usage - art. L 2315-2) ;
4. soit le remplacement d’un membre titulaire (art. L 2314-37).
Finalement, la Cour de cassation ne fait que maintenir sa jurisprudence antérieure tout en élargissant (du fait de l’évolution de la législation) les hypothèses permettant à un suppléant au CSE d’être désigné DS dans les entreprises de moins de 50 salariés.
Le contentieux semble très loin d’être fini. Des précisions sont nécessaires concernant un syndicat, souhaitant se prévaloir de l’hypothèse n°1 (la mutualisation des heures).
Rappelons que la mutualisation des heures n’impose aucun formalisme particulier (ni accord du CSE, ni clause du règlement intérieur du CSE). Seule est exigée une information préalable de l’employeur par écrit, communiquée chaque mois, au plus tard huit jours avant la date prévue pour l’utilisation des heures (art. L 2315-9 et R 2315-6).
Ces arrêts enseignent-ils qu’un syndicat pourra se contenter d’évoquer la faculté de mutualisation offerte par l’article L 2315-9 ? La réponse est négative. En l’espèce, les tribunaux judiciaires ont annulé la désignation de suppléants comme DS alors que les dispositions relatives à la mutualisation étaient applicables au contentieux (ce qui a été confirmé par la Cour de cassation).
Mais alors qu’exige le juge pour considérer que le suppléant s’inscrit bien dans l’hypothèse numéro 1, lui permettant d’être désigné comme DS ?
Dans l’affaire (n°20-16333), le tribunal annule la désignation du fait de l’irrégularité de l’accord de partage des heures de délégation entre le suppléant et le titulaire : il ne portait aucune indication sur le nombre d’heures de délégation réparties mensuellement et était établi pour toute la durée du mandat en contrariété avec les dispositions des articles L 2315-9 et R 2315-6
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Ainsi, si vous souhaitez désigner un suppléant en qualité de DS dans une entreprise de moins de 50 salariés, il conviendra d’être vigilant afin que celui-ci bénéficie effectivement d’un crédit d’heures sous peine de voir cette désignation remise en cause à tout moment. Cette mutualisation devra être formalisée par un accord de partage des heures de délégation écrit précisant les modalités de répartition des heures.
Reste une interrogation tenant au fait que la Cour de cassation ne semble (en filigrane de sa décision) pas admettre un accord de partage des heures pérenne. Quelles sont donc les exigences en la matière ? Finalement la Cour de cassation semble avoir répondu à la question sans véritablement répondre…
Cette solution a vocation à s’appliquer à la désignation d’un RSS dans les entreprises de moins de 50 salariés.