La Fage-FO en congrès : paroles de militants

InFO militante par Valérie Forgeront, L’inFO militante

François Guérard, Secrétaire général sortant de la Fage-FO. © Jean-Luc Gironde

Demandes salariales, contestation des pertes d’effectifs ou encore des réformes qui « restructurent », fusionnent ou suppriment des services en dégradant la capacité à assurer les missions publiques et donc en dégradant aussi les conditions de travail des agents... Réaffirmant leurs revendications, les militants de la Fage-FO, réunis en congrès à Roiffé dans la Vienne du 5 au 8 septembre, ont longuement évoqué les combats difficiles qu’ils mènent pour défendre des personnels aux prises avec les attaques tous azimuts contre la Fonction publique.

Il y a un démantèlement des services déconcentrés mais aussi des administrations centrales, cela au nom du resserrement des missions. A croire que l’objectif est de faire du service public sans service public !, lançait lors du XXVIIe congrès de la Fage-FO, la fédération FO de l’administration générale de l’État, son secrétaire général sortant, François Guérard.

Depuis 2007, il y a eu en effet moult réformes : la RGPP (Révision générale des politiques publiques) qui a notamment supprimé un poste sur deux, puis la Reate (Réforme terrioriale de l’État) en 2010 qui a amené lac naissance des DDI (directions départementales interministérielles), lesquelles en dix ans ont perdu plus de 30% de leurs effectifs indiquait cette année la Cour des comptes), la loi NOTre en 2016, puis la réforme territoriale des administration de l’État (OTE) annoncée en 2018 et confirmée l’année suivante, sans parler de la loi de Transformation de la Fonction publique en 2019, faisant, entre autres, la part belle à la contractualisation de l’emploi public... Qu’ils travaillent en services déconcentrés, tels les DDI, ou dans les services des administrations centrales, tous les agents sont concernés depuis des années par ces attaques.

Au nom de la fin de l’abondance, il faudrait cautionner cette entreprise de démantèlement des services publics ? Il faudrait admettre les 3,5% de revalorisation ? Il faudrait admettre les transferts de missions ou leur abandon ? fulminait à la tribune du congrès Hélène Laulié pour le syndicat national FO des personnels du ministère de l’Éducation nationale (SNPMENFO). Il y a un dépeçage de l’administration centrale, une saignée dans les effectifs de catégories C, les promotions stagnent... Alors oui, il est légitime d’exiger l’arrêt de tout cela ! affirmait-elle demandant l’abrogation de la loi de Transformation. Nous vivons une surcharge de travail » et ce qui est visé c’est de « faire des économies sur le dos des personnels !.

On a même des sections d’inspecteurs du travail qui sont vacantes !

Comme la secrétaire générale du SNPMENFO, nombre de militants mèneront leur intervention à la tribune en appelant « un chat un chat ». Ainsi Vadim Hosejka du secteur Travail et Emploi et formation professionnelle (FO-TEFP) indiquera on n’est plus à l’os, on est à la moelle !. Et derrière l’expression qui pourrait prêter à sourire se cache une réalité pour le moins inquiétante, notamment pour la défense des salariés dans les entreprises. Alors que de nombreux agents de ce secteur partent en retraite, on a même des sections d’inspecteurs du travail qui sont vacantes ! pointait le militant rappelant les revendications de FO, soit des effectifs suffisants face aux besoins dans les DDETSPP ou encore l’arrêt des objectifs chiffrés et déjà au moins qu’ils soient réalisables !

Ces nouvelles directions, en place depuis 2021, regroupent au plan départemental les secteurs du travail, de l’emploi, des solidarités, de la protection des populations. Elles sont nées de la réforme de l’organisation territoriale de l’État (OTE), soit dans ces secteurs, la fusion au plan régional et interrégional des Direccte (nées en 2010) avec les Directions départementales de la cohésion sociale (DDCS) créant la DRIEETS et au plan départemental les DREETS.

FO, qui demande que les 560 agents contrôleurs du travail passent inspecteurs, revendique une revalorisation pour le corps de l’inspection abandonné par les pouvoirs publics. Et Vadim Hosejka de constater encore qu’il y a beaucoup de colère dans les services concernant le pouvoir d’achat !.

