La Loi Macron sous l’angle du handicap

Journal Employés et Cadres mensuel n° 76 par FEC FO

La Loi Macron est un ensemble de mesures qui vise à déréglementer et à supprimer de nombreux droits. Il est donc impossible en quelques lignes d’en faire une lecture critique exhaustive. Je souhaite relever pour ma part les principales conséquences de cette loi en matière de droit des handicapés.

Certaines dispositions prévoient notamment la réforme de la médecine du travail, qui sera incluse dans une loi sur la santé, au printemps. Au faux motif du manque de médecins du travail, et qu’ils rédigeraient beaucoup trop d’avis d’aptitudes comportant des restrictions d’aptitudes ou des aménagements de postes, ce qui empêcherait par ce biais tout licenciement, le projet prévoit des assouplissements pour les patrons :

 moins de visites médicales et des visites faites par « d’autres professionnels » ;

 des avis d’aptitude faits par des collaborateurs médecins ;

 un encadrement voire une suppression des « réserves », alors que la médecine du travail est très importante pour tous les salariés handicapés ;

 et bien sûr, avec en finalité l’accessibilité des locaux de travail syndicaux, le poste du travail et tous les autres locaux.

Les médecins seront désormais interdits de délivrer des avis d’aptitude avec réserves qui obligent les employeurs adapter le poste de travail à l’état de santé des travailleurs. Sous la menace d’un licenciement, dont la procédure sera facilitée, les employés seront contraints d’accepter des conditions de travail susceptibles de mettre leur santé en danger. Ces certificats empêchent les patrons de licencier abusivement les employés concernés : cette mesure leur permettra de s’en débarrasser facilement ! Elle est présentée pour la croissance et l’emploi : au contraire, elle est pour le chômage et contre les droits des salariés.

Comment le projet de Loi Macron met fin à l’obligation d’embauche des travailleurs handicapés ?

Auparavant, quand ils n’embauchaient pas des handicapés, les employeurs étaient soumis au versement d’une taxe ad hoc ; taxe que nous dénoncions, en tant que syndicalistes. Nous préférons des embauches en CDI…

Pour pouvoir se soustraire à l’obligation d’embaucher des travailleurs handicapés, les employeurs pouvaient (avec la loi de 1987 et de 2005) déjà déroger, passer des contrats à des « entreprises adaptées », des « centres de distribution de travail à domicile », des « établissements ou services d’aide par le travail ». (Loi 1987 et 2005). Nous revendiquons le droit au travail, c’est-à-dire non pas des expédients (Contrats d’Avenir, petits boulots, stages, etc.) mais un véritable emploi, avec un véritable statut en CDI et un véritable salaire ; le tout dans un cadre de travail totalement accessible. Les patrons n’embaucheront pas les handicapés si on ne les y oblige pas. Pourtant, la Loi du 10 juillet 1987 a supprimé le principe même du droit au travail pour tous les handicapés. Elle a abaissé les quotas, réduit les sanctions et facilité les dérogations... La Loi du 11 février 2005 procède de la même logique et de la même suite...

Le projet de Loi Macron va plus loin (articles L. 52126 et L. 521271) : désormais, il suffira de faire appel à des personnes que l’employeur ne paiera pas et qu’il n’aura pas l’obligation d’embaucher (« personnes handicapées pour des périodes de mise en situation en milieu professionnel dans les conditions fixées par les articles L. 51351 et suivants » – la mise en situation en milieu professionnel est issue d’une loi scélérate du 5 mars 2014 qui permet de fournir de la main d’œuvre gratuite sous couvert de « découvrir un métier », de « confirmer un projet professionnel » ou d’« initier une démarche de recrutement ») ou à des non-salariés (« travailleurs indépendants handicapés »), ce qui constituera sans nul doute une occasion supplémentaire de travail non déclaré.

