Après cinq ans de serrage de ceinture, l’argument patronal de la crise pour ne pas augmenter les salaires ne marche plus. Alors que les négociations annuelles obligatoires (NAO) s’achèvent, les conflits se multiplient pour rouvrir les négociations, comme chez Bricorama ou Alstom.
« Les négociations sont difficiles, reconnaît Marie-Alice Medeuf-Andrieu, secrétaire confédérale FO chargée des salaires. Des entreprises qui se portent bien proposent 0 % sans justification. On veut faire croire aux négociateurs que pour pérenniser l’emploi il faut des sacrifices, même lorsque des dividendes sont versés. »
Pour 2015, selon le cabinet spécialisé Deloitte, les augmentations globales tourneraient autour de 1,85 % pour les non-cadres et de 1,90 % pour les cadres. Ce taux dépassait souvent les 3 % avant la crise.
En euros constants, le salaire net moyen a baissé dans le privé de 0,4 % en 2012, selon une étude de la Dares de janvier 2015. Ce recul touche particulièrement la construction (- 0,6 %) et le tertiaire (- 0,6 %).
Si en 2014 le salaire mensuel de base a augmenté de 1,4 % en euros constants dans les entreprises de dix salariés ou plus, selon le ministère du Travail, c’est avant tout en raison d’une inflation nulle. Et les employeurs prennent désormais prétexte de cette faible inflation pour figer les salaires. Même si « tout continue d’augmenter automatiquement, les loyers, les transports », ajoute Marie-Alice Medeuf-Andrieu.
Pour les patrons du CAC 40 en revanche, les rémunérations ont grimpé de 10 % en 2014, selon une étude Facta–La Tribune du 28 avril.
Rémunération en baisse dans la fonction publique
Dans la fonction publique, où le point d’indice est gelé depuis 2010, la rémunération a diminué en 2013 pour la troisième année consécutive, selon une étude de l’Insee du 27 avril. La baisse est de 0,7 % pour les fonctionnaires d’État, de 0,1 % dans la territoriale et de 0,2 % dans l’hospitalière, accréditant l’analyse de FO sur la politique d’austérité.
La fédération FGF FO rappelle qu’elle avait « condamné le projet de loi de finances 2015 présenté en octobre 2014, qui aggrave la baisse du pouvoir d’achat des fonctionnaires ».
FO, qui avait appelé à manifester le 9 avril contre l’austérité, réclame la revalorisation immédiate de 8 % de la valeur du point d’indice, l’attribution uniforme de 50 points d’indice et la refonte de la grille indiciaire intégrant une partie des primes.
Autant de revendications que la fédération porte dans l’actuelle négociation avec le ministère de la Fonction publique pour améliorer les carrières et les rémunérations des agents, qui devrait s’achever en juin.
Décryptage : FO s’inquiète d’une confusion des genres dans les futures NAO
Le projet de loi sur le dialogue social regroupe les NAO en trois rendez-vous. L’un d’entre eux portera sur « la rémunération, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée de l’entreprise », et pourra, par accord majoritaire, se dérouler seulement tous les deux ou trois ans. Pour FO, cela va accroître la confusion entre salaires, intéressement et participation. « Les employeurs voudront d’abord aborder les substituts, puis ils diront qu’il ne reste rien pour les salaires, s’inquiète Marie-Alice Medeuf-Andrieu. Même si la fiche de paye augmente, le salaire est un acquis alors qu’une prime est volatile. »