Derrière les raisonnements comptables, l’attaque des droits des agents

Dans les ministères sociaux, en administration centrale ou dans les services déconcentrés, à l’image de notre Fonction publique, les agents et leurs représentants syndicaux sont en grande souffrance soulignait Juan Navarro du SNPASS-FO, le syndicat national des personnels des affaires sanitaires et sociales, fustigeant des politiques catastrophiques aux lourdes conséquences sur les missions et les droits des agents. Les causes ? Pour exemple, la réforme de l’administration territoriale de l’État. D’ailleurs, le rapport du sénat du 29 juin dernier, rapport d’Isabelle Briquet sur la réorganisation de l’État, reprend la quasi-totalité de ce que Force Ouvrière dénonce ! et depuis longtemps, indiquait-il. Le militant évoquait aussi les lignes directrices de gestion, nouveau système d’examen, et de décisions, concernant les promotions et la mobilité des agents. Un système né en 2021 de la loi de Transformation de la Fonction publique et se substituant aux CAP. Ce que FO a combattu et combat encore.

Cela donne les pleins pouvoirs aux directeurs dans les établissements et créé un système où tout est opaque. Ce qui s’est installé c’est la culture du secret et du silence ! s’indignait Juan Navarro, se félicitant par ailleurs du travail fédéral et interfédéral ayant permis à FO de se maintenir à la première place dans les DDI à l’issue des élections de 2021.

Les réformes s’empilent, sans prendre le temps de l’analyse ni de la cohérence de ces dernières » et « le dialogue social est méprisé, cela sur fond de suppression d’effectifs et d’une pyramide des âges traduisant un vieillissement sans que pour autant il n’y ait de renouvellement pointait Catherine Hobeniche dont c’était le premier congrès, et qui s’exprimait au nom du Snama-FO, le syndicat national des agents du ministère de l’agriculture, lesquels sont environ 7 000, hors enseignement agricole. Dans le périmètre du syndicat, entre autres l’Institut français du cheval (IFCE) qui comprend le Cadre noir de Saumur. Un IFCE qui n’est pas épargné par l’esprit de gestion comptable qui prévaut dans les administrations et les établissements publics constatait Catherine Hobeniche, listant les échéances prochaines attentant les militants dans le secteur de l’Agriculture. Et de citer entre autres justement la mise en place du nouveau contrat d’objectif et de performance 2023-2027 à l’IFCE.

La gestion du manque de moyens...

Dans le secteur de l’Agriculture encore, l’actualité est aussi au transfert, prévu au 1er janvier 2023, d’agents du ministère (385 ETP) aux conseils régionaux, cela dans le cadre de la nouvelle période de programmation du Feader, le fonds européen agricole pour le développement rural. L’État va confier la gestion des mesures non-surfacique (forêt, investissements, installation, etc..) aux régions. FO s’inquiète, entre autres, du maintien de la rémunération des agents, des conditions des transferts, et plus largement des conséquences de ces transferts de compétences vers les entités territoriales.

Au ministère de l’Agriculture, on transfère, on privatise, voire on abandonne des missions régaliennes, y compris celles importantes pour la protection de la santé des citoyens, ou pour la santé commerciale de la France dénonçait Stéphane Touzet, secrétaire général du syndicat national des techniciens supérieurs du ministère de l’agriculture (SNTMA-FO), syndicat leader dans son secteur. Et de citer aussi le transfert de gestion de la Pac (aides agricoles) ou encore la restructuration de la mission de contrôle de la sécurité sanitaire des denrées alimentaires. Cela serait lié, expliquait le militant, au transfert de missions de la DCCRF (concurrence et consommation) vers l’Agriculture et contrairement à ce qui est affiché, cela se fera sans moyens supplémentaires.

Alors, pour faire face à ces nouvelles missions, le ministère a décidé de transférer des missions qu’il juge non essentielles en matière de sécurité des contrôles sanitaires alimentaires. Et cela pourrait être tous les contrôles de la distribution (restaurants, centres recevant du public, cantines, supermarchés, maisons de retraites, etc.) s’indique Stéphane Touzet, ajoutant derrière le problème de la sécurité des consommateurs, il y a aussi celui de la sécurité de nos collègues. Cela est un sujet important de lutte pour FO, particulièrement dans le cadre de la contractualisation des emplois ou encore face à la fragmentation voire à la destruction de la formation des agents alors qu’elle leur est indispensable au risque de se mettre en danger professionnellement.