Macron a démarré son parcours parlementaire sur trois mesures visant soi-disant à favoriser l’emploi des travailleurs en situation de handicap fixée à 6% des effectifs pour les employeurs comptant au moins 20 salariés. Mais elles sont loin de faire l’unanimité parmi les associations de personnes handicapées, les syndicalistes, les salariés…

Si elles sont adoptées en l’état, elles vont leur permettre d’optimiser cette obligation en multipliant les opportunités indirectes plutôt qu’en embauchant. C’est un signal très inquiétant, alors que l’emploi direct des personnes en situation de handicap diminue déjà beaucoup. Jusqu’à présent, pour satisfaire partiellement leur obligation d’emploi, les employeurs ont le droit de passer des contrats de fournitures de sous-traitance ou de prestations de services avec des entreprises adaptées (EA) ou des établissements et services d’aide par le travail (ESAT). Le ministre de l’Economie souhaite modifier légèrement cet article L. 52126 du code du travail. Les employeurs auraient désormais le droit de passer « des contrats de fournitures, de sous-traitance ou de prestations de services ». L’ajout de cette virgule n’a rien d’anodin. Certes, aujourd’hui déjà, les employeurs peuvent commander des produits vendus par des EA et des ESAT et convertir tout ou partie en équivalent emploi de travailleurs handicapés. Mais cette clarification réglementaire pourrait être interprétée comme une incitation à avoir davantage recours aux achats, Or, ce marché est pollué par une minorité de « structures voyousà », pratiquant un démarchage misérabiliste pour vendre des fournitures à des prix prohibitifs.

Favoriser les travailleurs indépendants handicapés, autre nouveauté de la Loi Macron : les employeurs pourraient également déduire de leur obligation d’emploi les contrats passés avec les travailleurs indépendants en situation de handicap, qu’ils soient professions libérales, auto-entrepreneurs, artisans… Cette mesure était réclamée de longue date par l’Union professionnelle des travailleurs indépendants handicapés (UPTIH).

La mise en situation professionnelle déductible de l’obligation d’emploi : enfin, troisième mesure, les périodes de mise en situation en milieu professionnel effectuées par des personnes handicapées, pourraient également être déduites de l’obligation d’emploi par l’employeur qui les accueille. Ce dispositif, d’une durée de deux mois maximum, a été créé par la loi de mars 2014 réformant la formation professionnelle. La Loi Macron aligne son traitement au regard de l’obligation d’emploi sur celui accordé aux stages. Une mesure de mauvais sens…

Les ressources de l’AGEFIPH impactées : on peut toutefois s’interroger sur les motivations qui conduisent le gouvernement à développer les alternatives à l’emploi direct dans le cadre de l’obligation d’emploi : nous savons que cela n’est pas pour favoriser l’emploi des personnes handicapées sous toutes ses formes mais plus, hélas, pour assouplir les contraintes pesant sur les employeurs. De plus, gonfler artificiellement le taux d’emploi conduit à diminuer les ressources dont celles de l’AGEFIPH et du FIPHFP (fonction publique). Les employeurs qui n’atteignent pas l’objectif légal de 6% de travailleurs handicapés dans leurs effectifs doivent verser une contribution à l’un de ces deux fonds.

L’argent récolté par l’Association de Gestion du Fonds pour l’Insertion des Personnes Handicapées (AGEFIPH) doit servir aux travailleurs handicapés et non plus à leurs patrons. Cet argent ne doit plus être détourné pour servir à pallier le désengagement financier de l’État (garantie de ressources notamment.) Handicapés ou pas, entrepreneur ou pas, la future Loi Macron n’est pas une loi qui va dans le sens des travailleurs handicapés, ni celui des valides. Trouver un emploi n’est pas facile et faire valoir nos droits est pire, une fois en poste. La Loi Macron contredit l’embauche surtout pour le Handicap, va au contraire faire un barrage à de vraies embauches dans l’entreprise. Et puis, s’il y a un accord « handicapés », comment vatil s’appliquer pour les prestataires qui ne sont pas salariés ? Et comment les syndicats, les CHSCT pourront-ils jouer leur rôle ? Quel sera leur statut au niveau de l’entreprise, des salaires, des conditions de travail, de l’accessibilité prévu par le CHSCT ?

Le projet de Loi Macron prévoit de modifier les règles de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés. Dans le projet de loi « pour la croissance et l’activité » dite Macron, deux articles (articles 92 et 93) viennent de modifier les règles de calculs de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH). Options et nécessité de légiférer : cette mesure a pour objectif « d’inciter » les entreprises à mettre en œuvre cette disposition en faveur des travailleurs handicapés, en en faisant une modalité d’acquittement partiel de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapées, au même titre que pour les stages prévus à l’article L. 52127 du code du travail. L’article L. 52127 du code du travail prévoit les situations d’accueil de stagiaires en situation de handicap qui permettent aux employeurs de s’acquitter partiellement de leur obligation d’emploi des travailleurs handicapés.

