La formation professionnelle, entre casse-tête chinois et Rubik’s Cube

Événement par Nadia Djabali

Photographie : F. Blanc (CC BY-NC 2.0)

2004, 2009, 2014, 2018, soit quatre réformes en douze ans, c’est dire si la formation professionnelle est l’objet de toutes les attentions. Un secteur qui, avec l’apprentissage, pèse 31,6 milliards d’euros en 2014, dont 7 milliards sont gérés par les organismes paritaires.

Le calendrier est serré. Un document d’orientation spécifique à la formation professionnelle a été remis le 15 novembre aux organisations syndicales et patronales. Une première étape vers une négociation interprofessionnelle qui déboucherait sur une loi votée avant l’été 2018. Les interlocuteurs sociaux ont prévu de rendre leur copie le 16 février prochain. En cas de désaccord entre eux, le gouvernement reprendra la main. Le délai est d’autant plus court que syndicats et patronat sont sollicités dans le même temps sur d’autres sujets importants, tels que l’Assurance chômage et l’apprentissage.

Liberté fléchée

Pour cette réforme, le gouvernement suit le raisonnement suivant : d’un côté, la formation doit répondre aux besoins des entreprises et de l’économie ; de l’autre, chaque individu construit son parcours et choisit son organisme de formation. Traduction : le salarié est libre à condition qu’il choisisse une formation qui répond aux besoins des entreprises.

Infographie : F. Blanc (CC BY-NC 2.0)

Les transformations inscrites dans la feuille de route du gouvernement auront un impact sur toute la gouvernance de la formation professionnelle, notamment sur le rôle et les finances d’un certain nombre de ses acteurs : les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA), Pôle emploi et les Régions.

Cogérés par les organisations patronales et syndicales et répartis par branches professionnelles, les OPCA collectent les contributions des entreprises dévolues à la formation professionnelle à raison de 0,55 % de la masse salariale pour les TPE et de 1 % pour les entreprises de plus de onze salariés. Au-delà de leur rôle de financeurs, ces organismes conseillent les salariés et les jeunes en alternance. Un rôle de conseil confirmé par la feuille de route qui, en revanche, demande aux interlocuteurs sociaux de revoir le système de financement de la formation professionnelle. L’investissement massif dans les compétences des salariés relève de la responsabilité des entreprises, indique le document d’orientation.

Inquiétudes à Pôle emploi

Quant à la formation des chômeurs, c’est à Pôle emploi que les inquiétudes sont les plus fortes car le gouvernement souhaite renforcer le rôle des Régions. Chaque région définissant sa politique de financement des formations, ce renforcement aura-t-il lieu au détriment du service public de l’emploi et aux dépens d’une vision nationale du traitement du chômage ?

Le gouvernement a annoncé en septembre un plan d’investissement des compétences d’un montant de 15 milliards d’euros, destiné à former un million de demandeurs d’emploi peu qualifiés et un million de jeunes décrocheurs. Ce plan sera en partie financé par un prélèvement de 0,3 % maximum de la masse salariale, pris sur les 1 % collectés par les OPCA, faisant ainsi passer la contribution des organismes paritaires à la formation des demandeurs d’emploi, de 700 à 800 millions d’euros aujourd’hui, à 1,5 milliard d’euros. À quoi seront destinés les 0,7 % restants ? Cette question sera sur la table des négociations entre les interlocuteurs sociaux.

 

Focus : Menaces sur le CPF et le CIF
Quelle doit être la nouvelle unité de mesure du compte personnel de formation ? Cette question, posée aux interlocuteurs sociaux par le gouvernement, est loin d’être anodine puisqu’elle remet en cause l’unité exprimée en heures au profit d’une éventuelle monétisation du CPF. Toutes les formations délivrées n’ayant pas le même coût horaire, un passage en euros pourrait réduire le champ des formations accessibles. En outre, l’enveloppe pourrait être utilisée pour des besoins qui n’ont aucun lien avec la formation choisie par le salarié.
Autre orientation inscrite dans la feuille de route du gouvernement : Le CPF doit devenir l’unique droit personnel à la main des individus. Une phrase qui implique la disparition du congé individuel de formation. Seul dispositif qui permet au salarié de s’inscrire dans une formation longue, pendant laquelle il conserve son salaire et la garantie de retrouver son poste.

 

Infographie : F. Blanc (CC BY-NC 2.0)

Nadia Djabali Journaliste à L’inFO militante

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