Déterminés à lutter contre des réformes destructrices

Dans un autre registre, Sabrina Pautte pour le syndicat national des personnels publics de Pôle emploi évoquait elle aussi la sécurité... Les agents de Pôle emploi ne sont pas censés être en insécurité. Or, une collègue a été assassinée en 2021 à Valence.

Mais si Pôle emploi ne relève pas de la Fonction publique on a tous les aspects négatifs de la loi de Transformation de la Fonction publique et on est torpillé par toutes les modifications qui sont faites au niveau de la Fonction publique. Ainsi, comme dans le public, expliquait-elle notamment, les commissions dédiées aux discussions sur les promotions et les notations ont perdu de leurs prérogatives. Et aujourd’hui on ne sait pas où l’on va, par la grande annonce de la création de France Travail ! Il y a entre autres la crainte d’intégrer des budgets confiés à des régions.

Christine Heuzé pour FO enseignement Agricole (secteur représentant 60% des personnels du ministère) soulignait la paupérisation des agents. Ils perçoivent très peu de primes. Et ce n’est pas les primes qui améliorent l’attractivité des carrières !. Quant à l’arrivée d’une réforme des retraites qui détruirait des droits... On a été dans la rue contre la précédente, nous remettrons ça dès que nécessaire ! lançait fermement la militante. Rappelant que FO défend l’enseignement public agricole et laïc, elle pointait aussi les effets dévastateurs de la loi de Transformation, la difficulté en particulier qu’il y a à agir pour les agents, en CAP, pour leur carrière. Plus largement, analysait Christine Heuzé, toutes ces réformes ont pour objectif de détruire la Fonction publique. Le syndicat FO qui s’indigne du manque d’investissements publics dans ce secteur, en dénonce les conséquences : notamment, l’avancée du privé dans le secteur de l’enseignement agricole. Ainsi indiquait la militante, une 5e école véto privée s’est ouverte en cette rentrée, à Rouen.

Des syndicats dynamiques et revendicatifs

Si le congrès a été pour les militants de la Fage-FO un moment de construction des revendications à porter pour combattre les attaques menées contre les services publics de leurs secteurs, il a constitué aussi un rendez-vous permettant de souligner concrètement l’essor des syndicats au sein de la fédé. Ainsi en est-il du syndicat des cadres supérieurs de la Justice, créé en octobre 2021 et faisant partie de l’Union FO-Justice. Ce syndicat s’adresse aux personnels de catégorie A indiquait Paul Bono, soit quelque 4 000 agents (directeurs financiers des centres d’insertion et de probation, attaché de l’administration de l’État, directeurs de greffes, directeurs techniques, cadres A de la PJJ, chef de services financiers, directeurs des PJJ/protection judiciaire de la jeunesse). En à peine un an, soutenu par l’Union FO-Justice créée aussi en 2021, FO justice-cadres supérieurs est déjà fort d’une centaine d’adhérents.

Même dynamisme du côté du syndicat national pénitentiaire FO-Direction, soit le syndicat FO des directeurs de prisons. C’est un petit syndicat avec 130 adhérents.... mais il y a 500 directeurs en France, donc nous représentons 26% du corps en termes d’adhésions, sans compter les sympathisants, indiquait Sébastien Nicolas, le secrétaire général du syndicat, rappelant cela fait 40 ans que nous sommes majoritaires dans ce corps. C’est une grande fierté pour nous de maintenir avec acharnement cette position de FO dans cette filière. Et le militant de souligner le travail beaucoup plus difficiles de ces personnels ces dernières années, cela sur fond, de crise Covid, de loi de Transformation, dans une administration en tension en permanence, sous les feux de l’actualité, par sa surpopulation carcérale, etc. Pour faire vivre le syndicat, l’appui de l’Union justice est précieuse, insistait-il. L’Union nous a beaucoup aidés, soulignant la qualité des relations en son sein entre militants des différents secteurs.

Indépendance, solidarité, combativité, tel est le triptyque adopté par syndicat national des magistrats FO, Unité Magistrats indiquait son délégué général, Michel Dutrus. On a toujours refusé deux écueils, la cogestion et la contestation de principe qui serait liée à un positionnement idéologique qui ne serait pas le nôtre. Cette indépendance a abouti à la reconnaissance de notre syndicat comme représentatif. On est le 3e, mais notre voix porte appuyait-il. Nous sommes devenus totalement incontournables au ministère de la Justice et sommes les empêcheurs de tourner en rond !. Et le militant de rappeler le paradoxe vécu par les magistrats auxquels est reconnu certes le droit de faire du syndicat mais auxquels on interdit expressément toute action concertée, ce qui comprend l’interdiction de faire grève. Cela ne nous empêche pas d’agir... indiquait-il.

