La difficile équation budgétaire de l’Italie dans un contexte politique tendu

Europe par Secteur International Europe

Après les « dérapages » budgétaires de l’Espagne et du Portugal que la Commission européenne avait finalement décidé de ne pas sanctionner (voir lettre électronique n°36), c’est l’Italie qui est désormais dans le viseur des institutions européennes, mais la passe d’armes entre le président de la Commission et le gouvernement italien dépasse largement les enjeux budgétaires nationaux.

Lettre n°37
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Le durcissement de ton entre la Commission européenne et l’Italie démontre une nouvelle fois les incohérences du Pacte de stabilité et de croissance. En effet, du fait des nouvelles règles budgétaires, l’Italie doit faire valider son budget par la Commission. Or, celui-ci ne respecte plus les engagements pris par le passé, le déficit public s’élève désormais à 2,4 % du PIB contre 1,7 % prévu initialement, en raison de mesures de relance de l’investissement public.

Cette intransigeance de la part de la Commission peut paraître surprenante, même à 2,4 % du PIB, le déficit italien demeure sous la barre des 3 % Mais depuis l’adoption du Pacte budgétaire en 2012, de nouveaux critères entrent en jeu – notamment l’exigence d’une réduction continue du déficit en cas d’endettement public important, or la dette publique italienne atteint 133 % de son PIB.

Le gouvernement italien invoque le coût des nombreuses crises que le pays vient de traverser, ou qu’il traverse toujours, pour justifier cet écart : la crise migratoire et les récents séismes. Malgré une première contestation, la Commission a finalement reconnu qu’une part significative de cet écart est due aux coûts liés à l’activité sismique de ce pays, qui a été importante et dramatique cette année, ainsi qu’aux coûts engendrés par l’afflux de migrants.

Ce conflit démontre l’incongruité de règles budgétaire européennes trop rigides, écartées de la réalité d’un pays qui subit, avec la Grèce, une crise humanitaire sans précédent. En effet, pour Force Ouvrière, il faut un changement en faveur de règles budgétaires plus flexibles et de politiques économiques plus cohérentes axées sur la relance de la croissance et de l’emploi, c’est pourquoi elle plaide avec la CES en faveur d’une révision du Pacte de stabilité.

Toutefois, la situation politique italienne actuelle a conduit la Commission à relâcher la pression, à la veille d’un référendum sur la Réforme constitutionnelle prévu le 4 décembre prochain. Or, le véritable enjeu de ce référendum est l’avenir du Premier ministre actuel, Matteo Renzi, et de son gouvernement, en cas de victoire du « non ».

Son éventuelle démission entraînerait l’organisation de nouvelles élections qui pourraient conduire à la victoire du M5S – parti eurosceptique qui présente dans son programme un projet de référendum pour sortir de l’Union Européenne.

Les positions syndicales italiennes sont néanmoins variées quant à ce référendum, si la CGIL a décidé en septembre de s’engager en faveur du « non », la CISL appelle à voter « oui » tandis que la UIL, par la voix de son secrétaire général Carmelo Barbagallo, a annoncé le 18 octobre que son organisation ne donnerait pas de consigne de vote.

Une éventuelle condamnation de la Commission européenne de l’Italie pour son écart budgétaire aurait pu sonner comme une nouvelle intrusion intempestive de l’Union dans ses propres affaires faisant basculer les italiens en faveur du « non » au référendum.

Dans ce contexte, et seulement quelques mois après le Brexit, la Commission a décidé de ne pas fragiliser encore un peu plus l’avenir de l’Europe : le 16 novembre dernier, elle n’a pas rejeté le projet de budget 2017 de l’Italie bien qu’elle reconnaisse un risque de non-conformité avec le pacte de stabilité. Ainsi, elle donnera son verdict final en janvier 2017, soit après le référendum italien.

Pour obtenir gain de cause, l’Italie n’avait pas hésité à menacer la Commission de ne pas voter le budget pluriannuel de l’Union Européenne, là où l’unanimité est requise. Repousser le verdict sur le budget italien n’est que partie remise bien que l’Italie ait déjà gagné un bras de fer, désormais convaincue par l’efficacité de sa position vindicative, annonçant de futures complications.

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