La disparition inquiétante de l’État dans les entreprises publiques

Privatisation par Nadia Djabali

Areva, EDF, etc., l’État dispose d’une fenêtre de tir ouverte seulement cinq à six mois par an s’il veut vendre des actions de ces entreprises. © Laurent GRANDGUILLOT / REA

Aéroports de Paris, Orange, Française des jeux, Renault, EDF, Engie, chacun y va de son pronostic depuis que le ministre de l’Économie a annoncé la vente de 10 milliards d’euros d’actions dans les entreprises. Quelles sont les entreprises concernées ? Rien d’officiel n’a été communiqué pour le moment.

Un rapport sur l’État actionnaire, publié en janvier 2017 par la Cour des comptes, peut toutefois offrir quelques pistes. Les magistrats de la rue Cambon y ont déroulé une option permettant à la puissance publique de récupérer une dizaine de milliards d’euros. Plusieurs entreprises sont citées dans ce document : le groupe Aéroports de Paris (ADP), Engie, Orange, Renault, le groupe PSA et CNP Assurances. Le document évoque en outre, sans les nommer, d’autres participations détenues par la Banque publique d’investissement (Bpifrance).

Des obligations fixées par la loi

Lorsqu’il veut vendre ses actions, l’État est cependant obligé de tenir compte d’un certain nombre d’éléments importants. Notamment des seuils de détention minimaux fixés par la loi, qui l’obligent à conserver 70 % du capital d’EDF, 50 % de celui d’ADP, le tiers du capital d’Engie (sauf s’il détient le tiers des droits de vote). Pour Areva, le seuil est fixé à 50 % du capital, qui doit être détenu conjointement avec le CEA et les autres actionnaires publics.

Le capital de La Poste ne peut être détenu que par l’État, actionnaire majoritaire, et par d’autres personnes morales de droit public. Celui de RTE et celui de GRTgaz ne peuvent être détenus que par, respectivement, EDF et Engie, ou un autre actionnaire public. CNP Assurances doit obligatoirement appartenir au secteur public.

122 milliards depuis 30 ans

Ces trente dernières années de grandes vagues de privatisations ont divisé par deux le nombre de sociétés détenues majoritairement par l’État. Entre 1986 et 1988, l’État a vendu pour 15 milliards d’euros de participations. Le montant augmente entre 1992 et 1993, pour atteindre 22 milliards de cessions d’actifs. Entre 1997 et 2002, 31 milliards d’actifs sont cédés. 38 milliards entre 2002 et 2007. 8 milliards entre 2007 et 2012 et 8 milliards depuis 2012. Soient un total de 122 milliards en 30 ans.

Cinq à six mois par an

Deuxième élément important à prendre en compte : l’Agence des participations de l’État disposant d’informations privilégiées, elle ne peut effectuer d’opérations sur le capital des treize entreprises cotées en Bourse dans les trente jours précédant la publication des comptes annuels, semestriels, voire trimestriels. Concrètement, l’État ne dispose d’une fenêtre de tir ouverte que cinq à six mois par an s’il veut vendre des actions de ces entreprises.

100 milliards d’euros de participation

Le portefeuille de l’État comprend aujourd’hui un peu plus de 1 800 participations dans 81 entreprises pour une valeur de 100 milliards d’euros. Le chiffre d’affaires cumulé de ces entreprises s’élève à 538,6 milliards d’euros.

Ces avoirs sont répartis entre plusieurs entités publiques. Les trois principales sont l’Agence des participations de l’État, la Caisse des dépôts et consignations, et Bpifrance. D’autres acteurs publics détiennent également des actifs : le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), le Centre national d’études spatiales (CNES) et l’Institut français du pétrole (IFPEN). 

 

Repères : Des secteurs très variés
On peut trouver des participations publiques dans le secteur des transports (SNCF, Air France, Transdev, etc.), dans l’énergie et les matières premières (EDF, Engie, Areva, etc.), les services et la finance (Groupe La Poste, Dexia, Française des jeux, etc.), la défense et l’aéronautique (Safran, Thales, Airbus, Arianespace, etc.), l’industrie et les télécoms (Renault, PSA, Orange, Eutelsat, etc.) et l’audiovisuel (France télévisions, Radio France…).

Nadia Djabali Journaliste à L’inFO militante

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