Et de lister différentes actions menées dont l’intervention du syndicat aboutissant à ce que les magistrats, puissent bénéficier de la mesure sur la protection sociale complémentaire (PSC) car ils en auraient été écartés initialement du fait même qu’ils soient magistrats (cf la loi Le Pors du 13 juillet 1983 sur les droits et obligations des fonctionnaires ne les concerne pas ). Le 29 juin 2021, le Conseil supérieur de la fonction publique de l’État a approuvé une modification incluant les magistrats dans la PSC indiquait Michel Dutrus citant encore d’autres actions.

Ainsi, au cœur de la crise Covid, le dépôt de plainte contre X, le 27 mars 2021, pour mise en danger de la vie d’autrui. Miraculeusement, on a vu arriver les premiers masques.... Plus largement, martelait-il les magistrats indépendants, cela veut dire une démocratie qui fonctionne. Et dans ce cadre, le syndicat FO revendique depuis des années des modifications concernant le Conseil supérieur de la magistrature organe, rappelle Michel Dutrus qui contrôle et gère nos carrières et notre discipline. Un conseil pour moitié composé de membres nommés par le pouvoir politique. Et pour son autre moitié, composée de membres élus via un mode de scrutin totalement inique. Nous demandons donc la création d’un conseil supérieur élu démocratiquement par tous les magistrats et totalement indépendant du pouvoir politique. Cette revendication que nous ne lâcherons en aucune manière a été transmise par le syndicat au ministre de la Justice et FO espère qu’elle fera son chemin dans le cadre des États généraux de la Justice. Ces derniers ont été lancés à la mi-septembre et prévoit l’exécutif, ils devraient déboucher sur une loi de programmation pour la Justice. Le 8 juillet, le comité dédié à ces États généraux a remis un rapport au président de la République, pointant l’état de délabrement avancé d’une institution au bord de la rupture. Reste à connaître les mesures qui seront avancées pour y remédier et à apprécier si les personnels du secteur de la Justice, entre autres les magistrats, seront entendus dans leurs revendications. Pour l’instant remarquait Michel Dutrus entre les magistrats et les différents ministres de la Justice, c’est un dialogue social limité à peu de choses, au mieux formel, au pire une parodie.

Les jeunes militants ou le renouveau syndical

De son côté, au sein du CESE, le Conseil économique, social et environnemental, le petit syndicat FO des personnels (le CESE emploie 125 agents) se fait entendre et travaille à gagner des adhérents, dont parmi nos collègues contractuels beaucoup moins bien payés et précarisés, indiquait la jeune secrétaire générale adjointe du syndicat, Alexandra Texier. On explique à ces contractuels, une population jeune, que l’implication syndicale est importante. La présence accrue d’emplois contractuels se constate aussi parmi les personnels de l’Assemblée nationale soulignait quant à lui, le secrétaire général du syndicat FO, Philippe Grenier, dont c’était le dernier congrès avant de bientôt prendre sa retraite. Auparavant, il y avait à l’Assemblée nationale 1 200 fonctionnaires pour 50 à 100 contractuels. Maintenant c’est 900 et 300. Et l’objectif est de 800 fonctionnaires et 400 contractuels !. Et pointait le militant, jusqu’il y a peu, les contractuels de l’Assemblée avaient encore moins de droits que ceux de la Fonction publique !

Le syndicat FO de la protection judiciaire de la jeunesse (SNFOPJJ), une des quatre sous-directions du ministère de la justice, se réjouissait lui de son essor. Le syndicat, représentatif, a évolué positivement indiquait son jeune secrétaire général, Abdelrezeg Labed. En quatre ans, on a fait avancer notre cause. On a obtenu des primes de nuit et de week-end, la mesure salariale du Ségur pour les éducateurs, etc. On a beaucoup bossé et on est en alchimie avec FO-Justice et on espère que FO devienne la première organisation à la justice.

Alexandra, Abdel c’est le renouveau. C’est vous qui représentez FO demain se félicitait François Guérard rappelant que le syndicalisme, c’est aussi la transmission. Ce qu’a montré le congrès de la Fage-FO

Valérie Forgeront Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération

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