La négociation collective est le meilleur levier dans la lutte contre les inégalités femmes-hommes

Les Dossiers de l’InFO militante par Sandra Déraillot, L’inFO militante

8 mars 2025

Différences de rémunération et de temps de travail, organisation du travail et facilitation des aménagements vie privée/vie professionnelle, il reste encore beaucoup à faire pour avancer vers une réelle égalité. Le point avec Béatrice Clicq, secrétaire confédérale au secteur de l’Égalité et du développement durable.

Quel est le levier majeur pour faire progresser l’égalité professionnelle femmes-hommes ?
C’est la négociation collective, avec un patronat qui veuille vraiment faire avancer les choses. Or la volonté est très variable selon les entreprises. Parfois cela débouche sur des mesures tièdes. Par exemple, affirmer simplement le principe d’égalité femmes-hommes, ça ne sert à rien. Il faut des engagements concrets, tels que l’absence de réunions au-delà des heures de travail, une prise en charge des frais de garde en cas de déplacements…

Les contraintes actuelles sont-elles suffisamment fortes pour faire progresser l’égalité salariale ?
La loi du 22 décembre 1972 pose le principe de l’égalité de rémunération. Avec l’index de l’égalité professionnelle on devrait avoir passé un cran, puisque des sanctions accompagnent ce dispositif. Pourtant on est toujours à 23,5 % de différence de revenu. Car en réalité, très peu de sanctions sont appliquées. De plus, l’index ne concerne qu’un quart des salariés et moins de 1 % des entreprises.

Où en est la réforme de cet index Egapro et quelles sont les revendications de FO à ce sujet ?
Un bilan du Haut conseil de l’Égalité a été rendu l’année dernière, qui a conforté l’invisibilisation d’une partie des écarts de rémunération que pointent les organisations syndicales. Nous avons eu plusieurs réunions avec le ministère et la perspective de la transposition de la directive européenne sur la transparence des rémunérations (dont la date butoir est en juin 2026) devait aider à faire avancer les choses et à réviser l’index. Mais il y a eu la dissolution et deux changements de gouvernement. Nous relançons régulièrement ce sujet. Ce que nous voulons, c’est que l’indicateur portant sur les écarts de salaires soit présenté et décortiqué en CSE et en négociations, que la note soit bonne ou mauvaise. Car c’est en observant les choses à la loupe que l’on peut voir où sont les écarts et prendre des mesures. Nous demandons aussi la création d’un indicateur supplémentaire : la proportion de femmes parmi les 10 % de salariés les moins bien rémunérés de l’entreprise.

FO a-t-elle des revendications concernant des politiques publiques susceptibles de faire progresser l’égalité femmes-hommes au travail ?
Les politiques publiques doivent répondre aux besoins de la petite enfance comme du grand âge. Une réforme du congé parental est annoncée, qui limiterait celui-ci (devenu congé de naissance) à une année non renouvelable, en étant mieux rémunéré. Mais que feront les familles les deux années suivantes ? Sachant qu’il manque actuellement 230 000 places de garde... C’est pourquoi nous revendiquons une allocation non plus forfaitaire mais proportionnelle au salaire, et que ce droit soit transférable d’un parent à l’autre, souple, modulable. Les pères pourront peut-être davantage profiter de ce congé. Il faut aussi garder la possibilité du congé de trois ans si c’est le choix des parents. Enfin, nous appelons à la création de nouveaux droits. On parle de plus en plus de l’aide à un proche dépendant, beaucoup supportée par les femmes. En termes de politique publique, il faut que des professionnels (en établissement ou à domicile) puissent s’occuper des personnes. Et que l’aidance devienne un choix. Pour l’instant, elle est subie, avec pour conséquence des femmes qui vont prendre des temps partiels. Outre la suppression des écarts de rémunération, FO revendique donc pour les salariés à temps partiel la prise en charge par l’employeur d’un complément de cotisation permettant d’égaler les cotisations d’un temps plein, ainsi qu’une pension de retraite minimale à 100 % du Smic.

Propos recueillis par Sandra Déraillot

 

De l’inégalité salariale à une pension plus faible

Les différences de revenus entre les hommes et les femmes à la retraite restent significatives. En 2022, selon la Drees, les femmes percevaient une pension de droit direct moyenne inférieure de 38 % à celle des hommes (en 2004, la différence était de 50 %). Cela s’explique par les inégalités salariales tout au long de la carrière, le faible taux d’activité des générations passées, et par des carrières incomplètes. En tenant compte de la réversion, la pension des femmes reste inférieure de 26 % à celle des hommes. Chez les retraités les plus modestes, l’inégalité hommes/femmes concernant les revenus (incluant pensions, prestations sociales et patrimoine) est aussi particulièrement marquée. Au niveau du premier décile, l’écart est de 52 %, en défaveur des femmes. Selon l’Insee, les 10 % de retraitées ayant le plus bas revenu perçoivent moins de 5 340 euros par an, quand les 10 % d’hommes ayant le plus bas revenu perçoivent moins de 11 340 euros.

 

Des rémunérations moindres et plus de temps partiel

L’écart de salaire moyen entre hommes et femmes se réduit très lentement. Il était de 23,5 % en 2022 contre 28,2 % en 2001, selon l’Insee. Cette persistance s’explique en partie par des temps de travail inférieurs. En 2022, 26,7 % des femmes qui travaillent sont à temps partiel contre 7,5 % des hommes. Corrigé du volume horaire de travail et rapporté à un temps plein, l’écart atteint encore 14,9 %. Il se creuse avec l’avancée en âge. Ainsi les hommes de plus de 60 ans perçoivent en moyenne une rémunération 26,1 % supérieure à celle des femmes du même âge. Et cet écart est plus fort chez les cadres (15,1 %) que chez les employés (3,9 %). Parmi les femmes qui travaillent à temps partiel, 29,8 % font ce choix pour s’occuper de leurs enfants ou d’un proche (contre 8,2 % des hommes). Et 23,2 % parce qu’elles n’ont pas trouvé de temps complet. Enfin, en 2023, 6,2 % des femmes étaient en sous-emploi, c’est-à-dire qu’elles souhaiteraient travailler davantage (contre 2,7 % des hommes).

 

Une santé au travail plus impactée

Si les femmes ont moins d’accidents du travail (18 par million d’heures rémunérées) que les hommes (23), leur nombre a toutefois augmenté de 41,6 % sur la période 2001-2019. Tandis que le nombre de déclarations concernant les hommes baissait de 27,2 %. Sur cette période encore, le nombre des déclarations de maladies professionnelles (88 % des déclarations relèvent des troubles musculo-squelettiques) a augmenté quant à lui deux fois plus chez les femmes (+ 158,7 %, selon l’ANACT). Et rapportées au nombre d’heures travaillées, la sévérité et la fréquence des TMS sont, avec 17,8 %, supérieures chez les femmes, contre 11,5 % pour les hommes. L’écart est encore plus marqué parmi les ouvriers : les femmes déclarent trois fois plus de TMS que les hommes. L’Insee relève aussi davantage de limitations physiques chez les femmes après 45 ans (36,8 % contre 32,5 % pour les hommes), avec un décalage plus fort chez les 45/54 ans (25,7 % des femmes contre 18 % des hommes). Enfin, sur-représentées dans les métiers du soin, de l’enseignement et du nettoyage, les femmes sont davantage exposées aux risques psychosociaux.

 

Sandra Déraillot Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération

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