Analyse des impacts des dispositions envisagées.

 Impacts budgétaires : L’impact budgétaire prévu pour cette disposition devrait être faible. Il sera supporté par l’AGEFIPH chargée de la gestion du fonds de développement pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées, qui verra baisser sa collecte au titre de l’OETH, proportionnellement au nombre et à la durée des PMSMP déclarées.

 Impacts sociaux : Le schéma simplifié par rapport aux mesures antérieures permet la sécurisation juridique du dispositif pour le bénéficiaire. Il verra ainsi le maintien de son statut et de sa rémunération pendant la PMSMP…

 Impacts sur l’emploi : Cette disposition s’insère pleinement dans les objectifs de construction de parcours d’insertion professionnelle intégrés. Un décret précisera les modalités de mise en œuvre et les conditions d’éligibilité des PMSMP à l’acquittement partiel.

« Cela peut représenter une opportunité de marché pour les personnes qui souhaiteraient créer leur activité », explique la directrice de la prospective à l’AGEFIPH. « Il faut voir dans quelle mesure leur offre pourrait correspondre aux besoins des Entreprises ». Au moins les choses sont claires. Pour eux, les comptables, juristes, consultants, avocats peuvent intéresser le secteur privé. Si elles sont adoptées en l’état, ces mesures vont permettre aux Employeurs d’optimiser leur obligation en multipliant les opportunités indirectes plutôt qu’en embauchant, C’est un signal inquiétant alors que l’emploi direct des personnes handicapées diminue déjà. D’autres craignent de voir se multiplier le licenciement de personnes handicapées pour faire appel à elles en sous-traitance. Concernant les mauvais chiffres, le vrai problème se situe au niveau de la formation des personnes handicapées. En effet plus 80% d’offres en alternance sont destinées à des profils disposant du niveau BAC minimum. Ce jour, 80% des personnes handicapées ont un niveau inférieur au BAC (du fait de la maladie et de l’hospitalisation). Par conséquent, l’embauche de salariés en CDI est et reste la revendication principale : 6% et plus mais que des embauches avec l’accessibilité totale et entière qui va avec.

François Hollande l’avait promis au patronat le 11 décembre, au cours de la Conférence nationale du Handicap (CNH). L’article 92 du projet de loi prévoit donc de modifier le code du travail en ce sens, au titre des « simplifications pour les entreprises ». La mesure pourrait intéresser, en particulier les petites structures, pour des prestations de conseil. Comment pourra-t-on s’assurer que les prestations sont vraiment réalisées par des personnes handicapées, et non par un salarié valide employé par un entrepreneur handicapé ? Il faut redouter que la multiplication des possibilités de déduction ne se fasse au détriment de l’emploi direct.

Une autre mesure en revanche fait l’unanimité pour eux : l’article 93, qui prévoit que l’employeur puisse « s’acquitter partiellement de l’obligation d’emploi en accueillant des personnes handicapées pour des périodes de mise en situation en milieu professionnel », comme c’est le cas aujourd’hui pour les stages. Pourquoi pas ? Mais combien d’embauches se font à l’issue de ces formations ? En résumé, si le projet de loi est voté en l’état, il s’agirait d’intégrer les contrats de prestations de services et de sous-traitances passés avec les travailleurs indépendants handicapés dans les modalités d’accomplissement de l’obligation d’emploi de personne handicapée (l’article L. 3238 du code du travail). Pour ces gens-là, cela représente un drôle d’accord gagnant-gagnant entre les travailleurs handicapés, les entreprises ou organisations publiques et l’État.

L’UPTIH estime la source d’économie pour l’État à environ un milliard d’euros « puisque les travailleurs indépendants qui se versent un salaire ne reçoivent plus d’allocations. »

L’UPTIH souhaite donc convaincre que l’occasion est également, pour les entreprises d’aborder le « handicap » ponctuellement, avec une relation de prestation moins engageante qu’un contrat à durée indéterminée. Moins de CDI mais avec plus de prestataires !

Nous ne pouvons que rejeter les conditions de mise en œuvre d’une telle mesure.

Patrick Le Claire - Référent Handicap FEC

 Voir en ligne  : Fédération des Employés et Cadres FO - Site internet

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